Et si c’était la dernière fois…
Elle y pensait, chaque fois qu’elle
passait devant lui. Cela faisait plusieurs mois, quatre au moins, que cet
homme, vraisemblablement d’origine étrangère, était par tous les temps attablé
dehors pour déjeuner. C’était souvent à la même heure, parfois seul, parfois
accompagné.
Ils s’étaient d’abord jetés de
petits regards fuyants, jamais appuyés, mais n’étaient jamais rentrés en
contact, et depuis, c’était un rituel.
Elle passait et rentrait prendre un
café, il prenait l’air absent et faisait semblant de ne pas la voir. Afin de ne
pas croiser son regard, lorsqu’elle
arrivait à proximité du café, elle restait concentrée sur la porte.
C’était parfaitement attendu
et ridicule !
Pourquoi cette appréhension à
rentrer en contact, et comment l’expliquer ?
Il ne s’agissait ni pour l’un comme
pour l’autre, d’un simple désir ou une quelconque attraction. Ils étaient intrigués
et curieux de se connaître.
En dépit de cette envie, somme
toute assez naturelle, le rituel immuable, s’était installé, et ils avaient renoncé au moindre rapprochement.
Elle passait de temps à autre, de
moins en moins souvent, juste pour contrôler s’il était toujours là, au cas où
elle aurait eu encore le courage de l’aborder.
Ca ne venait toujours pas. Les
contacts ne sont pas faciles dans les grandes villes, et on était à Paris. Laura
s’approchait de la cinquantaine et vivait seule avec son fils de dix huit ans
et sa fille de treize.
Blonde, grande, mince élancée, elle
circulait en scooter, et travaillait en tant qu’assistante de direction dans un
arrondissement tout proche de ce dix huitième qu’elle retrouvait avec plaisir.
Elle avait toujours gardé de l’attachement
à ce quartier populaire, et à certains commerçants.
Comme en témoignaient ses longues
stations assises dehors, par tous les temps, Hans, bien qu’approchant la
soixantaine, se montrait endurant au froid. Jouissant d’une haute stature, les
traits émaciés, les cheveux clairs qui commençaient à tirer sur le gris, il
portait à ses lèvres une cigarette, et sur le boulevard, un regard distant et
cependant attentif au moindre incident.
Il avait travaillé comme cadre dans
une grande entreprise à Dusseldorf et bénéficiait
d’une retraite anticipée. Dusseldorf avait été dans le temps surnommée
« le petit Paris ».
Il s’était dit que connaître le
grand valait peut être le coup, et s’était donc retrouvé à Paname.
Paris et ce quartier animé et
populaire lui suffisaient amplement. C’était vivre autrement une autre vie.
Il ne savait pas comment aborder
cette femme, qui loin d’être déplaisante, en dépit de tous ses efforts pour ne
pas le montrer, lui manifestait quelque intérêt.
Si une Parisienne n’osait pas
l’aborder, ce n’était pas lui qui allait s’y mettre.
Et puis, le quartier lui permettait
des rencontres faciles et dénuées de tout attachement.
Marié, divorcé, pas encore
grand-père, avec cependant un fils qui lui donnait régulièrement de ses
nouvelles, il estimait avoir déjà donné. Ces contraintes étaient terminées, loin
derrière lui.
Laura, elle, y était en plein
dedans.
Entre son travail, le fils qui
passait le Bac et son ex, elle n’avait guère le temps de donner dans le
contemplatif. D’ailleurs, son scooter lui facilitait la vie, et les déplacements. Sans lui, il lui était tout
simplement impossible de s’en sortir, d’autant plus que sa fille, suite à un
accident où elle avait tout bêtement glissé sur le trottoir, venait de se
casser la jambe.
Il fallait s’assurer de la sécurité
de ses allers et venues au collège.
Il n’y avait qu’un week-end sur
deux où elle pouvait avoir vraiment du temps à elle. Comme tous ceux qui ont
l’habitude de faire face à différentes activités et les enchaîner rapidement,
elle avait du mal à gérer ce temps libre, qui lui semblait presque indécent.
Ce samedi matin, elle avait eu
envie d’un café, mais d’un costaud, fort, torréfié comme celui qui se vendait dans
une petite boutique du boulevard Barbes.
Elle y pensait, elle le sentait
déjà. Bon ! A peine un coup de scooter, et elle serait déjà de retour pour
le déguster !
Elle se gara rapidement dans une
petite rue perpendiculaire.
Elle avait toujours apprécié
l’odeur de cette petite boutique qui existait depuis fort longtemps comme la
très grande gentillesse d’Huguette, la patronne, une Bretonne enjouée qui
drainait autour d’elle un aréopage de vieilles mamies. Elles se retrouvaient toutes
vers les dix heures, pour un brin de causette. Parmi les vieilles dames,
certaines avaient dépassé les quatre vingt dix ans, et se tenaient encore fort
droites. Elles avaient toujours vécu là, et étaient fières de dire que même en
Juin 1940, elles n’avaient pas quitté Paris.
-Mais après, même si la boutique
était toujours là, pour trouver du café, c’était bien fini !
Laura se permit le luxe de dix
minutes de conversation, et apprit que l’une d’entre elles qui venait
quotidiennement, s’était éteinte tôt ce
matin. Elles en discutaient avec tristesse et étonnement, car elles l’avaient
vue la veille en pleine forme. Elle se dépêcha de leur dire au revoir et, le
petit sac de café aux effluves odorantes à la main, s’en alla reprendre son
scooter.
Le choc ! Il avait disparu !
Peinant à reprendre ses esprits,
elle constata que câble avait été scié.
La sensation d’être dépossédée de
quelque chose de précieux et d’indispensable s’apparente parfois à une douleur
physique.
Elle sentait le plexus comprimé et
il fallait qu’elle puisse s’asseoir avant tout.
Elle repéra le premier bar venu, et
put enfin s’attabler à dehors et commander un café.
Elle récupérait son souffle et ses
esprits. Le commissariat du dix huitième n’était pas très loin. Elle allait malheureusement
devoir passer sa matinée, si pas plus, à patienter pour porter plainte, et
n’avait plus l’âge de pleurer de rage ou de fatigue.
Elle qui se faisait une joie d’une
matinée cool !
Assisse au commissariat en salle
d’attente, il fallait prendre son mal en patience et rester
« zen » : Trois heures d’attente prévues ! Elle avait bien
son café qui sentait toujours aussi bon, mais qui ne pouvait pas lui servir à
grand-chose, et certainement pas de lecture.
Elle se demandait si elle n’allait
pas profiter de ce temps mal imparti pour essayer de dormir, et s’extraire de
l’ambiance chargée du commissariat.Elle avait beau faire, les sièges n’étaient
pas prévus pour.
C’est alors qu’il rentra !
Alors là pour une
coïncidence ! Lui aussi fut surpris.
Il hésita, puis il alla s’asseoir à côté d’elle.
-On se connaît de vue, il me
semble.
C’est vrai qu’il avait un accent
allemand, très léger, un peu comme on entend dans les films qui retracent la
dernière guerre.
-Après ça, pensa-t-elle, on parle
d’Europe et tout le monde évoque Angela Merkel, mais on n’échappe pas malgré
tout à certaines images. L’inconscient tout de même !
Elle eut envie de le lui dire mais
se ravisa. Pas la peine de gâcher ce premier contact. Il valait mieux commencer
léger et en souriant, histoire de meubler:
-C’est le dernier salon où on
cause, semble-t-il.
Autour d’elle, rien de folichon ! Les mines et
expressions variaient : il y
avait les amochés, les tristes, les exaspérés et ceux qui prenaient leur mal en
patience.
Il regarda lui aussi et lui rendit
son sourire.
- Il y a mieux comme salon !
Qu’est ce qui vous amène à cette fréquentation matinale : une curiosité
sociologique ou vous êtes
convoquée ?
Tiens donc ! Une pointe d’humour !
-Ah non ! Je m’en serai bien
passé ! On vient de me voler mon scooter !
-Ah oui ! C’est vrai, je vous
vois souvent passer avec. C’est très pratique, dans Paris !
-Sympa de manifester de l’intérêt
pour ma modeste personne !
-Je n’ai pas la réplique parisienne,
il faut m’excuser. J’apprends la légèreté, ce n’est pas dans ma culture
d’origine. C’est pour ça que j’aime vivre à Paris.
- Et c’est pour ça que vous
fréquentez les commissariats. Question légèreté, vous avez choisi votre
endroit !
Elle avait réussi à le dérider.
- Non, figurez vous ce n’est pas un
choix. C’est plutôt une chose
triste !
Ma vieille voisine est morte dans
des circonstances qui ne sont pas clairement identifiées. Elle s’est trompée
dans la dose de cachets qu’elle a pris. Erreur, suicide, ou même crime, ils
sont obligés de vérifier. Je suis convoqué pour une enquête.
Puis il rajouta un peu dubitatif :
- Je suis allemand, et elle était
connue dans le quartier pour ses actes de résistance. Qui sait, je suis peut
être par mes origines, le suspect parfait !
Et voilà, on n’y coupe pas !
Le cliché parfait ! Ah ça ! L’occupation, c’est resté dans les
mémoires. Il fallait le rassurer.
-Vous plaisantez, j’espère ?
-Un peu, mais pas tant que ça.
-Vous dramatisez ! Vous êtes
là certainement en tant que témoin, pour une déposition, mais pas en tant que
suspect.
Un jeune flic l’appela :
- Hans Shutter
Un petit signe de la main, et il poussa
la porte de démarcation entre la salle d’attente et les bureaux.
Quand ce fut terminé et comme il se
doit, ramené jusqu’à la porte, elle attendait toujours.
Il lui dit d’un air légèrement
grave :
-Vous voyez, je ne plaisantais pas
tant que ça. Ils m’ont demandé de rester à leur disposition.
Un peu étonnée, malgré tout elle
lui répliqua :
- Mais c’est normal, ça. Ce sont
les procédures.
- Ils ont appris que mon père était
militaire et qu’il a participé à la dernière guerre. Après la France, il a été
envoyé sur le front russe. Il était très jeune. Il a eut la chance de revenir
vivant.
-Oui, mais quel lien avec la
vieille dame ?
-Ca je n’en sais rien, mais vous
savez comment est la police, ils cherchent.
-Bon, l’important, c’est que vous
vous soyez sûr de ne pas lui avoir trafiqué son café.
Hans haussa les épaules et se
permit un sourire. Brusquement Laura se rappela la conversation à la
boutique : c’était peut être elle, Anna, dont parlaient les mamies ce
matin.
- Son nom à cette vieille dame,
c’était Anna ?
-Comment vous le savez ?
-Ce matin, je suis allée acheter
mon café à la petite boutique de torréfaction qui se trouve sur le Boulevard.
Tous les jours, des mamies se retrouvent pour y discuter autour
d’Huguette, la patronne. Ce matin, elles étaient très tristes. Elles parlaient
d’Anna, de sa mort, et semblaient fort surprises, car elles l’avaient vue la
veille et n’imaginaient pas qu’elle serait morte le lendemain.
-Moi aussi, je la croisais souvent.
Une vieille dame très gentille, menue, mais qui faisait toujours l’effort de ne
jamais prendre l’ascenseur. Elle semblait très volontaire. De toute façon, si
c’était une ancienne résistante…J’ai été le premier étonné par sa mort.
C’était au tour de Laura et on
l’appelait enfin.Hans lui prit le bras :
-J’ai une voiture dont je ne me
sers jamais qui se trouve dans un box. Je peux vous la prêter.
Laura, un peu gênée hésitait.
-Ecoutez, je sais. C’est moins
pratique que le scooter mais vous en aurez sans doute besoin. Vous m’appelez, il
n’y a aucun problème.
Il griffonna son numéro.
-N’hésitez pas !
La déposition fut rapide. Le flic
prit un air désolé. Ces choses là surtout dans une rue pas trop fréquentée,
arrivaient fréquemment.
Quand Laura fut libérée, elle ne pensa pas tout de suite téléphoner à
Hans pour sa voiture. Elle avait envie de discuter avec Huguette.
Huguette chantonnait quand elle
arriva dans sa boutique. Ronde, les joues rosées, habituée à sourire et à
plaisanter, elle avait la chance de faire partie des natures gaies et
heureuses, atout de taille dans le commerce. Entre habituées, le tutoiement
était de règle.
-Dis moi Huguette, cette histoire
sur la mort d’Anna ? Tu connaissais ?
-J’pense bien ! Elle venait
tous les jours. Toujours contente, elle ne se plaignait jamais. J’pensais bien
qu’elle irait jusqu’à cent ans !
-Tu sais qu’il y a une enquête sur
sa mort.
-Ben, y parait. C’est c’que disent les copines ! Oh, les
pauvres ! Elles sont complètement effondrées. Anna, c’était pas comme leur
chef, mais un peu. Quand elle parlait, elles n’écoutaient qu’elle. D’ailleurs
elles se sont toutes retrouvées chez Marinette. Moi, j’pouvais pas y aller.
J’ai mon commerce. Mais j’leur ai dit : le cœur y est !
-Tu crois que je pourrai me joindre
à elles ?
- Ben sûr ! T’es une habituée,
toi aussi.
Huguette lui donna l’adresse et
Laura après avoir un peu cherché sonna à la porte.
-Tiens, voilà Laura qui vient nous
rejoindre.
Elle ne connaissait pas tous les
prénoms des mamies, mais apparemment, elles étaient au courant de tout.
-Je viens vous voir au sujet de la
mort d’Anna
-Ben, tu vois, on ne parle que de
ça, nous aussi.
-Figurez-vous que j’ai rencontré un
de ses voisins, un allemand au commissariat.
Ils font une enquête, et la police lui a demandé de ne pas quitter les
lieux.
-On le connaît Hans ! Il ne
ferait pas de mal à une mouche. Pourtant, tu sais, moi, les Allemands, mais
quand même, le soupçonner… Tiens, c’est bien la police !
-Mais vous pensez qu’on a pu la
tuer.
Marinette prit une
inspiration :
-Ah, ma petite fille, si tu avais
connu Anna, et si tu l’avais vue comme nous la veille, tu peux bien te douter
qu’on pensait la voir le lendemain. C’est sûr qu’il y a quelque chose de
louche.
-Elle a pu se tromper dans les
médicaments.
-Ah non, pas Anna. On voit que tu
ne la connaissais pas !
-Et on a prévenu sa famille ?
- Sa fille habite à New York, mais
elle a été prévenue et elle arrive demain
-Et elle n’avait pas de mari ?
Les frêles épaules des mamies
tressautèrent de rire :
-Ca fait longtemps qu’on les a tous
enterrés ! Tu vois des hommes ici ? Ah si, il y a bien Jean qui est
toujours en vie. Celui là c’est un costaud. Il connaissait bien Anna. Ils
étaient dans le même réseau pendant la guerre. Lui s’en est sorti quand ils se
sont tous faits coincés, mais elle, elle a dû partir à Londres, via la
Bretagne. Je ne sais pas s’il est au courant.
Marinette prit son téléphone pour
l’appeler.
Elles étaient toutes en train de
l’évoquer, et brusquement l’une d’entre elles se demanda :
-Mais qui l’a vue en dernier ?
Où était elle l’après-midi ?
Laura eut l’idée d’appeler Hans,
son plus proche voisin et demanda aux « copines » s’il pouvait venir.
La venue d’un homme, ma foi !
Pourquoi pas ? Dans ce cas là, il fallait inviter Jean.
Marinette prépara un peu plus de
thé, et sortit pour l’occasion ses biscuits au beurre bretons, fait maison,
achetés chez Huguette, et sa fameuse liqueur.
Les deux hommes étaient d’âge
différents, mais tous les deux fort intimidés par ce cercle de femmes.
Hans ne se sentait pas très à
l’aise. Jean l’avait toisé d’une drôle de manière. Marinette n’avait pas hésité
à le présenter en tant qu’ancien camarade ou compagnon de résistance d’Anna.
A part Laura et lui-même, tout se
beau monde avait vécu l’occupation.
Jean, les cheveux blancs, les yeux
clairs, le visage marqué par une cicatrice, souvenir de la résistance, n’avait
plus sa silhouette de vingt ans. Il avait grossi, et en raison de son cœur
fatigué, devait se surveiller. Il refusa la liqueur de prune spécialement faite
par Marinette, mais qui fut vivement acceptée par Hans.
L’appartement, meublé années
trente, et les souvenirs et anecdotes évoquées par tout ce monde, qui du même
arrondissement, se connaissait depuis toujours, donnait vraiment l’illusion d’un
voyage dans le temps.
Tout le monde en convenait : si les flics
commencent à soupçonner Hans, c’est qu’il fallait faire leur boulot à leur
place. La question qui se posait était donc la suivante:
-Qui avait vu Anna pour la dernière
fois ?
En tant que plus proche voisin, tous
se tournèrent vers Hans.
Il eut un peu de honte à avouer
qu’avec Bob, un copain anglais, ils avaient passablement bu la veille. Bob
était resté dormir chez lui. Ils avaient été réveillés tôt ce matin, alertés
par le voisin du dessus, qui en descendant l’escalier, avait vu la porte du
domicile d’Anna ouverte. Affolé, il avait appelé le SAMU, et la police était
venue, suite aux conclusions médicales.
Convoqué au commissariat, il avait
fait sa déposition. On lui avait demandé s’il avait remarqué quelque chose de
particulier, et il avait répondu par la négative, n’osant pas avouer qu’il
n’était pas en état de remarquer quoi que se soit. Il pensait en
lui-même : Bob, peut être mais certainement pas lui. Bob était parti à
Londres et devait revenir bientôt. Il ne savait pas exactement quand.
D’après les médecins et la police,
Anna était morte d’un surdosage médicamenteux aux environs de trois heures du
matin. La porte ouverte de son appartement était l’indice qui avait incité la
police à conclure à une mort suspecte. Le voisin du dessus avait certainement
été interrogé en premier, puisque c’était lui qui avait constaté la mort
d’Anna.
Hans était partagé entre l’intérêt
qui émanait d’une telle réunion, et le malaise qu’il ressentait à se retrouver
au milieu de personnes qui avaient vécu ce que son pays leur avait fait subir
et ce qu’il préférait oublier .
Il prétexta une visite chez un ami,
et donna à Laura les clefs de sa voiture et l’adresse du box.
Laura le remercia vivement pour
cette marque de confiance. Elle le contacterai, et de toute façon, il avait son
numéro s’il y avait quoique se soit.
-Un gentil garçon, s’exclama
Marinette
Jean haussa les épaules.
-Un Allemand, tu parles !
Il y eut un silence. Jean se décida
à partir, et remercia Marinette.
Peu après son départ, Marinette
lança :
-Alors là quand même, c’est peut
être un Allemand, mais ça fait quelque temps que je le vois dans le quartier.
Un garçon très poli, gentil et qui prête sa voiture à la p’tite !
Il n’a pas changé ce Jean ! Enfin !
C’est pas le moment de lui en vouloir. Le pauvre, amoureux comme il l’était
d’Anna, ça doit lui faire un drôle de choc. Quand elle est revenue des
Etats-Unis, après avoir perdu son mari, il avait bien tenté quelque chose, mais
elle n’a rien voulu entendre. Anna,
c’était un sacré caractère quand même ! Allez savoir pourquoi, elle ne l’aimait pas…
Laura les écoutait : le visage
d’Anna lui revenait en mémoire.
D’origine polonaise, et malgré
l’âge, elle avait gardé une certaine beauté : un regard très clair, des
pommettes saillantes, de la tenue et beaucoup de classe.
On voyait qu’elle était allée en
« Amerique » comme elles disaient, les copines !
Hans avait retrouvé son café
habituel et commandé un jus de citron, le meilleur moyen de retrouver un foie
en forme et les idées claires.
Tant pis ! Londres ou pas, il
allait se payer le luxe de déranger Bob.
- Excuse moi, mais as-tu des
souvenirs plus précis de la soirée d’hier soir ?
Bob était resté à Paris.
-Avec tes histoires, je me suis
raté l’Eurostar.
-Ecoute, j’ai été convoqué chez les
flics et je dois rester à leur disposition.
-C’est du délire ! Ils pensent que c’est toi l’assassin ?
-Non, je ne crois pas, mais ils ont
besoin de renseignements et t’étais plus en état que moi, hier soir. Tu fais
quoi, là maintenant ?
L’après-midi était bien entamée et
Bob avait rejoint Hans qui lui avait fait le résumé de sa matinée, un peu
difficile en raison d’un mal de tête qui persistait.
-Et tu te plains ! Réalise la
chance que tu as eu de te retrouver soixante dix ans en arrière !
Bon ! Pour en revenir à ta
mamie, hier soir assez tard, oui, il me semble bien qu’elle a reçu quelqu’un.
Je suis même allé regarder par la fenêtre.
- Et alors ! C’était
qui ?
-Un vieux monsieur, qui avait l’air
fatigué, un peu fort, avec des cheveux blancs.
-Tu plaisantes ! Tu as pu voir
son visage ?
-Ah oui ! Ca je m’en souviens.
Il avait même une cicatrice.
Le flic avait laissé un numéro à
Hans, au cas où…
Il prit le téléphone.
Il appris par Laura le fin mot de
l’histoire.
Jean venait de reconnaître les faits, comme
soulagé. Il savait qu’avec ses problèmes cardiaques, il n’en avait plus pour
longtemps.
C’est lui qui avait tué Anna, par
dépit amoureux, mais aussi par rapport à un passé qu’elle lui reprochait sans
cesse :
Arrêté par la Gestapo, plutôt que de dénoncer ses
camarades, il leur avait lâché l’adresse des enfants juifs cachés. Et Anna
était juive. Par déduction, elle savait qu’il n’y avait que lui pour les avoir
dénoncés, mais elle n’avait aucune preuve.
Quant à Hans et Laura, ce ne serait
pas la dernière fois qu’ils se reverraient. Ils avaient le temps…
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