mardi 9 mai 2017

L'autre bout du monde

«Devine qui j'ai vu...» souffla-t'il.
Haletant, essayant de rassembler ses esprits, il tenait son téléphone collé à l'oreille comme une ventouse.
« Je sais pas, il est 3 heures du mat' ici, ça a intérêt d'être capital », répondit Dan.
Val avait du mal à contenir sa voix tremblante de fureur.
« Eh ben alors?! Accouche bordel! Pourquoi tu respires comme un bœuf?!
-        J'ai essayé de courir après sa voiture, mais il s'est pas arrêté, pour un postier c'est quand-même con. Ça devait être sa fin de tournée, je sais pas...
-        Attends mec, t'es en train de me réveiller  parce-que t'as pas réussi à rattraper un facteur? »
Faisant les cents pas sur  la terrasse d'un café en Nouvelle-Zélande, essoufflé, il tentait d'expliquer l'inexplicable à un ancien ami resté au pays. Et Dan n'avait jamais été très malin. Ni très patient non plus.
« Lars. »
Le nom était tombé. Le silence qui prit place lui sembla alors une éternité. Il imaginait parfaitement toute la violence des pensées qui traversaient alors l'esprit de Dan en ce moment même. Non pas qu'il ne la partageait pas, mais lui avait plus besoin d'explication avant d'envoyer son ami six pieds sous terre, c'est-à-dire là où il était censé être depuis dix ans.
« J'ai bien entendu?, demanda la voix grave de Dan.
-        Oui. Pas de doute, c'est bien lui. J'étais à la terrasse d'un café pour chercher des petites annonces d'appart..
-        Je me fous de ta vie. Viens-en au fait. »
Ignorant ce manque de respect qui ne le surprenait guère, il continua :
« Bref, je lève les yeux de mon journal, et là, qui je vois en train de distribuer du courrier à côté : Lars. Alors le temps de me rendre compte que c'était vraiment lui, il était en train de partir. Alors je l'ai coursé mais il s'est pas arrêté. Cette ordure. Et voilà, je t'appelle. Il faut que tu viennes.
Dan garda le silence encore un moment, puis finit par lâcher un soupir, non de fatigue, mais de tension contenue.
-        Je prends le premier avion. Je te rappelle pour te dire. »
Restant un moment assis à se demander par où commencer, Val but son café d'une traite et rentra à sa chambre d'hôtel, les yeux dans le vide, essayant d'organiser ses pensées, de rassembler ses souvenirs. Lars était mort. Lars ne pouvait être que mort. Il était censé l'être. Il avait brûlé dans l'incendie de sa voiture. On avait pas pu l'identifier mais ça ne pouvait être que lui, c'était sa voiture.  C'était lui. Ça ne pouvait être que lui. Et pourtant... c'était Lars, son meilleur ami, qu'il avait vu déposer ce courrier, et monter dans sa voiture. Il avait bien dix années de plus, gravées sur le visage, mais c'était bel et bien lui. La dernière fois qu'il l'avait vu, c'était juste avant le casse de la banque du rond-point, à Saint-Alban , ce mercredi du mois de mai, dix ans plus tôt. Ça avait été un succès. Avec ce qu'ils avaient raflé, ils étaient tous les trois peinards pour au moins cinq ans. Ils avaient mis plus de deux mois à monter leur coups,  Dan s'était même infiltré dans la banque sous couvert de faire le ménage, et vu son jeune âge et son parcours officiellement blanc, ils avaient accepté sa candidature. Alors entre deux coups de balais et avant de vider les poubelles il observait, écoutait, notait. Tout était réglé comme du papier à musique. Après avoir coupé l'électricité pour bloquer les systèmes d'alarmes, Dan leur envoya le signal pour commencer le hold-up. Après avoir fait passer le maximum d'argent par les guichetières, Val et Lars se divisèrent. Val emporta avec lui des faux sacs bien plus gros pour partir dans son «carrosse» comme il aimait l'appeler. Les gendarmes l'ont repéré évidemment très rapidement, mais Val et ses talents de conducteur eurent tôt fait de les semer. Le «carrosse» a fini dans le lac à quinze kilomètres, comme prévu. En attendant, Lars sorti par l'arrière avec les vrais sacs pleins de billets dans sa petite fourgonnette. Et il put rouler tranquillement étant donné que les gendarmes étaient occupés dans leur course poursuite avec Val. Quant à Dan, il continua de venir travailler les jours d'après pour ne pas éveiller les soupçons. Il n'était pas le seul à avoir accès au boîtier électrique, et son casier était encore vierge à cette époque. Val et Dan n'ont jamais été inquiétés de cette affaire. De beaucoup d'autres, plus petites, par la suite, mais celle ci s'était parfaitement déroulée. Excepté pour Lars. Sa voiture est rentrée dans un poteau électrique, a pris feu suite à un défaut du moteur, et l'argent s'envola en fumée, ainsi que Lars. C'était du moins ce qu'ils croyaient. Mais à présent, il semblait que la tombe de Lars était occupée par quelqu'un d'autre. L'affaire avait été résolue très vite, la police avait identifié la fourgonnette de location, avait retrouvé le nom du locataire. Il n'y avait aucune raison d'ouvrir une enquête. Moteur défectueux, point.
Tout ces souvenirs remontaient à la surface comme de vieilles photos jaunies. Val posa son journal sur la table de chevet, s'alluma une cigarette, tira une bouffée comme si la dernière remontait à des années, comme si le goudron était en fait de l'air plus frais et plus vital que l'oxygène. Il était parti à l'autre bout du monde pour fuir son passé, ses années de prison, pour tenter de prendre un nouveau départ.  Il ne pouvait pas avoir été floué comme ça. Pas par Lars.Venant de Dan, à l'époque, ça n'aurait pas été étonnant. C'était un petit nerveux qui voulait se prouver que c'était un dur. Il ne connaissait pas grand chose à la vie de « gangster ».Mais pas Lars, non. Lui faisait ça parce qu'il avait grandi comme ça. Son père était comme un héros pour lui, parce-qu'il ne s'était jamais fait avoir, parce-qu'il avait arrêté à temps. Val et Lars se connaissaient depuis toujours.  Ils avaient grandi dans la même rue. Lars régnait en maître dans le quartier, dès son plus jeune âge,en vendant des bonbons piqués dans une épicerie du coin. Il se baladait dans la rue, à faire des aller-retour devant les maisons du lotissement, comme un vrai petit caïd, plein d'assurance. C'était limite s'il n'avait pas la clope au bec à dix ans. Il ne commença qu'à douze. Il les tenait comme des cigares. Il mettait les billets que les autres gosses lui amenaient discrètement dans une poche, et ressortait les places de concert, paquets de clopes ou autre de l'autre. Sa vie était déjà toute tracée. Le doute n'avait pas l'air de lui causer trop de nuits blanches. Val, lui, était fasciné. Bien que ses parents lui interdirent rapidement de le côtoyer, il ne lui en fallut pas plus pour oser aller lui parler.
Et c'est comme ça que commença une amitié qui dura plus de quinze ans. Au début, vers leur treizième année, Val suivait Lars et observait ses manières de faire. Jusqu'à ce qu'il vole lui-même un jour. Une revue porno, sa grande fierté quand il raconte sa «première». Lars n'en était pas spécialement content, il essaya même pendant un moment de le dissuader de faire comme lui. Mais Val était aussi une tête de mule, et son ami comprit très vite que ses conseils ne serviraient à rien. Alors il lui apprit comment ne pas se faire coincer. Et ils continuèrent à voler par-ci par-là, de plus en plus gros, de plus en plus souvent, jusqu'à ce qu'ils veuillent quitter le pays. Mais pour ça, il fallait faire plus gros. Et le plus gros qu'ils pouvaient trouver sur leur terrain si familier, c'était cette fameuse banque du rond point. Sauf que pour celle-ci ils avaient besoin de quelqu'un d'autre. Et ce fut Dan. Avec sa cicatrice sur la joue, faite par son père avec un tesson de bouteille un soir de beuverie supplémentaire, il se faisait passer pour un gangster auprès des filles et il paraîtrait même que ça marchait quelques fois. Et à force de faire parler de lui comme d'un caïd, on a fini par lui proposer un vrai boulot de caïd. Et il le fit bien. Et tout allait bien dans le meilleur des mondes, jusqu'à ce poteau électrique sur la D23.
Tous les ans, Valentin va sur la tombe de Lars, y dépose une couronne de fleurs, glisse une revue pour adulte dessous, et reste un moment à se souvenir. A parler parfois. Parce-qu'un ami comme ça, même de l'autre côté il continue à vous écouter. Mais ce jour-là, à cette terrasse de café, il s'avéra que cet ami n'était pas mort, et qu'il l'avait trahi de la pire manière qui soit. Se faire passer pour. Et en plus partir avec l'argent. Parce-qu'il n'avait pas pu faire un coup pareil si ce n'était pour récupérer l'argent pour lui seul. Mais comment avait il fait? Qui était ce cadavre dans la voiture? Pour répondre à ces questions, il fallait de toute manière le retrouver. Rien de plus simple, attendre le lendemain au même endroit, il finirait par passer. Le téléphone sonna:
«J'arrive Lundi à 18h, tu m'attends avant d'y aller».
C'était Dan. Toujours aussi froid et sûrement toujours plein de rage difficilement contenue.
Le lendemain, Val retourna à la terrasse du même café, à 14h30, se gara à quelques mètres pour ne pas perdre de temps quand il devrait regagner sa voiture, s'assit à la table la plus discrète de la terrasse, dans un coin à moitié caché par les plantes qui délimitaient la terrasse, ouvrit un journal, et attendit. Une quinzaine de cigarettes  et trois cafés plus tard, son sang bouillonnait d'impatience, il n'avait pas osé aller aux toilettes pour soulager sa vessie, il finit par demander au serveur si le postier n'était pas censé passer à cette heure. Il lui apprit alors que le dimanche était le seul jour où les postiers ne travaillaient pas. Après avoir foncé aux toilettes en se sentant légèrement bête, il décida donc d'aller marcher pour évacuer toute la tension accumulée par cette attente infructueuse et surtout frustrante. Dan, en escale en Chine et attendant son prochain vol, l'appela:
«Alors, t'as du nouveau?
-        Non, à part que les postiers bossent pas le dimanche.
-        Bon. Donc demain normalement il sera là?
-        Normalement.
-        Ok. Tu m'attends, hein?! Tu le suis, tu le lâche pas d'une semelle, mais tu m'attends! Je veux aussi lui faire la peau à cet enfoiré de voleur.
-        Plutôt cocasse pour un..
-        Pour un quoi?
-        Rien, laisse tomber, t'inquiète pas je le suis, je t'enverrai un message quand j'aurai son adresse. Je t'attendrai devant.»
Sur ses mots, ils raccrochèrent. Les paquets de cigarettes s'épuisaient à une vitesse considérable. Dan était fou de rage pour l'argent. Val l'était pour les promesses. Ce n'était même pas de la rage qu'il ressentait, mais une tristesse si violente qu'elle devrait s'exprimer, et par-dessus tout il voulait des explications.
Il ne dormit pas de la nuit. Il marcha dans les rues sans trop savoir où il allait, mais il ne pouvait pas rester immobile avec toutes ses pensées. Le matin, épuisé mais les nerfs à vif et toujours incapable de fermer les yeux, il décida d'aller directement au café. Il attendrait là, sûrement pendant des heures puisque Lars n'arriverait normalement qu'à 15h, mais au moins il était sûr de ne pas le louper. Il choisit de nouveau la même table, la plus discrète, au cas où Lars passe dans le coin avant son travail. Ce qui n'arriva pas.
Ce furent les sept heures le plus longues de sa vie. Il ne voulait pas rentrer en salle de peur de le louper, alors il resta dehors, au soleil, sa peau supportant minute après minute les attaques violentes du soleil sur son visage. Il n'avait pas pensé à prendre de chapeau, et pour rien au monde il ne quitterait sa terrasse, hormis pour vider les litres de café qu'il avait bu. Il était quinze heures, Lars n'était toujours pas là. Pensant qu'il allait finir par tomber dans les pommes, Val appela un serveur pour lui demander si le facteur était bien censé passer ce jour-là. Et c'est là qu'il le vit arriver. Au volant de sa fourgonnette, qu'il remarqua être du même genre que celle du vol de la banque dix ans plus tôt. Lars descendit avec une liasse de courrier dans les mains, les déposa dans la boîte aux lettres juste à côté du café, et retourna à son véhicule. Dès qu'il eut tourné l'angle de la rue, Val se rua sur le trottoir pour démarrer en trombe dans sa voiture de location et suivre la fourgonnette de Lars, qui, pour le coup, était bien reconnaissable, et de loin, avec ses couleurs jaunes et rouges. S'ensuivit alors deux heures d'arrêts réguliers, où Val eut beaucoup de mal à se camoufler. Mais bien heureusement, il avait eu un bon maître dans l'art de ne pas se faire coincer. Au bout de ces deux heures, il vit Lars arriver au bureau des postes, puis ressortir quelques minutes plus tard au volant d'une petite Nissan. Étrange pour quelqu'un qui était censé pouvoir rouler en Ferrari. Tout comme le fait d'avoir un travail d'ailleurs. Mais Val n'en était plus à une interrogation près. Il le suivit en dehors de la ville, en restant toujours à deux ou trois voitures derrière, sur une route qui s'enfonçait dans les bois. Puis, d'un coup, il tourna sur la droite, dans une petite allée visiblement privée. Val se gara quelques mètres plus loin sur le bas côté, et décida d'y aller à pied. Il suivit alors l'allée bordée de bambou jusqu'à un petit renfoncement sur la droite qui ouvrait la vue sur une petite maison de bois, très modeste, et visiblement ancienne. Tout ça n'avait encore une fois aucun sens. Mais la Nissan était bel et bien garée devant. Après s'être caché parmi les bambous, Val envoya un message à Dan pour lui indiquer l'adresse. Et il se prépara à attendre et observer un bon moment encore. Mais l'attente de Dan était bien plus dure. Il sentait l'effet de ses nombreux cafés accélérer son cœur, couplé à l'impatience, le manque de sommeil, et sa nervosité accumulée depuis deux jours, il était à deux doigts d'exploser. Mais Dan arriverait dans moins d'une heure, il suffisait de s'allonger et d'attendre encore un peu. Ce qu'il fit. Malgré la nuit qui commençait à tomber, son corps était en train de bouillir, il sentit alors les coups de soleil lui brûler le visage. Ses veines dilatées, son sang pulsant comme un damné, lui martelant les tempes pour augmenter sa migraine, il croyait abandonner pour revenir le lendemain, quand soudain, la porte de la vieille maison s'ouvrit. Il se redressa doucement pour voir la silhouette de Lars dans l'encadrure de la porte. Il avait un gros sac poubelle dans les mains. Il ferma la porte derrière lui et s'apprêta à traverser l'allée jusqu'à la route principale. Son air guilleret, insouciant, comme si son passé n'existait pas, sa démarche légère en passant le portail, tout ne faisait qu'attiser la haine de Val qui ne put se retenir. Il lui sauta au cou, comme un chien en furie, il lui écrasa le crâne violemment contre le béton, lui maintint la tête contre le sol et fit glisser entre ses dents :
« Alors comme ça, on se la coule douce à l'autre bout du monde ?»
Lars, qui peinait à retrouver ses esprits suite au choc, montra des yeux immenses et effrayés quand il reconnut le visage de son ancien meilleur ami. Après quelques secondes de balbutiements, il le supplia de l'épargner, hurlant qu'il avait une femme et deux enfants, qu'il ne voulait pas mourir comme ça. Demandant des explications, Val le maintenait en le tenant par les cheveux, et écoutait avidement :
« Je regrette. Je regrette tellement si tu savais. J'ai pas touché à ce fric de merde. J'te le jure. J'ai déconné. Je sais. J'ai fais la pire connerie de toute ma vie avec toi.
-        Tu peux le dire, fumier. Tu m'expliques comment t'as pu laisser tes amis derrière toi et te faire passer pour mort?
-        Ecoute, c'était pas prémédité. Je te jure au début je voulais faire comme on avait dit, on se retrouvait à la gare, on se divisait tout ça en trois et on se quittait un petit moment pour brouiller les pistes et profiter du magot. Je sais. Tu me fais mal ..
-        Evidemment que je te fais mal enflure! Je te lâcherais pas tant que t'auras pas fini ton histoire de pourri! »
Continuant son histoire à toute vitesse, il ne se laissait plus une seule seconde pour respirer :
« Ok ok ok. Bon, je voulais suivre le plan, je te jure, et puis je me suis rendu compte que j'avais 400 000 balles dans le coffre, enfin je veux dire, j'en ai vraiment pris conscience tu vois? On avait jamais mis la main sur un tel magot, alors j'ai eu comme une absence, comme un moment de blanc et puis quand j'ai repris conscience j'ai vu ce mec au bord de la route, et je l'ai percuté. Alors là tu me connais, je suis un voleur, pas un assassin, alors j'ai paniqué. Comme un gamin j'ai paniqué. J'ai transporté le mec dans la voiture, côté conducteur, j'ai bidouillé un peu le moteur, j'ai vidé le bidon d'essence de secours sous la voiture, tout partout, j'ai sorti le fric, j'ai craqué une allumette et je l'ai balancé dans le feu avant de courir aussi loin que je pouvais. Je me suis dit qu'avec un peu de chance on pourrait pas trouver l'identité du gars. Et puis j'ai été pris en stop. J'ai dit que je partais en voyage pour justifier les sacs. Du coup le mec m'a emmené à la gare la plus proche. Et j'ai été lâche, je suis parti à Paris, prendre un avion pour le pays le plus loin possible de mon double crime. Celui d'avoir tué un homme, et celui d'avoir trahi mon ami. Je suis désolé pour Dan aussi. Je sais je suis un crétin, une ordure, tout ce que tu veux, mais le fric tu peux le reprendre, j'ai pris que ce dont j'avais besoin pour l'avion, sinon il reste tout.
-        Tu vas me faire croire qu'il reste tout ce pognon quelque part après dix ans ?
-        Il est sous mon parquet. Dans le salon. J'ai pensé à vous le ramener au début, mais j'avais trop honte ; et j'avais aussi trop honte pour m'en servir. Alors tout est là. Et ça me pourrit la vie depuis dix ans. Je pensais à trouver un moyen pour le laisser à mes gosses mais je ne savais pas comment le faire sans qu'ils ne me suspectent. Parce-qu'ils ne savent rien. Tu t'en doutes.
-        Ça serait plutôt une bonne vengeance je trouve, plutôt que de te trouer la peau, je fais en sorte que ta femme se barre avec les gamins!
-        Je t'en supplie, non,Val! N'importe quoi mais pas ça! C'est grâce à eux que je suis pas devenu dingue, et ils méritent pas de plus avoir de père! Mes deux garçons, je t'en supplie, ils méritent pas de savoir que leur père est un lâche. Tout mais pas ça, je t'en supplie. »
Ils entendirent alors le clic de la sécurité d'un automatique. Et c'est là le dernier son que leurs oreilles perçurent.
Dan remit la sécurité, enjamba les deux corps, et s'approcha de la maison qu'il savait maintenant valoir une fortune. Il ouvrit la porte, regarda de tout côté pour être sûr qu'il était seul. C'était visiblement le cas. Il se mit alors à découper le plancher du salon à l'aide d'une hache trouvée dans le jardin. Il se dirigea vers la voiture de Val dont les clefs étaient restées sur le contact, l'avança doucement dans l'allée, déposa un à un les sacs remplis de billets dans le coffre, démarra, et disparut dans la nuit.




15 ans plus tard .

«Je suis tellement heureuse qu'on ait décidé de prendre ces vacances ensemble, et surtout ici!»
Linda portait ces boucles d'oreilles qu'il lui avait offert pour leur six mois, une main tenant son cocktail et l'autre caressant la joue de son compagnon. Il la regardait comme si plus rien ne comptait, comme si la fin de ses études et le voyage offert par sa mère et son frère comme récompense n'était que prétexte à ce moment de grâce et de volupté complice qu'il partageait avec la femme qu'il espérait garder toute sa vie.
« Regarde les enfants là-bas, ils font un château de sable. C'est bien que cette coutume ne se soit pas arrêtée, j'en faisais de semblables quand j'étais petite avec ma sœur...»
Le reste de sa phrase s'évanouit dans les airs, car l'attention de Thomas n'était pas sur le château de sable. A quelques mètres des enfants, se trouvait un homme. Un homme qu'il avait vu quinze ans auparavant, par la fenêtre de sa chambre, et qui avait une cicatrice sur la joue droite. Il empoigna son téléphone et composa un numéro. Son frère décroche, demande ce qui se passe, attend, n'entend rien, redemande, puis, au bout de quelques secondes de silence :

« Devine qui j'ai vu ». 

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