Et si c ‘était la dernière
fois que Mister H plantait son thym et
son romarin dans le nano jardin qu’il avait astucieusement élaboré grâce à la
revue écologique « BIO NATUREAL ».
C’était un solitaire issu d’une
famille bretonne de six enfants, nous l’appellerons numéro cinq. Il avait suivi
des études d’ingénieur informatique à Paris,
aimait la vie urbaine mais pas trop, l’eau gazeuse mais pas trop, les
légumes mais pas trop, la mer méditerranée mais pas trop et quand je l’ai rencontré
sur un site de rencontres : « Freetic », je me suis
dit : « Vraiment pas mon styyyyle !!! ». Négligé et dégaine un peu vieillotte pas
attaché au trendy et au swagg, barbu et chevelu poivre et sel , un sel un peu
jauni… Mais un regard bleu azur, perçant,
vif et expressif…De vrais rayons
X, deux flèches paralysantes qu’il avait décochées et j’étais le centre de la
cible, l’animal, la femelle prise dans le filet de sa chevelure.
Je me suis laissée embarquer dans
son récit monocorde ponctué de temps en temps de sourires. Il aime la mer, le
silence et le calme, la lecture, c’est un moine mais défroqué.
Il se recueille dans le vin et le
rhum arrangé, la cuisine et la bonne chair, c’est un sensuel, un homme qui est
à la fois méthodique et excessif. Il se raconte facilement et je le dévore des
yeux, je bois ses paroles comme un élixir, je m’imbibe des mots qu’il sort
parcimonieusement de sa bouche.
C’est l’homme au semelle de vent,
je suis la femme rocher, tout nous oppose et pourtant l’alchimie nous a
embarqué telle une bourrasque soudaine…Le déjeuner dominical, la promenade très
longue autour du bassin de Trovoix ont suffi à sceller notre sort.
« J’aimerais beaucoup vous
revoir » , m’a t-il dit. En fait, il me trouve à « son goût ».
« Oui, j’ai apprécié cet
après-midi ». En fait, je le trouve à mon goût et je n’ai pas envie de
tourner autour du pot. « Tu n’as plus vingt ans, et les fleurs bleues sont
fanées » me suis-je dit.
« Je peux vous inviter chez
moi à Baville pour prendre l’apéritif ? »
« Oui, c’est bien l’apéritif,
je mettrais ma fille à la cantine, nous pourrons prolonger cette
parenthèse. » Cette phrase résonne en moi comme si je l’avais prononcé
hier…
Aujourd’hui, nos vies, nos cœurs,
nos corps se sont entrecroisés, il y a eu des vagues, des divagations, des
éclats de rire, des vraies joies, du sacré, des élans vitaux, des projets, des
sujets de discussions et de discordes, bref tout ce qui fait le sel de la vie à
deux, quatre ou six selon les moments.
C’est fini… et je nous regarde avec
une nostalgie heureuse, le natsukashii, à la nippone, et une infinie rage de
n’avoir pu extirper de ton cerveau ce sentiment d’auto-suffisance qui te
caractérise. Je me suis usée jusqu’à la moelle et ai bu mon propre sang pour te
comprendre.
J’ai lutté contre moi-même, ai
rempli et vidé mon corps et mon âme de mille chances pour que tu changes.
Je n’aime pas ton absence
intersidérale d’empathie et ta communication détournée, contournée, de
traverse. Tu ne vois que le résultat, les chemins qui y mènent n’ont pas le
trajet d’une flèche, prévisible, droite et directe. Tu es un positiviste excessif et outrancier.
Moi j’aime le relief et le
partage, la communication même si elle
est frontale, je ne suis pas secrète et mon jardin est un vrai jardin où je m’exprime
peu mais c’est un lieu visible, accessible que je livre sans pudeur, sans
détour comme la transparence de la lumière du soleil qui le recouvre.
Comment changer une montagne qui
n’a pas conscience qu’elle est là depuis et pour toujours ? Il faut être
la pluie, le vent , la neige, toutes ces petites particules qui sculptent ce
colosse minéral. Il faudrait la patience de tous les sages pour que je finisse par apprendre à t’accepter et je ne
suis qu’impatience…Je me consume en mots, en paroles vainement, je me faufile
entre les interstices des pores de ta peau, je voudrais être toi pour mieux te
toucher.
Je suis une intruse, un virus et tu
te défends, je suis monstrueuse car j’ai des sentiments, je suis une femme qui
a perdu la raison et je te hais. C’est s’aimer bien peu que de haïr quelqu’un
mais c’est haïr tout le monde que de n’aimer que soi. Le pire c’est de se
détester car alors aucun bonheur ne me satisfera. Je me nourris de moi pour me
combattre et je m’en vais vers l’ultime pas qui fera de moi le plus beau
sacrifice. Quelle souffrance pour tous…
Quel manque d’amour !!!
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