"
J'ai honte! ", je le dis tout bas mais je le pense
bien haut et fort dans ma tête. Penaud, j'accuse le verdict de ma mère qui
vient tout juste de se prononcer. Face à mon juge j'accepte une fois encore ma
peine, une fois de plus car je suis un mulet, celui-là même qui un mois
auparavant subissait déjà sa sentence. Je pensais que du haut de mes dix ans
j'avais atteint un âge de raison, mais lorsque je daigne me regarder avec les yeux
de ma mère qui me fustige à cet instant, j'évince bien vite cette pensée de mon
esprit. À nouveau j'ai déçu ma mère, heureusement pour moi que mon père ne soit
plus avec nous, sinon mon jugement aurait été tout autre. Je repense à mon
forfait et je ne m'accorde aucunes circonstances atténuantes, j'ai tellement
honte de moi de cette situation cocasse dans laquelle j'ai plongé ma pauvre
mère. Pourtant je ne suis pas aussi pernicieux comme certains se réjouissent d'affabuler
sur mon compte, certes je suis parfois méchant, une amertume qui a vu le jour depuis
le départ de mon père, qui depuis quatre ans n'a pas cessé de se développer. Et
c'est reparti! Pour six mois tous mes
dimanches sont révolvérisés, un interminable semestre à purger ma peine dans
cet établissement, qui soi-disant doit me pacifier et me lénifier. Cet édifice
me sort des yeux, presque quatre années que ma génitrice m'y renvoie
régulièrement pour y purger mes peines. Je ne compte plus tous ces dimanches
perdus, à me morfondre entre ces quatre murs antipathiques, une détention à la
seule volonté de me catéchiser et de me convertir à la répression, à une
prévention qui jusqu'alors n'ont jamais eu aucune emprise sur moi, qui tout au
plus n'ont fait qu'augmenter cette haine que je porte à cette grande bâtisse
hideuse. Mais ce qui m'agace le plus, c'est la présence de cet homme que ma
mère a désigné comme précepteur, un éducateur qui depuis quatre ans faut dans
les attributions que ma " vielle " lui a prescrit…Lorsque mon juge me
libère il m'achève en me lançant ironiquement: " N'oublies pas que demain c'est dimanche! ". Du pas pressé qui
fut le mien il y a un instant, voilà que la limace qui sommeille en moi se
réveille et me freine dans mon élan. Je regagne ma " cellule "
dépité, je fixe le cadran de ma montre et décompte les quelques heures de
liberté qui me séparent de ma prochaine incarcération... En état de récidive, à moins d'un mois
seulement de ma dernière condamnation, c'est la tête bien basse et le pas
traînard que je regagne l'établissement maudit,
prêt à affronter de nouveau cet homme que j'ai appris à détester tout au long
de ces dimanches exécrables. À quarante-cinq ans il en paraît dix de plus et
encore je suis bien brave, coïncidence cela fait tout juste quatre ans que lui
aussi fréquente cette grande bâtisse, je soupçonne ma mère de l'avoir engagé
spécialement à mon intention. Toutes celles et ceux qui travaillent au sein de
cet édifice le chouchoutent, certains vont même jusqu'à le magnifier, je les
regarde faire et je ne les comprends absolument pas. En quarante-huit mois, il
n'y a pas eu un seul dimanche où je me suis senti heureux de me retrouver en sa
présence, et même lorsque ma mère se retrouve avec nous lorsqu'elle n'est pas
d'astreinte à l'hôpital auprès de ses patients, je ne manifeste pas moins de
contentement…Comme je le fais depuis quatre ans, je demeure immobile devant
cette porte, qui dans un instant va s'ouvrir et me priver de toute ma liberté,
j'inspire un long moment et me gonfle de toute cette licence, puis je m'annonce
et pénètre dans ce local où je le redécouvre. Assis dans son confortable
fauteuil il me fixe et ne m'adresse pas un seul mot, je devine un léger sourire
ironique aux coins de ses lèvres perverties, et lui adresse mon venin qui je le
sais très bien ne l'atteindra aucunement, comme tous ces autres dimanches du
reste. Près de lui se trouve une chaise bien affable, de là où je me trouve il
s'imagine que je le regarde, alors que j'abandonne mon regard sur cette
séduisante chaise qui m'attire de plus en plus. Il vient de murmurer un mot
mais je n'en ai pas compris le sens, il est vrai que depuis notre dernier
dimanche sa physionomie a quelque peu changée, il doit certainement couver une
maladie. Maintenant il détourne sa tête vers la chaise et m'invite à la
courtiser, bien que la proposition soit alléchante je ne cède pas à son offre,
entre lui et moi il n'y aura jamais de complaisance et encore moins de
cordialité. Ce silence désagréable qui tapisse lourdement nos premières minutes
d'entrevue ravale nos échanges, une atmosphère très proche d'un film glauque,
voilà reflétés mes dimanches punitifs au sein de ma " forteresse ".
L'apparition dans la pièce d'une jeune fille toute blanche vêtue, édulcore
l'ambiance et nous apprivoise, de nouveau humanisés pour un moment le temps de
sa présence à nos côtés, nous nous rabibochons. Je n'ai jamais su réellement qui
étaient ces personnes qui venaient le voir régulièrement tous ces dimanches,
toujours habillées de blanc, tantôt des femmes, d'autrefois des hommes. Aux premières
visites je pensais qu'elles étaient des proches, ses enfants, de la famille,
quelquefois je supposais qu'elles étaient tout simplement ses amies et ses
potes, mais au fil des entrevues j'avais bien vite écarté ces suppositions, le
vouvoiement qu'ils instauraient entre eux fortifiant alors mon jugement. Qui
qu'elles pouvaient être, ce fut toujours avec un grand contentement que
j'accueillais leurs présences, car elles rassérénaient mes dimanches purgatifs.
Cet homme censé me remettre dans le droit chemin, me faire la morale et me
civiliser, de toute cette probité que ma mère croyait que je me bâfrais tous
ces dimanches, de tout cela il n'en était rien. En quatre années passées dans
cet établissement j'avais juste appris à reconnaitre une certaine réalité, le
dépérissement de cet homme qui de propos de plus en plus incohérents,
d'agressivité et de furies inopinées,
l'apparentait étrangement à un dément plutôt qu'à un éducateur ou un
précepteur, comme l'affirmait ma mère à chacune de nos disputes à son sujet. Pour
détendre le climat qu'elle soupçonnait rogue, la jeune fille nous proposa une
partie de cartes, d'un sourire je l'en remerciais alors que l'autre ne lui
manifesta aucune gracieuseté, plus je le regardais davantage je m'interrogeais
sur les liens qui pouvaient unir ma mère à cette canaille. Ce n'était pas la
première fois que je me retrouvais assis en face de lui, et malheureusement pas
la dernière. Ce qui m'énerve lorsqu'on joue avec lui c'est qu'il ne participe
pas franchement à ce moment de convivialité, c'est comme s'il se surpassait
pour corroder ce pur instant de bien-être. Lorsqu'il m'arrive de lui parler,
j'ai toujours cette sale impression qui m'affirme qu'il ne m'écoute pas, il ne
réagit pas ou peu, et de cette moralité qu'il est censé m'inculquer de murmures
et de gestes il me faut décrypter mes cours, et m'instruire au mieux pour
contenter l'attente de ma mère. Parfois lorsque je le fixe longuement il me
semble qu'il voudrait me dire quelque chose, mais il n'arrive pas à l'exprimer.
Combien de fois me suis-je demandé à quoi il pouvait penser durant ces longues
minutes de silence entre nous, au cours d'un déjeuner, lors d'une partie de
cartes, d'une promenade, des moments d'égarement desquels il oubliait de vivre.
Comme la plupart du temps lorsqu'on commence un jeu de société ou une partie de
cartes comme c'est le cas ce dimanche, à cause de lui on doit se résoudre à ne
pas la terminer, tout ça parce-que monsieur manifeste de l'énervement, car
lorsqu'on lui demande de faire des efforts où son cerveau est mis à rude
contribution, monsieur démissionne. C'est l'heure du déjeuner, c'est mon moment
préféré de ces dimanches punitifs, comme il le fait parfois cet homme malséant
profite de la présence de cette adorable jeune fille pour se nourrir. Ainsi,
elle lui donne à manger et le gave de caresses, elle m'invite à m'asseoir en
face d'elle et à la droite de l'homme, sur l'instant j'imagine qu'elle désire
me zyeuter et pendant un moment je m'extasie, mais lorsque qu'elle me demande
de caresser la main de l'homme ma réjouissance s'affadit tout aussitôt. Je ne
comprends vraiment pas ce qu'elle lui trouve à ce…Et lui, un homme de son âge
qui ne veut pas se nourrir et s'amuse à jouer l'anorexique, incroyable et pourtant
vrai! Puis c'est l'instant agréable du café, moi je n'en prends pas à cause de
mon âge, mais la jeune fille me propose du thé que j'accepte volontiers. Tous
trois nous savourons ce moment chaleureux, je me sens bien et j'en oublie
presque ma pénitence. La seule évidence irréfragable qui distance ma mère à cet
homme, se rapporte à l'évocation de mes petits larcins que j'avoue sans appréhension à mon précepteur. Lui au moins il
m'écoute et jamais ne me coupe la parole, de la sorte je peux toujours m'exprimer
en longueur et bien détailler mes chapardages, ce qui n'est jamais le cas avec
ma mère qui me réprimande et me savonne pour soi-disant me purifier. Entre lui
et moi c'est notre moment de conciliation, c'est les rares fois où je contemple
ces minces sourires qu'il esquisse sur son visage, radouci par mes
extravagances, les uniques fois où je lui accorde toute mon estime, où ma haine
envers lui s'annihile. Une bonne heure plus tard la jeune fille nous quitte, et
j'appréhende ces dernières heures à passer seul en la compagnie de cet homme,
qui d'une minute à l'autre peut se métamorphoser. Je regarde le temps qu'il
fait et je propose à mon éducateur d'aller faire une promenade dans le grand
parc, il maugrée comme à chaque fois mais je sais qu'au fond de lui il se
réjouit, car c'est les seules minutes de cette journée où il va pouvoir se
tenir tout près de moi. Les seuls instants de ce dimanche de ce seul jour de la
semaine où il pourra jouer sa comédie, et user de son âge pour faire semblant
de fléchir, et attendre de moi tout un
soutien que de bras et de mains bienveillantes s'appliqueront à sa protection.
Nous marchons, et tous deux nous peuplons comme nous le pouvons nos pensées car
là encore nous ne communiquons que très rarement. Je pense à ma bande de
copains qui doit bien s'amuser, et je ne comprends pas pourquoi ma mère
s'entête à me punir de la sorte, de m'envoyer dans cet établissement et auprès
de cet éducateur qui ne m'apprends absolument rien. Au bout de cinq minutes
nous sommes obligés de nous asseoir sur un banc, car monsieur est déjà fatigué.
Ce silence entre nous m'horripile, aussi et afin de le briser je me place en
face de lui et tente d'accaparer son intention, mais comme il s'est ordonné de
le faire à chaque fois que j'entreprends cette révolte, il regarde dans le vide
et m'ignore totalement comme si je n'existais pas. Excédé par son comportement arrogant
et n'y tenant plus, je l'invective et gronde aussi fort que l'orage qui menace
le grand parc au même moment, ensuite je regagne le local pour me ressaisir.
Debout devant la grande fenêtre de la pièce qui balaie tout le grand parc et
une partie de l'entrée principale, je guette le retour de cet homme
incorrigible, sur le moment je me demande si c'est moi le détenu ou lui, si
c'est lui ou moi qui ait tant besoin de recevoir de l'éducation. Je commence à
m'inquiéter car il pleut à verse, et l'orage tonne de plus en plus fort, je
n'arrive pas à percevoir sa silhouette, aussi je décide de partir à sa
recherche avant qu'une bourrasque le soulève, et le fossilise pour l'éternité
contre la façade de cet établissement. Mais à peine sorti du local je
l'aperçois qui déambule dans le couloir, c'est incroyable il n'arrive même pas
à s'orienter, il faut que ça soit moi le taulard qui aille lui montrer le
chemin, et le ramener vers ma " cellule " dont lui seul possède la
clef. À la réflexion je me demande si ce n'est pas une fourberie de sa part, un
stratagème pour retarder mon départ et rallonger ma peine, car le bougre sait
que dans quelques minutes je vais pouvoir retrouver ma pleine liberté, cela
doit l'énerver alors il use de tous ses artifices pour prolonger ma détention,
et se défouler sur moi car pour lui je ne représente qu'un martyr, un
souffre-douleur sur lequel il peut se dépenser une seule fois par semaine, un
plastron providentiel qu'il ne retrouvera jamais ailleurs. Que la fin de ce
dimanche le ramènera à une certaine réalité, une véridicité qui le terrifie et
le rabaissera à sa juste valeur, celle d'un paria envers qui je manifesterai
toujours une véhémente inimité. De retour dans le local il s'assied autour de
la table et se met à pleurer subitement, je ne saurais jamais le pourquoi,
d'une part car il n'aura jamais le courage de me le dire, et d'autre part car
je ne le mignoterai pas comme il l'espère. Je m'éloigne de lui pour ne pas lui
donner de faux espoirs, et malgré l'écart qui nous sépare je ressens ces
sanglots intérieurs qui le torturent, toutefois je demeure insensible et me
rappelle de toutes ces autres fois, de ces années antérieures alors que je
n'étais qu'un gamin, il s'évertuait à me dédaigner, me lestant des plus
horribles afflictions qu'un gosse de mon jeune âge puissent subir, qu'une
submersion dans les profondeurs d'un abîme de ce poids contraignant,
aujourd'hui encore me retient en ses fonds. Je fixe ma montre et je souris,
l'homme m'a surpris dans mon contentement et m'adresse sa plainte, au même
instant un orage assourdissant tonne dans les airs, un vent impétueux fait
vibrer la grande fenêtre de la pièce, je sursaute, mais cet homme froid et
insensible demeure immuable, rien ne semble l'atteindre. Je me prépare à partir
et au fond de moi je soutiens qu'il adopte ces attitudes inébranlables juste
pour me démontrer à quel point il se sait puissant, que ma résistance et ma
vaillance d'enfant jamais ne le feront fléchir, et que toujours il triomphera
face à mes licences. Il est temps pour moi de le quitter et je n'émets aucuns regrets,
face à moi je découvre un puzzle qui perd ses pièces, j'hésite un bref instant
pour le reconstituer et lui redonner forme, mais au mince sourire qu'il laisse
apparaître aux coins de ses lèvres cyniques, d'un claquement de porte
tonitruant je le dénude entièrement et le précarise, j'ai déjà hâte de savourer
mon prochain dimanche…
Finalement
ce n'est que quelques jours après avoir fêté mes seize ans, que ma mère se
décidait à ne plus m'envoyer dans cet établissement de malheur. J'avais
accueilli cette nouvelle comme mon cadeau d'anniversaire, puisqu'elle avait
décidé de ne pas m'en offrir, très déçue il est vrai par mes comportements
infâmes envers elle tout le long de l'année. Je me souviens que c'était un
samedi après-midi, alors qu'elle venait me récupérer pour la énième fois au
commissariat, conséquemment je m'apprêtais à encaisser ma nouvelle condamnation
et à faire une croix sur mon dimanche, lorsqu'elle m'apprenait que désormais
mes dimanches ne me retiendraient plus prisonnier dans cet établissement, et
jamais plus auprès de cet homme que je maudissais toujours autant dix années
après ma première " incarcération ", qu'une mort inéluctable l'avait
définitivement cloîtré entre quatre planches et enseveli sous la terre qui
l'avait vu naître. À l'avenir c'est au cimetière du village que j'accomplirai
ma sentence, et pour chaque dimanche que le Seigneur m'accorderait j'étais
assigné au recueillement sur la tombe de mon détesté précepteur. Le lendemain,
jour dominical, je me rendais pour la première fois dans ce cimetière afin
d'exécuter ma condamnation, c'est ainsi que je découvrais enfin le prénom et le
nom de ce pendard qui dix années durant m'exacerba. Cet homme que j'exécrais,
que je réprouvais, que je répugnais, cet homme c'était…Mon père!...Ce ne fut
qu'à la fin de mon recueillement très douloureux, que ma mère tint à me révéler
des vérités que j'eus un certain mal à encaisser. De la sorte elle m'avoua que
mon père subit les premiers syndromes de cette maladie d'Alzheimer, alors que
je n'avais que six ans. Des pertes de mémoire fréquentes et une carence
sérieuse qui l'obligèrent à me négliger, à se désintéresser de l'enfant que
j'étais à cette époque. Je l'écoutais s'épancher, et je me rappelais cette
soudaine animosité qui naquit en moi il y a dix ans, une hostilité qui
s'intensifia d'années en années, de dimanches en dimanches. De ces enfermements
insoutenables dans cet établissement que je souhaitais plusieurs fois
incendier, un édifice qui me recevait chaque dimanche non pas comme un détenu,
mais comme un visiteur qui venait offrir de son temps à son père atteint de la
maladie d'Alzheimer. Un établissement et non pas une forteresse comme je me
l'étais si souvent affirmé, qui tenta durant dix longues années d'apaiser les
souffrances et les douleurs muettes d'un patient, condamné quoiqu'il en fut à
son triste sort. Une maladie incurable et pénible dont je ne pouvais
raisonnablement pas accuser la véritable torture quotidienne, d'un âge trop
jeune, d'une instabilité inquiétante
durant toute cette période qui m'écarta d'une
incontestable réalité. Le dépérissement de cet homme, son agressivité et son
éloignement involontaire de moi à cause de cette terrible maladie, autant
d'offenses qui dix longues années durant m'incitèrent à détester ce sale type,
mon père! Au temps des aveux que ma mère consentit à me faire, elle annexa des
photos et des vidéos qui me firent découvrir à quel point mon père m'adorait,
avant que cette saleté de maladie l'infecte. Depuis dix ans j'avais perdu
l'habitude de pleurer, aujourd'hui j'ai honte de moi et je crois que je n'aurai
pas assez d'une seule vie pour me dépurer, tellement je me sens sale et
répugnant. Ma mère me confia que depuis ma naissance jusqu'à mes six ans, mon
père entretenait avec moi une relation fusionnelle très intense, si fébrile que
l'amour parfois exagéré qu'il me vouait la rendit terriblement jalouse. Elle
m'avoua que lorsqu'elle apprit qu'il fut atteint de la maladie d'Alzheimer,
elle s'en délecta à un point tel, que pour nous punir elle entreprit de nous
claquemurer dans cet établissement, et se régala du spectacle que nous lui
offrions à chaque fois que nous nous vilipendions avec autant de pugnacité. Cet
homme, ce père que je m'étais mis à détester dès l'âge de six ans, simplement
parce-que je soutenais fermement qu'il se plaisait à m'ignorer, et me rembarrer
comme il s'employait à le démontrer narquoisement, alors que c'était sa maladie
qui l'astreignait à me dédaigner de la sorte durant toutes ces années. Ce père
qui m'adora dès mon premier jour de vie sur cette terre jusqu'au début de sa
cruelle maladie, le voilà ce temps des regrets qui jusqu'à la fin de ma pénible
existence m'inviterait à côtoyer les affres d'une certaine résipiscence…
Et
je repense à tous ces dimanches passés auprès de lui, toutes ces heures où je
me plaisais à le maudire et le détester, lui qui demeura inébranlable à mes invectives,
lui qui sans doute pleurait silencieusement et ne comprenait pas cette haine
que je lui administrais, lui qui m'adorait mais ne pouvait pas l'exprimer comme
il le souhaitait, si injustement affligé par cette maladie dégénérescente.
Assis sur sa pierre tombale je songe et je regrette sincèrement qu'il soit
parti vers l'autre monde, saturé de fausses opinions de moi à son égard,
tétanisé par cette haine qui surement le blessa à chacune de nos rencontres. De ce petit enfant qu'il adorait
et qu'il ne reconnut plus au fil des années, de tous ces dimanches cendreux qui
un peu plus le rapprochèrent de cette mort qu'il reconnaissait davantage en
libératrice à ses souffrances morales, que physiques. J'aurais tant voulu lui
exprimer cet amour qu'il me réclamait silencieusement, seulement le presser
tout contre moi et lui faire ressentir toute mon affection, lui prendre la main
et lui faire découvrir les belles choses de la vie. J'ai honte, et encore le
mot en lui-même me parait insignifiant…
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