samedi 2 mai 2015

Difficile d'oublier

Et si c’était la dernière fois…
Elle y pensait, chaque fois qu’elle passait devant lui. Cela faisait plusieurs mois, quatre au moins, que cet homme, vraisemblablement d’origine étrangère, était par tous les temps attablé dehors pour déjeuner. C’était souvent à la même heure, parfois seul, parfois accompagné.
Ils s’étaient d’abord jetés de petits regards fuyants, jamais appuyés, mais n’étaient jamais rentrés en contact, et depuis, c’était un rituel.
Elle passait et rentrait prendre un café, il prenait l’air absent et faisait semblant de ne pas la voir. Afin de ne pas croiser son regard,  lorsqu’elle arrivait à proximité du café, elle restait concentrée sur la porte.
C’était parfaitement attendu et  ridicule !
Pourquoi cette appréhension à rentrer en contact, et comment l’expliquer ?
Il ne s’agissait ni pour l’un comme pour l’autre, d’un simple désir ou une quelconque attraction. Ils étaient intrigués et curieux de se connaître.
En dépit de cette envie, somme toute assez naturelle, le rituel immuable, s’était installé, et ils  avaient renoncé au moindre rapprochement.
Elle passait de temps à autre, de moins en moins souvent, juste pour contrôler s’il était toujours là, au cas où elle aurait eu encore le courage de l’aborder.
Ca ne venait toujours pas. Les contacts ne sont pas faciles dans les grandes villes, et on était à Paris. Laura s’approchait de la cinquantaine et vivait seule avec son fils de dix huit ans et sa fille de treize.
Blonde, grande, mince élancée, elle circulait en scooter, et travaillait en tant qu’assistante de direction dans un arrondissement tout proche de ce dix huitième qu’elle retrouvait avec plaisir.
Elle avait toujours gardé de l’attachement à ce quartier populaire, et à certains commerçants.
Comme en témoignaient ses longues stations assises dehors, par tous les temps, Hans, bien qu’approchant la soixantaine, se montrait endurant au froid. Jouissant d’une haute stature, les traits émaciés, les cheveux clairs qui commençaient à tirer sur le gris, il portait à ses lèvres une cigarette, et sur le boulevard, un regard distant et cependant attentif au moindre incident.
Il avait travaillé comme cadre dans une grande entreprise  à Dusseldorf et bénéficiait d’une retraite anticipée. Dusseldorf avait été dans le temps surnommée « le petit Paris ».
Il s’était dit que connaître le grand valait peut être le coup, et s’était donc retrouvé à Paname.
Paris et ce quartier animé et populaire lui suffisaient amplement. C’était vivre autrement une autre vie.
Il ne savait pas comment aborder cette femme, qui loin d’être déplaisante, en dépit de tous ses efforts pour ne pas le montrer, lui manifestait quelque intérêt.
Si une Parisienne n’osait pas l’aborder, ce n’était pas lui qui allait s’y mettre.
Et puis, le quartier lui permettait des rencontres faciles et dénuées de tout attachement.
Marié, divorcé, pas encore grand-père, avec cependant un fils qui lui donnait régulièrement de ses nouvelles, il estimait avoir déjà donné. Ces contraintes étaient terminées, loin derrière lui.
Laura, elle, y était en plein dedans.
Entre son travail, le fils qui passait le Bac et son ex, elle n’avait guère le temps de donner dans le contemplatif. D’ailleurs, son scooter lui facilitait la vie, et  les déplacements. Sans lui, il lui était tout simplement impossible de s’en sortir, d’autant plus que sa fille, suite à un accident où elle avait tout bêtement glissé sur le trottoir, venait de se casser la jambe.
Il fallait s’assurer de la sécurité de ses allers et venues au collège.
Il n’y avait qu’un week-end sur deux où elle pouvait avoir vraiment du temps à elle. Comme tous ceux qui ont l’habitude de faire face à différentes activités et les enchaîner rapidement, elle avait du mal à gérer ce temps libre, qui lui semblait presque indécent.
Ce samedi matin, elle avait eu envie d’un café, mais d’un costaud, fort, torréfié comme celui qui se vendait dans une petite boutique du boulevard Barbes.
Elle y pensait, elle le sentait déjà. Bon ! A peine un coup de scooter, et elle serait déjà de retour pour le déguster !
Elle se gara rapidement dans une petite rue perpendiculaire.
Elle avait toujours apprécié l’odeur de cette petite boutique qui existait depuis fort longtemps comme la très grande gentillesse d’Huguette, la patronne, une Bretonne enjouée qui drainait autour d’elle un aréopage de vieilles mamies. Elles se retrouvaient toutes vers les dix heures, pour un brin de causette. Parmi les vieilles dames, certaines avaient dépassé les quatre vingt dix ans, et se tenaient encore fort droites. Elles avaient toujours vécu là, et étaient fières de dire que même en Juin 1940, elles n’avaient pas quitté Paris.
-Mais après, même si la boutique était toujours là, pour trouver du café, c’était bien fini !
Laura se permit le luxe de dix minutes de conversation, et apprit que l’une d’entre elles qui venait quotidiennement,  s’était éteinte tôt ce matin. Elles en discutaient avec tristesse et étonnement, car elles l’avaient vue la veille en pleine forme. Elle se dépêcha de leur dire au revoir et, le petit sac de café aux effluves odorantes à la main, s’en alla reprendre son scooter.
 Le choc ! Il avait disparu ! 
Peinant à reprendre ses esprits, elle constata que câble avait été scié.
La sensation d’être dépossédée de quelque chose de précieux et d’indispensable s’apparente parfois à une douleur physique.
Elle sentait le plexus comprimé et il fallait qu’elle puisse s’asseoir avant tout.
Elle repéra le premier bar venu, et put enfin s’attabler à dehors et commander un café.
Elle récupérait son souffle et ses esprits. Le commissariat du dix huitième n’était pas très loin. Elle allait malheureusement devoir passer sa matinée, si pas plus, à patienter pour porter plainte, et n’avait plus l’âge de pleurer de rage ou de fatigue.
Elle qui se faisait une joie d’une matinée cool !       

Assisse au commissariat en salle d’attente, il fallait prendre son mal en patience et rester « zen » : Trois heures d’attente prévues ! Elle avait bien son café qui sentait toujours aussi bon, mais qui ne pouvait pas lui servir à grand-chose, et certainement pas de lecture.
Elle se demandait si elle n’allait pas profiter de ce temps mal imparti pour essayer de dormir, et s’extraire de l’ambiance chargée du commissariat.Elle avait beau faire, les sièges n’étaient pas prévus pour.
C’est alors qu’il rentra !
Alors là pour une coïncidence ! Lui aussi fut surpris.
Il hésita,  puis il alla s’asseoir à côté d’elle.
-On se connaît de vue, il me semble.
C’est vrai qu’il avait un accent allemand, très léger, un peu comme on entend dans les films qui retracent la dernière guerre.
-Après ça, pensa-t-elle, on parle d’Europe et tout le monde évoque Angela Merkel, mais on n’échappe pas malgré tout à certaines images. L’inconscient tout de même !
Elle eut envie de le lui dire mais se ravisa. Pas la peine de gâcher ce premier contact. Il valait mieux commencer léger et en souriant, histoire de meubler:
-C’est le dernier salon où on cause, semble-t-il.
Autour d’elle,  rien de folichon ! Les mines et expressions  variaient : il y avait les amochés, les tristes, les exaspérés et ceux qui prenaient leur mal en patience.
Il regarda lui aussi et lui rendit son sourire.
- Il y a mieux comme salon ! Qu’est ce qui vous amène à cette fréquentation matinale : une curiosité sociologique  ou vous êtes convoquée ?
Tiens donc ! Une pointe d’humour !
-Ah non ! Je m’en serai bien passé ! On vient de me voler mon scooter !
-Ah oui ! C’est vrai, je vous vois souvent passer avec. C’est très pratique, dans Paris !
-Sympa de manifester de l’intérêt pour ma modeste personne !
-Je n’ai pas la réplique parisienne, il faut m’excuser. J’apprends la légèreté, ce n’est pas dans ma culture d’origine. C’est pour ça que j’aime vivre à Paris.
- Et c’est pour ça que vous fréquentez les commissariats. Question légèreté, vous avez choisi votre endroit !
Elle avait réussi à le dérider.
- Non, figurez vous ce n’est pas un choix.  C’est plutôt une chose triste !
Ma vieille voisine est morte dans des circonstances qui ne sont pas clairement identifiées. Elle s’est trompée dans la dose de cachets qu’elle a pris. Erreur, suicide, ou même crime, ils sont obligés de vérifier. Je suis convoqué pour une enquête.
Puis il rajouta un peu dubitatif :
- Je suis allemand, et elle était connue dans le quartier pour ses actes de résistance. Qui sait, je suis peut être par mes origines, le suspect parfait !
Et voilà, on n’y coupe pas ! Le cliché parfait ! Ah ça ! L’occupation, c’est resté dans les mémoires. Il fallait le rassurer.
-Vous plaisantez, j’espère ?
-Un peu, mais pas tant que ça.
-Vous dramatisez ! Vous êtes là certainement en tant que témoin, pour une déposition, mais pas en tant que suspect.
Un jeune flic l’appela :
- Hans Shutter
Un petit signe de la main, et il poussa la porte de démarcation entre la salle d’attente et les bureaux.
Quand ce fut terminé et comme il se doit, ramené jusqu’à la porte, elle attendait toujours.
Il lui dit d’un air légèrement grave : 
-Vous voyez, je ne plaisantais pas tant que ça. Ils m’ont demandé de rester à leur disposition.
Un peu étonnée, malgré tout elle lui répliqua :
- Mais c’est normal, ça. Ce sont les procédures.
- Ils ont appris que mon père était militaire et qu’il a participé à la dernière guerre. Après la France, il a été envoyé sur le front russe. Il était très jeune. Il a eut la chance de revenir vivant.
-Oui, mais quel lien avec la vieille dame ?
-Ca je n’en sais rien, mais vous savez comment est la police, ils cherchent.
-Bon, l’important, c’est que vous vous soyez sûr de ne pas lui avoir trafiqué son café.
Hans haussa les épaules et se permit un sourire. Brusquement Laura se rappela la conversation à la boutique : c’était peut être elle, Anna, dont parlaient les mamies ce matin.
- Son nom à cette vieille dame, c’était Anna ?
-Comment vous le savez ?
-Ce matin, je suis allée acheter mon café à la petite boutique de torréfaction qui se trouve sur le Boulevard. Tous les jours, des mamies se retrouvent pour y discuter autour d’Huguette, la patronne. Ce matin, elles étaient très tristes. Elles parlaient d’Anna, de sa mort, et semblaient fort surprises, car elles l’avaient vue la veille et n’imaginaient pas qu’elle serait morte le lendemain.
-Moi aussi, je la croisais souvent. Une vieille dame très gentille, menue, mais qui faisait toujours l’effort de ne jamais prendre l’ascenseur. Elle semblait très volontaire. De toute façon, si c’était une ancienne résistante…J’ai été le premier étonné par sa mort.
C’était au tour de Laura et on l’appelait enfin.Hans lui prit le bras :
-J’ai une voiture dont je ne me sers jamais qui se trouve dans un box. Je peux vous la prêter.
Laura, un peu gênée hésitait.
-Ecoutez, je sais. C’est moins pratique que le scooter mais vous en aurez sans doute besoin. Vous m’appelez, il n’y a aucun problème.
Il griffonna son numéro.
-N’hésitez pas !
La déposition fut rapide. Le flic prit un air désolé. Ces choses là surtout dans une rue pas trop fréquentée, arrivaient fréquemment.
Quand Laura fut libérée,  elle ne pensa pas tout de suite téléphoner à Hans pour sa voiture. Elle avait envie de discuter avec Huguette.
Huguette chantonnait quand elle arriva dans sa boutique. Ronde, les joues rosées, habituée à sourire et à plaisanter, elle avait la chance de faire partie des natures gaies et heureuses, atout de taille dans le commerce. Entre habituées, le tutoiement était de règle.
-Dis moi Huguette, cette histoire sur la mort d’Anna ? Tu connaissais ?
-J’pense bien ! Elle venait tous les jours. Toujours contente, elle ne se plaignait jamais. J’pensais bien qu’elle irait jusqu’à cent ans !
-Tu sais qu’il y a une enquête sur sa mort.
-Ben, y parait. C’est  c’que disent les copines ! Oh, les pauvres ! Elles sont complètement effondrées. Anna, c’était pas comme leur chef, mais un peu. Quand elle parlait, elles n’écoutaient qu’elle. D’ailleurs elles se sont toutes retrouvées chez Marinette. Moi, j’pouvais pas y aller. J’ai mon commerce. Mais j’leur ai dit : le cœur y est !
-Tu crois que je pourrai me joindre à elles ?
- Ben sûr ! T’es une habituée, toi aussi.
Huguette lui donna l’adresse et Laura après avoir un peu cherché sonna à la porte.
-Tiens, voilà Laura qui vient nous rejoindre.
Elle ne connaissait pas tous les prénoms des mamies, mais apparemment, elles étaient au courant de tout.
-Je viens vous voir au sujet de la mort d’Anna
-Ben, tu vois, on ne parle que de ça, nous aussi.
-Figurez-vous que j’ai rencontré un de ses voisins, un allemand au commissariat.
Ils font une enquête, et  la police lui a demandé de ne pas quitter les lieux.
-On le connaît Hans ! Il ne ferait pas de mal à une mouche. Pourtant, tu sais, moi, les Allemands, mais quand même, le soupçonner… Tiens, c’est bien la police !
-Mais vous pensez qu’on a pu la tuer.
Marinette prit une inspiration :
-Ah, ma petite fille, si tu avais connu Anna, et si tu l’avais vue comme nous la veille, tu peux bien te douter qu’on pensait la voir le lendemain. C’est sûr qu’il y a quelque chose de louche.
-Elle a pu se tromper dans les médicaments.
-Ah non, pas Anna. On voit que tu ne la connaissais pas !
-Et on a prévenu sa famille ?
- Sa fille habite à New York, mais elle a été prévenue et elle arrive demain
-Et elle n’avait pas de mari ?
Les frêles épaules des mamies tressautèrent de rire :
-Ca fait longtemps qu’on les a tous enterrés ! Tu vois des hommes ici ? Ah si, il y a bien Jean qui est toujours en vie. Celui là c’est un costaud. Il connaissait bien Anna. Ils étaient dans le même réseau pendant la guerre. Lui s’en est sorti quand ils se sont tous faits coincés, mais elle, elle a dû partir à Londres, via la Bretagne. Je ne sais pas s’il est au courant. 
Marinette prit son téléphone pour l’appeler.
Elles étaient toutes en train de l’évoquer, et brusquement l’une d’entre elles se demanda :
-Mais qui l’a vue en dernier ? Où était elle l’après-midi ?
Laura eut l’idée d’appeler Hans, son plus proche voisin et demanda aux « copines » s’il pouvait venir.
La venue d’un homme, ma foi ! Pourquoi pas ? Dans ce cas là, il fallait inviter Jean.
Marinette prépara un peu plus de thé, et sortit pour l’occasion ses biscuits au beurre bretons, fait maison, achetés chez Huguette, et sa fameuse liqueur.
Les deux hommes étaient d’âge différents, mais tous les deux fort intimidés par ce cercle de femmes.
Hans ne se sentait pas très à l’aise. Jean l’avait toisé d’une drôle de manière. Marinette n’avait pas hésité à le présenter en tant qu’ancien camarade ou compagnon de résistance d’Anna.
A part Laura et lui-même, tout se beau monde avait vécu l’occupation.
Jean, les cheveux blancs, les yeux clairs, le visage marqué par une cicatrice, souvenir de la résistance, n’avait plus sa silhouette de vingt ans. Il avait grossi, et en raison de son cœur fatigué, devait se surveiller. Il refusa la liqueur de prune spécialement faite par Marinette, mais qui fut vivement acceptée par Hans.
L’appartement, meublé années trente, et les souvenirs et anecdotes évoquées par tout ce monde, qui du même arrondissement, se connaissait depuis toujours, donnait vraiment l’illusion d’un voyage dans le temps.
 Tout le monde en convenait : si les flics commencent à soupçonner Hans, c’est qu’il fallait faire leur boulot à leur place. La question qui se posait était donc la suivante:
-Qui avait vu Anna pour la dernière fois ?
En tant que plus proche voisin, tous se tournèrent vers Hans.
Il eut un peu de honte à avouer qu’avec Bob, un copain anglais, ils avaient passablement bu la veille. Bob était resté dormir chez lui. Ils avaient été réveillés tôt ce matin, alertés par le voisin du dessus, qui en descendant l’escalier, avait vu la porte du domicile d’Anna ouverte. Affolé, il avait appelé le SAMU, et la police était venue, suite aux conclusions médicales.
Convoqué au commissariat, il avait fait sa déposition. On lui avait demandé s’il avait remarqué quelque chose de particulier, et il avait répondu par la négative, n’osant pas avouer qu’il n’était pas en état de remarquer quoi que se soit. Il pensait en lui-même : Bob, peut être mais certainement pas lui. Bob était parti à Londres et devait revenir bientôt. Il ne savait pas exactement quand.
D’après les médecins et la police, Anna était morte d’un surdosage médicamenteux aux environs de trois heures du matin. La porte ouverte de son appartement était l’indice qui avait incité la police à conclure à une mort suspecte. Le voisin du dessus avait certainement été interrogé en premier, puisque c’était lui qui avait constaté la mort d’Anna.
Hans était partagé entre l’intérêt qui émanait d’une telle réunion, et le malaise qu’il ressentait à se retrouver au milieu de personnes qui avaient vécu ce que son pays leur avait fait subir et ce qu’il préférait oublier .
Il prétexta une visite chez un ami, et donna à Laura les clefs de sa voiture et l’adresse du box.
Laura le remercia vivement pour cette marque de confiance. Elle le contacterai, et de toute façon, il avait son numéro s’il y avait quoique se soit.
-Un gentil garçon, s’exclama Marinette
Jean haussa les épaules.
-Un Allemand, tu parles !
Il y eut un silence. Jean se décida à partir, et remercia Marinette.
Peu après son départ, Marinette lança :
-Alors là quand même, c’est peut être un Allemand, mais ça fait quelque temps que je le vois dans le quartier. Un garçon très poli, gentil et qui prête sa voiture à la p’tite !
Il n’a pas changé ce Jean ! Enfin ! C’est pas le moment de lui en vouloir. Le pauvre, amoureux comme il l’était d’Anna, ça doit lui faire un drôle de choc. Quand elle est revenue des Etats-Unis, après avoir perdu son mari, il avait bien tenté quelque chose, mais elle n’a rien voulu entendre. Anna,  c’était un sacré caractère quand même !  Allez savoir pourquoi, elle ne l’aimait pas…
Laura les écoutait : le visage d’Anna lui revenait en mémoire.
D’origine polonaise, et malgré l’âge, elle avait gardé une certaine beauté : un regard très clair, des pommettes saillantes, de la tenue et beaucoup de classe.
On voyait qu’elle était allée en « Amerique » comme elles disaient, les copines !
Hans avait retrouvé son café habituel et commandé un jus de citron, le meilleur moyen de retrouver un foie en forme et les idées claires.
Tant pis ! Londres ou pas, il allait se payer le luxe de déranger Bob.
- Excuse moi, mais as-tu des souvenirs plus précis de la soirée d’hier soir ?
 Bob était resté à Paris.
-Avec tes histoires, je me suis raté l’Eurostar.
-Ecoute, j’ai été convoqué chez les flics et je dois rester à leur disposition.
-C’est du délire ! Ils  pensent que c’est toi l’assassin ?
-Non, je ne crois pas, mais ils ont besoin de renseignements et t’étais plus en état que moi, hier soir. Tu fais quoi, là maintenant ?
L’après-midi était bien entamée et Bob avait rejoint Hans qui lui avait fait le résumé de sa matinée, un peu difficile en raison d’un mal de tête qui persistait.
-Et tu te plains ! Réalise la chance que tu as eu de te retrouver soixante dix ans en arrière !
Bon ! Pour en revenir à ta mamie, hier soir assez tard, oui, il me semble bien qu’elle a reçu quelqu’un. Je suis même allé regarder par la fenêtre.
- Et alors ! C’était qui ?
-Un vieux monsieur, qui avait l’air fatigué, un peu fort, avec des cheveux blancs.
-Tu plaisantes ! Tu as pu voir son visage ?
-Ah oui ! Ca je m’en souviens. Il avait même une cicatrice.
Le flic avait laissé un numéro à Hans, au cas où…
Il prit le téléphone.
Il appris par Laura le fin mot de l’histoire.
Jean  venait de reconnaître les faits, comme soulagé. Il savait qu’avec ses problèmes cardiaques, il n’en avait plus pour longtemps.
C’est lui qui avait tué Anna, par dépit amoureux, mais aussi par rapport à un passé qu’elle lui reprochait sans cesse :
Arrêté par la  Gestapo, plutôt que de dénoncer ses camarades, il leur avait lâché l’adresse des enfants juifs cachés. Et Anna était juive. Par déduction, elle savait qu’il n’y avait que lui pour les avoir dénoncés, mais elle n’avait aucune preuve.
Quant à Hans et Laura, ce ne serait pas la dernière fois qu’ils se reverraient. Ils avaient le temps…

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