Et si c’était la dernière
fois ?
Cette question me hante encore une
fois l’esprit, et sans pouvoir l’arrêter, mon angoisse repart de plus belle.
Toutes mes pensées s’accélèrent, prennent un rythme effrayant en imaginant une
multitude de situations : crise cardiaque, AVC…
L’insomnie que je subis aujourd’hui
est presque quotidienne pour moi. Il est une heure du matin, et la nuit ne fait
que commencer. J’attrape le livre posé sur la table de chevet, et je lis
quelques chapitres. Quand je le repose, quelques minutes plus tard, ma crise ne
s’est en rien atténuée. Au contraire, elle a même empiré. Si d’habitude lire
m’occupe suffisamment l’esprit pour que je réussisse à m’endormir, aujourd’hui,
c’est complètement l’inverse. L’histoire est terrifiante, angoissante, et ma
crise repart.
Et si je mourrais ce soir ?
Voilà la raison de mes insomnies,
qui malheureusement, se multiplient. La peur, la sensation que la mort est tout
près, tapie dans l’ombre, attendant le moindre clignement d’œil pour passer à
l’action. Et ces douleurs, cinglantes, étouffantes. Les larmes coulent
doucement sur mes joues, j’ai peur, si peur…
Même si sa présence ne suffirait
pas pour me rassurer, je ne peux m’empêcher d’espérer que ma mère vienne. Mais
je le sais, elle ne viendra pas. Cela fait trois nuits que je la réveille. Elle
est fatiguée, et me trouve ridicule.
Mes paupières s’abaissent, j’ai
sommeil. Mais…
Sans que je ne m’en aperçoive, le
soleil est déjà levé. On m’a offert un jour de plus. Un soupir de soulagement
franchit mes lèvres : je suis vivante…
Mais pour combien de temps ?
J’ai beau savoir que tout cela
n’est que dans ma tête, que ces douleurs ne sont que le fruit de mon
imagination, elles sont toujours là, et m’accompagnent au quotidien.
Je m’appelle Laure, j’ai dix-neuf
ans. Je suis hypocondriaque, et si j’écris ceci, c’est pour dénoncer tous ces
stéréotypes que les gens « normaux » ont sur nous.
L’hypocondrie est une maladie, et
non un délire quelconque, comme celui que décrivait Molière dans sa pièce. Non.
Il ne savait pas. Il ne savait pas ce que c’est de vivre avec la peur. Ne pas
pouvoir dormir car on a trop peur de ne pas se réveiller le lendemain matin.
Vivre avec ces douleurs, irréelles, mais qui sont parfois tellement violentes
qu’elles nous empêchent de respirer. Sentir son corps en feu, être conscient de
tout, et se demander à chaque fois si ce n’est pas quelque chose de grave.
Vouloir se renseigner, mais savoir que cela ne ferait qu’empirer les choses.
Entendre les gens autour de nous, parler de maladies indifféremment, pour
ensuite ressentir tous les symptômes, un par un. Savoir que non, personne ne
nous prendra au sérieux.
Non, vous ne savez pas tout ça.
Non, vous ne savez pas tout ça.
Après un déjeuner express et un peu
tardif, avant de me finir ma nouvelle composition, j’attrape mon ordinateur et
me connecte sur mon site, seul endroit où je peux être prise au sérieux… Ou du
moins le seul lieu où la haine que je reçois ne m’affecte pas. Une notification
m’indique ainsi un nouveau commentaire, que je m’empresse de lire.
JIFRM76 a commenté : « Si
ta vie est aussi nulle que ça, pourquoi tu la racontes partout ? Les gens
n’en ont rien à faire de ce que tu endures. Chacun ses problèmes. »
Les commentaires comme celui-ci ne
me font plus rien, j’en reçois presque tous les jours depuis que j’ai ouvert ce
site. Heureusement, une autre notification m’apprend l’arrivée d’un nouveau
message, que j’espère positif.
Mes vœux sont exaucés, puisque le
message provient de ce certain BN67, avec qui je corresponds depuis deux
semaines maintenant.
« -Salut ! Comment tu
vas ? J’ai vu le commentaire sur ton dernier article. Ne fais pas
attention, tu sais que ce n’est que de la haine gratuite.
-ça peut aller. Ne t’inquiète pas, j’ai pris l’habitude.
-Qu’est-ce qui se passe ?
-Rien de nouveau, juste une insomnie. Je me disais, vu que tu n’habites
pas si loin de chez moi, tu ne voudrais pas qu’on se rencontre ? »
Brian a une vingtaine d’années, et
il vit à deux heures de chez moi. Ça peut paraître loin, mais je n’hésiterai
pas à faire ce trajet pour rencontrer la seule personne qui s’inquiète un tant
soit peu pour moi. Quitte à me disputer avec mes parents.
« -Euh écoute ce n’est pas trop le moment là. J’suis pas mal occupé
avec les cours.
-Pas de problèmes, on verra ça une autre fois.
-Je dois y aller. Salut. »
Mes yeux s’écarquillent, et la
surprise se dessine sur mon visage. Je ne comprends pas sa réaction, que
j’essaye de balayer de mon esprit.
Je me remets donc au travail, et tente de
finir le projet sur lequel je planche depuis quelques mois. Je tiens beaucoup à
cette chanson, qui est ma première vraie composition. J’en ai déjà écrite, bien
sûr, mais elles étaient de qualité moyenne et ne correspondaient pas vraiment à
ce que je recherchais. Mais celle-ci, j’en suis persuadée, est la bonne. J’y
travaille depuis des mois, attendant que l’idée mûrisse dans mon esprit, et
d’être enfin prête pour commencer ce travail sur moi-même. Si je la finis ce
soir, je pourrais peut-être l’envoyer à Brian, pour qu’il soit le premier (et
le seul) à l’entendre.
Partager mon travail avec Brian est
en quelque sorte une façon pour moi de lui offrir ma confiance. Cela ne fait
que quelques semaines que nous sommes en contact, mais il m’apparaît déjà comme
un ami fidèle. Le seul qui semble me comprendre et qui ne se moque pas de ma
maladie. Le rencontrer ? Oui, ce serait un rêve inespéré. Je pensais que
ce sentiment était réciproque, mais apparemment non…
Malheureusement, quelques jours
après, Brian ne m’a toujours pas recontacté. Je ne comprends pas ce que j’ai
fait de mal, après tout, j’ai toujours été si franche avec les gens. Et avec
lui.
« -Brian ? Je t’ai vexé ? Je suis désolée, ma franchise
peut parfois être perçue comme un défaut… »
Désespérée, c’est déjà le troisième
message que je lui ai envoyé. Bizarrement, depuis qu’il ne me répond plus,
mon hypocondrie a empiré. Je pense qu’avoir un ami sur qui compter, à qui
parler, à qui se confier, est parfois la meilleure façon de guérir. Il est
comme un médicament à ma peur.
Ça peut paraître bizarre mais ces
derniers jours, il hante constamment mes pensées. Depuis que nous avons
commencé à nous parler, je vais beaucoup mieux. J’ai de moins en moins d’insomnie,
et cela est dû au fait que je passe dorénavant plus de temps à penser à lui
qu’à ma maladie. Je dois dire que j’ai eu comme un regain de santé… sans
mauvais jeu de mots.
Les jours passent, et la situation
initiale s’inverse : ce n’est plus lui qui s’inquiète, mais bien moi. Cela
fait déjà deux semaines qu’il ne m’a pas répondu, et je prends alors ce qui va
être la pire décision de ma vie : je décide d’aller lui rendre visite.
Connaissant sa ville et son nom complet, trouver son adresse ne devrait pas
être trop compliqué. Je passe alors tout mon jeudi après-midi à surfer sur
Internet, espérant ainsi pouvoir trouver toutes les informations nécessaires. Le
soir, j’avais déjà tout trouvé : adresse, billets d’aller et de retour,
argent pour le déjeuner… Le lendemain, levée tôt le matin (après une nuit sans
insomnie, fort heureusement), prête à décoller et à enfin rencontrer celui qui
hante mes pensées depuis quelques jours.
Le trajet en train se fait sans
encombre, et quand j’arrive à la gare, mes mains sont moites. Cela a été les
deux plus longues heures de mon existence. Trépignant d’impatience, mais aussi
d’angoisse, je sors du wagon en tentant tant bien que mal de contrôler les
tremblements de mes jambes. Je regarde une dernière fois mon carnet pour ne pas
me tromper d’adresse. Ce qui est inutile, vu que j’ai déjà appris l’adresse par
cœur.
41, rue Carlina. Etrange comme nom,
si vous voulez mon avis.
Selon mes calculs, il me faut
encore une trentaine de minutes de marche pour arriver à mon but, mais le
trajet ne me prend que vingt minutes. Je ne suis pas consciente de mes pas, ils
me portent tout seuls : je suis fébrile. Quand j’arrive au bout de la rue,
je m’arrête, paralysée. Ma détermination s’est soudain envolée, et une
multitude de questions m’empêche de penser clairement. Que vais-je dire à ses
parents en me présentant ? Que vais-je lui dire ? Et si Brian était
un pédophile de quarante-cinq ans, comme on en voit toujours dans les faits
divers ? Que vais-je faire ? Le doute m’emplit soudainement, comme
une vague déferlant sur une plage inoccupée. Mais je n’ai pas fait ce trajet
pour rien, alors j’avance. Lentement. Je ne suis plus très pressée d’arriver à
destination.
La rue est calme, et je ne croise que deux voitures. Les maisons se ressemblent toutes, et pourtant j’en repère une, qui semble ressortir des autres. Je le sais, c’est celle que je cherche. J’arrive devant le jardin, et pour la deuxième fois, je reste debout, droite comme un i. Le jardin est magnifique, comme celui que j’ai toujours voulu avoir. J’essaye de le mémoriser pour l’utiliser comme inspiration dans mon prochain poème. La position des arbres, des arbustes, les couleurs rayonnantes au soleil… L’herbe a dû être coupée quelques semaines plus tôt, car elle est courte, mais pas trop. Parfaite.
La maison, quant à elle, est beige,
contrastant avec les volets rouges. Les fenêtres sont au nombre de deux, et sont
situées de façon symétrique quelques mètres au dessus de la porte.
C’est la maison de mes rêves, et
pourtant, elle risque de les briser d’une seconde à l’autre.
Après dix minutes d’observation, je
finis par sonner, d’une main tremblante. Les rideaux bougent, j’aperçois une
femme, qui repart une seconde plus tard. La porte s’ouvre soudain, et elle
vient m’accueillir au portail.
Elle est belle, brune, aux yeux
noisettes. De taille moyenne, elle semble être dans la quarantaine. Elle me sourit
tendrement, et je comprends qu’il n’y a pas que la maison qui mérite
l’appellation « de mes rêves ».
« - Oui ? »
Même sa voix est chaleureuse, et
tous mes doutes s’évaporent. Enfin, presque tous.
« - Bonjour, euh… Je m’appelle Laure, et je suis une amie de Brian,
je murmure d’une voix hésitante.
- Oh je vois… Et
bien, il n’est pas là…
- Est-ce qu’il
reviendra bientôt ? j’insiste, le cœur lourd.
- Il est à
l’hôpital. »
Mon cœur se serre, et mon esprit
devient vide. L’hôpital ? Il est malade ?
« - Laure ? Si tu veux vraiment le voir, je peux t’y emmener.
Je ne travaille pas aujourd’hui, et j’avais prévu de lui rendre visite »,
propose-t-elle, avec un petit sourire triste.
J’accepte d’un hochement de tête,
et entre avec elle dans la maison. Je n’ai même pas le temps d’observer
l’intérieur et de me rendre compte qu’il n’y a pas que l’extérieur qui est
parfait.
Cinq minutes plus tard, nous sommes
en voiture, en route pour l’hôpital. L’ambiance est légèrement gênante, mais la
conversation s’installe rapidement.
« - Tu es dans la classe de Brian ? Je croyais pourtant qu’il
avait prévenu la plupart de ses amis…
- A vrai dire madame, on ne s’est jamais rencontrés. Cela fait à peine
un mois que l’on se parle sur mon site. Et quand il a arrêté de me répondre, il
y a deux semaines, j’ai commencé à m’inquiéter.
- Je vois. Je pense qu’il est mieux pour toi que tu apprennes ce qu’il a
maintenant, plutôt que d’arriver là-bas en totale confusion. Voilà deux ans que
Brian est malade, et après plusieurs séances chez le médecin, le diagnostic est
tombé. Brian a une leucémie. Un cancer du sang. Heureusement, à l’époque, on
pensait l’avoir diagnostiqué dans les temps. Après des séances de
chimiothérapie, Brian allait mieux, et quelques mois plus tard, il était guéri.
Mais il y a deux semaines, il a fait une rechute. Et cette fois, il est en
stade terminal… »
Sa voix se coince, je tourne le
visage pour voir qu’elle est en larmes. A vrai dire, moi aussi. Comment ai-je
pu être assez égoïste pour lui parler de mon hypocondrie, de ma peur d’avoir un
jour un cancer, quand lui en avait un ? Les larmes coulent sur mes joues
sans que je n’arrive à les retenir, j’ai mal, si mal.
Elle coupe le contact quelques
minutes plus tard, mais ne sort pas. Elle attend que je me calme, et pose sa
main sur la mienne. Elle tremble autant que moi.
« - Je te remercie d’être venue. Il me parlait souvent de toi, et
quand il le faisait… ses yeux s’illuminaient. Comme avant. Et moi je pensais
que tu étais une élève de son lycée, sa petite amie… Je n’aurai jamais pensé…
Quand je t’ai vu tout à l’heure, je ne sais pas, je crois que j’ai compris que
c’était toi, la fille qu’il fallait pour mon fils. Je suis heureuse que vous
ayez pu vous parler pendant quelques jours. »
Elle me sourit finalement à travers
les larmes baignant ses joues, puis me chuchote qu’il faut y aller.
Je balaye les gouttes salées sur
mon visage et sors de la voiture. La peur que j’éprouvais tout à l’heure
n’est rien comparée à celle que je ressens à cet instant précis. En entrant
dans l’hôpital, mes douleurs reprennent, plus fortes que jamais. Tous ces gens
malades me rappellent que ça aurait pu être moi sur cette chaise roulante, moi
dans ce lit, au bord de la mort. Mais je me reprends en pensant à Brian, qui
livre un combat acharné.
On passe à l’accueil et la mère de
Brian me prend la main en me guidant à travers les couloirs. Je crois qu’elle
n’en n’a même pas conscience, que c’est moi qui la rassure.
On arrive enfin devant une porte
blanche, et elle m’indique d’un signe une chaise adjacente tandis qu’elle entre
dans la chambre. Quelques minutes plus tard, que j’ai surtout ressenti comme
une éternité, elle ressort et me fait un sourire.
« - Il t’attend. »
Je la remercie et entre dans la
chambre, tremblante.
J’aperçois le lit et la silhouette
de Brian. Je ferme les yeux quelques secondes, histoire de reprendre mes
esprits. J’entre enfin, et je croise son regard.
Il est exactement comme je l’avais
imaginé… Mais en plus mince, plus pâle, fatigué, malade. Les larmes me montent
aux yeux, mais je dois rester forte. Pour lui.
« - Salut. »
Sa voix est aussi faible que son
apparence. N’y tenant plus, je m’approche et m’assoie près de lui, pour mieux
le dévisager. Ses cheveux noirs retombent sur son front, désordonnés, et ses
yeux bleus me transpercent. Ma main passe dans ses cheveux, et un sourire
timide se dessine sur mes lèvres.
« - Tu ne m’en veux pas ?
- Comment pourrais-je ?
- Pourquoi tu ne me l’as pas dit ? Que… tu étais malade ?
- Alors que tu as une peur bleue
de tout ce qui concerne les microbes ? Je n’aurai jamais pu faire
ça. »
Les larmes recommencent à tomber
sans que je puisse les retenir. Il n’a pas le droit de partir maintenant.
Sa main caresse ma joue, et il
prend la force de murmurer quelques mots.
« - Tu es encore plus belle que dans mes rêves. »
La machine surveillant son cœur
s’emballe, et il lâche un petit rire.
« - Je remercie la vie pour m’avoir accordé quelques minutes de
plus, pour m’avoir permis de te voir en vrai. Je t’aime Laure. Merci pour tout,
tu as été la meilleure rencontre de ma vie.
- Brian ? Pourquoi tu dis ça soudainement ? »
Ma voix tremble, et soudainement,
sa main tombe sur son torse. Paniquée, j’entends un bruit assourdissant, aiguë,
horrible.
Ça y est, c’est fini. Les
grincements cinglants que j’entends chaque nuit ne sont rien comparés à ce
bruit sans fin. Son cœur s’est arrêté. Les larmes coulent sans fin, la
culpabilité me ronge de l’intérieur. Je suis là, enfin. Mais pas toi. J’imaginais,
et toi tu vivais. C’est cruel, n’est-ce pas ? Que la seule chose que je
n’osais imaginer… Soit celle qui se soit déroulée.
Les infirmières arrivent en trombes
dans la chambre et m’ordonnent de sortir, ce que je fais, en transe. Je
n’arrive même pas à croiser le regard de sa mère.
Quelques minutes plus tard, le
médecin arrive, et nous nous levons, prêtes à entendre n’importe quoi, si
possible une bonne nouvelle.
« - Je suis désolé. »
La mère de Brian s’écroule à côté
de moi, mais je ne réagis pas. Les larmes ne coulent même plus. Je n’ai même
pas eu le temps de lui avouer mes sentiments, de lui dire au revoir.
L’hypocondrie n’a plus aucune
raison de m’atteindre dorénavant, je n’ai plus le droit de ressentir ça. Pas
après ce qui s’est passé.
Je m’appelle Laure, j’ai dix-neuf
ans. J’étais malade.
Presque systématiquement, quand je
parle de ma maladie, on me regarde avec de grands yeux. Incompréhension et
surprise, c’est ce que je peux lire dans le regard des gens. J’oublie souvent
que pour vous, l’hypocondrie n’est pas une maladie, que pour vous, une personne
hypocondriaque n’est qu’un fou qui croit être malade. Vous ne savez pas ce que
c’est. Ressentir des douleurs, paniquer, tout en sachant très bien que tout
cela est dans notre tête.
Pour être honnête, je m’en suis
sorti. J’ai réussi à vaincre tout ça.
Vous allez, je pense, me dire que
si je m’en suis sorti, les autres y arriveront très bien. Qu’il suffit de
rencontrer cette personne qui nous aidera.
Il y a quatre ans maintenant, mon
médecin m’a diagnostiqué une hypocondrie névrotique – assez sévère.
Heureusement, cette forme est la plus… douce, si je puis dire.
Mais j’ai rencontré cette personne.
Celle qui m’a aidé à m’en sortir.
A quel prix…
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