mardi 9 mai 2017

A la recherche de l'ami perdu …

Devine qui j’ai vu … ?.
Perdu sa trace depuis plus de 20 ans j’appréhendais qu’il le soit « corps et âme », égaré pour toujours, le « perdreau ».
Une « figure », un personnage hors du commun d’une commune extraordinaire.
« Versaïaïaiaïlles » prononçait il toujours, la bouche en cul de poule.
L’homme ne manquait pas de classe, son manteau en poils de chameau sur les épaules, porté comme une cape royale. Son logis à côté des grilles dorées, datait de l’époque du château, pièces étroites, très hautes de plafond. Tout le confort dehors, dans le couloir.
Son compagnon était un chien de race improbable qui bavait beaucoup plus que ses congénères à face écrasée, suite à un accident , passé, petit, au travers du pare-brise.
Il était de tous ses déplacements au grand dam de ses relations qui l’invitaient ou qui partageaient sa table.
Apercevoir « le trésor à son papa » qui arrivait, en dodelinant, des stalactites de bave, tremblotantes, comme des guirlandes de sapin de noël, sous les bourrasques, au museau, puis qui passait, placide, sous la table pour en ressortir les alentours des babines et la « truffe », sèches, faisait se reculer d’un bond brusque l’ensemble des convives.
Oui, pour constater « l’heureux élu » récolteur, sur ses bas de pantalon.
« Ne vous inquiétez pas ! » rassurait notre homme avec une placide bonhommie, « ça ne tache pas ! ».
Maigre consolation.
Une variante, le facétieux canin par ailleurs câlin, parfois s’ébrouait violemment. Ses « ornements baveux » décrivaient un gracieux périple dans les airs pour atterrir, souvent, au revers d’une veste, sur une épaule, une cravate. Ruban scintillant comme en portent encore les huissiers introducteurs.
Il perdait aussi, beaucoup, beaucoup, ses poils.
Le siège passager de la voiture de notre ami était sa place attitrée. Chasse gardée. Annexe de sa « niniche ».
Un directeur suisse, en inspection, doit reprendre son avion. De passage au bureau, notre camarade est hélé, réquisitionné pour jouer « Jo le taxi ». Vêtu d’un blazer de tailleur réputé, bleu marine, impeccable, voir s’éloigner ce haut cadre de direction, attaché-case en main, vers les portes de « Départ » de l’aéroport d’Orly, avec le dos gris, duveteux comme doublé de laine angora ou les épaules d’un gorille vieux mâle dominant, n’était pas sans un certain charme.
Une fois, avec un autre passager de sa hiérarchie professionnelle …
Le chien frustré d’être contraint de coucher à l’arrière, s’obstinait à poser sa tête sur l’épaule de l’impudent imprudent intrus, usurpateur de siège. Inutile de chercher à s’en débarrasser, se retourner pour le repousser ajoutait le risque d’un lumbago. Pour rien. Oui, l’épaule choisie pour y poser sa mâchoire était spongieuse-gluante, à l’arrivée.
Place reprise aussitôt par son légitime occupant, dans la foulée, avec force soupirs, grognements jubilatoires de soulagement.
Le fauteuil chaud appelant à une sieste réparatrice sinon consolatrice. Roulé en boule. Béat.
Le plat accepté pour ses repas se composait uniquement de steak haché frais et de tagliatelles larges tièdes. De vulgaires nouilles ou des spaghettis voyaient après un instant d’inspection stricte, se faire refouler hors gamelle, une patte dedans pour l’immobiliser, le museau repoussant l’ensemble sur le tapis ou la moquette.
Un tantinet énervé, pour montrer une désapprobation exacerbée, un autre coup de maître longuement peaufiné : une frappe sèche de la patte sur le rebord du récipient qui se retournait alors, sur le sol.
Un esthète, gastronome habitué, tête de mule pour tête de Turc.
Partager leur chambre était une expérience passionnante pour un diéséliste ou un ethnologue. L’homme et la bête ronflaient à contre temps, pas dans la même tonalité, ni sur le même tempo. Un bruit chaotique par saccades et vibratos, continu. Fortissimo. Coucher dans la chambre mitoyenne dans sa résidence de Normandie te garantissait les mêmes insomnies. Pas de compagne connue, il partageait son appartement avec un ami gérant d’une boutique de fleurs. De mauvaises langues se faisaient, la mine gourmande, les auteurs de plaisanteries gaillardes sous entendant des amours « hors norme » pour l’époque. Cette rumeur ne l’inquiétait pas. Mieux, le laissait de marbre comme celui de Carrare. Un cas rare, sinon particulier comme certains amours.
Ils fréquentaient « la comtesse » surnom donné à une richissime veuve, esseulée, de leur connaissance.
Une vaste propriété en lisière de forêt domaniale. Pas de domestiques qu’elle ne savait conserver du fait d’un caractère tyrannique. Un peu cleptomane, non par manque de moyens mais par vice, occupation, brin de piment dans son quotidien tristounet. Les commerçants habituels laissaient faire et nos compères revenaient plus tard dédommager, discrètement en se faisant une « marge » lors du remboursement, négocié âprement.
Une phrase que j’adorais car elle mettait en rage, le partenaire de mon copain quand ils arrivaient chez elle. L’ami portait sa blouse grise, de travail. « André ! vous déposerez votre manteau au vestiaire s’il vous plaît » afin de le contraindre à retourner se débarrasser de cette tenue « plébéienne » pour le moins incongrue, en ces lieux plus que « bourgeois », chez elle.
Par plaisir du scandale, au restaurant ou nous dînions à quatre, invités, elle ne commandait qu’une ½ bouteille de vin, d’un excellent cru. Au bout d’un moment, le plus assoiffé d’entre nous s’autorisait la réclamation d’un autre flacon, souvent un 3ème . A la fin du repas, l’addition présentée … l’examen de la « maîtresse femme » … un silence pesant puis un ordre crié, indiscutable, « appelez-moi la direction ! ». Affolement du personnel, un chef de rang ou le maître d’hôtel accourait pour se faire morigéner de belle manière : « je n’ai commandé qu’une seule bouteille et vous osez m’en facturer trois ! ».
Un grand classique semant l’émoi dans les restaurants huppés de la ville royale.
Même scandale quand un client passant dans notre allée, osait négligemment, par mégarde, écraser sa cigarette dans notre cendrier en bout de table. Hurlements de protestations, réprimandes pour l’intrus profanateur, « sans la moindre éducation », exigence immédiate du remplacement du réceptacle à mégots de nos propres cigares.
Ne pouvant conserver un personnel tyrannisé qui se vengeait en la volant, elle payait une relation « fauchée », comme chauffeur pour visiter sa mère très, très âgée, qui s’étiolait en province lointaine. Certainement en « maison » moins onéreuse que dans le département des Yvelines.
A cette occasion nous avions gardé sa demeure un week end afin de nous occuper des chiens et de dissuader les voleurs. Notre défraiement investi dans la pâté pour les toutous dont les menus étaient plus onéreux que l’enveloppe prévue à cet effet. Des titres, des chèques, des actions traînaient sur la table du salon fermé par des grilles mais accessible aux intimes.
Provocation ou mise à l’épreuve ?. J’oserai « négligence » … pure et simple.
Dans ses rangements des dizaines de paires de chaussures souvent neuves de même pour ses fourrures, à même de rhabiller tout un zoo tondu.
Un soir, invité à dîner chez nos compères, la « Comtesse » s’était mise sur son « 31 ». Parée de (presque) tous ses bijoux, tout du moins ceux qui pouvaient encore « trouver place ». A un moment ou la conversation flottait un peu, elle pose la question en tendant son bras décharné : « savez-vous pour combien d’argent il y a … là ? ».
Silence … Elle annonce une « fourchette » de prix qui fait tâter du pouce l’affût des couteaux à viande des convives peu habitués à faire leur shopping chez les joailliers de la place Vendôme.
Une bague s’est un jour perdue dans le « foutoir » du véhicule-break du « collègue », son chevalier servant. Retrouvée tardivement et restituée, par notre ami. Non ?. Si !.
Notre homme venait par ce fait de se voir promettre l’héritage d’un paquet d’actions d’une marque de bière connue. Elle n’avait pas d’héritier à part l’Etat.
A sa mort il a attendu des jours la convocation chez le notaire. Il doit l’attendre toujours …
Retrouvé par pur hasard dans le centre commercial « Parly II », hélé … Il n’a pas daigné être reconnu ... J’aurais pourtant aimé savoir s’il avait repris un autre compagnon ? … Un ami ? non, un chien.        


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