mardi 9 mai 2017

Faux cauchemars

J’ai une bonne nouvelle : Ce fut une autre année scolaire tragique, c’est vrai qu’elle avait réussi cette fois-là, mais, à vrai dire,  cette réussite était le fruit de l’intervention de ses parents.

Nadine, une écolière de dix ans,  dans la deuxième année primaire,  était une fille tellement belle, et dont le regard traduisait de l’innocence.  Ses maîtres l’aimaient et vouaient du respect ainsi que de l’indulgence à son égard. Ses cheveux étaient blonds comme le soleil, ses yeux, grands et bleus comme une bouteille transparente contenant toutes les larmes que versent des yeux.  Cependant, dans ce monde cruel et impitoyable,  une tristesse très claire et franche se lisait dans ses yeux.

Nadine était assise dans sa petite  chaise devant le mur qui semblait lui donner des signes qu’elle comprenait seule. Soudain, tout en poussant la porte, Sanae fut saisie de colère. C’était sa mère. Femme aux yeux marron et aux cheveux longs noirs,  âgée de trente ans, mais paraissant encore  plus jeune, sa mère lui dit d’un ton nerveux : « dépêche-toi, ne me dis pas que tu as oublié ton premier jour d’école. Bien sûr, avec tes bonnes notes, tu peux être rassurée ! ».

Nadine ne voulut pas bouger de sa place, alors sa mère la poussa violemment, mais en vain !  La mignonne écolière faisait des mouvements bizarres avec ses mains. Quelques minutes plus tard,  Sanae commença à l’aider pour porter ses vêtements, tout en lui disant: « Fais attention ! C’est une nouvelle école…  je ne veux pas que les maîtres connaissent ta maladie, as-tu compris ? ».

En effet, sa petite souffrait de l’autisme, mais, ce handicap n’était pas identifié en tant que tel pour qu’on puisse l’orienter dans une école destinée aux enfants accusant une maladie similaire.  Sa famille, si l’on excepte l’avarice du père,  n’était pourtant ni pauvre, ni ignorante.  Les frais du traitement seraient-ils coûteux au point qu’on ne pouvait pas pallier cette déficience ?

Nadine entendait ces mots chaque fois qu’elle voulait aller à l’école, mais, certainement elle ne les comprenait pas, étant donné que les maîtres lui demandaient si elle avait un problème dès qu’elle faisait son premier pas à l’école.

-  « Dix plus deux, vite, mais c’est facile ! », demanda la maitresse en interrogeant.

Nadine qui, ne pouvait point supporter ce comportement, finit par éclater en sanglots.

Malheureusement, pour elle, toutes les journées, plutôt toutes les semaines, tous les mois étaient, à l’école,  mauvais et exécrables.

Ce matin-là, en lisant la convocation, le père, Anouar,  parut très convulsif et pour cause : son devoir de père exigeait qu’il allât à l’école, mais il ne voulait pas s’y rendre à cause des mauvaises notes de sa fille. Alors, il demanda lâchement à sa femme d’aller elle-même voir le directeur.

A l’école, si tôt que  Sanae arrivée, le directeur lui dit :

-  « Je suis désolé, madame, mais il sera très honnête de vous informer, sans vouloir vous choquer, que le niveau de votre fille est faible. On a beaucoup tenté de l’aider pour surmonter les obstacles de sa maladie, mais en vain ». 

Très stupéfaite, elle rétorqua en prétextant une raison :

-  Mais, monsieur, à vrai dire, elle a de petits problèmes de … » 

-  Madame, sans tâcher de trop appuyer sur la chanterelle, je disais que votre fille n’a pas de place ici ».

Froissée, elle reprit : 

-   Mais cela vaut la chandelle, elle est encore une petite fille et … ».

Le directeur conclut avec un air sérieux : 

-  Inutile de me convaincre, vu le niveau de votre fille, je ne peux rien faire ».

Sara sortit, abattue, angoissée  et ébranlée. L’école qui exclut sa fille  était la seule école qui eut pu l’accepter.

Après le souper, Sanae décida d’informer son mari et sa petite de la décision du directeur. Au début,  elle balbutia et hésita, puis, prenant le taureau par les cornes, elle finit par leur cracher nument la vérité. La petite famille fut triste, pétrifiée et pantoise sous l’effet de cette nouvelle.

Cependant, malgré la gravité de cet événement rien n’eut pu faire réagir Anouar qui refusait toujours d’inscrire sa fille dans une école privée, ou de l’amener consulter un autre docteur que celui qui l’avait, pour la première fois, diagnostiquée et conclu pour son autisme.

En restant à la maison presque tout le temps, Nadine devenait de plus en plus pâle  surtout, quand elle prit conscience de sa maladie, jugée incurable.

Des années plus tard, Nadine devint chétive, minuscule et obombrée sous le poids de son propre psychodrame. Elle prenait vingt ans, quand un matin, la mère, folle de joie, entra et lui dit que quelqu’un voulait l’épouser. Mais aussitôt,  la jeune rétorqua : 

-  Il ne sait pas ma maladie, n’est-ce pas ? Est-ce que….. » .

Sanae, sans lui permettre de continuer son questionnement,  la rassura : 

-  Et il ne le saura jamais, c’est notre secret ! »

La mère était heureuse, heureuse non pas  en tant que mère satisfaite par le mariage de sa fille,  mais comme un marchant qui voulait vendre sa marchandise moisie.

Tout fut passé hâtivement, les fiançailles puis le mariage.

Au début, Nadine avait l’air  heureuse, cependant, elle demeurait encore insociable, solitaire et isolée. Quotidiennement, chaque fois que son mari était parti à son travail, elle ne cessait de pleurer. Elle savait qu’elle était malade, impuissante et inepte.  Ses journées étaient un mélange d’ennui, de douleur et de malheur ; quant à ses nuits, elles étaient un abri pour des cauchemars et des idées insupportables.

Mais, au fil des ans, le mari constata les comportements étranges de sa femme. Elle restait la plupart de temps seule dans sa chambre même quand elle devint mère. Ne pouvant pas supporter ses attitudes saugrenues et irritantes, le mari interpellait Nadine maintes fois de son problème jusqu’au moment où elle avoua qu’elle était une autiste. Tout à coup, son mari se transforma en un monstre, sa réaction était brutalement inattendue, il commença à grommeler  des mots incompréhensibles sentant une sorte de fureur impétueuse : « Mais…,  c’est une comédie, c’est de la tromperie, vous m’avez menti !  Que j’ai été dupe ! ». 

Finalement, il la congédia de la maison.  Sans se faire prier, elle se dirigea, avec son fils,  vers la maison de ses parents. Ceux-ci  furent attristés en  les voyant venir.

Juste une semaine plus tard,  Nadine reçut une convocation du tribunal dont l’objet signifiait le divorce. Elle n’hésita pas  à accepter, convaincue que son mari avait eu raison.

Lors d’un jour ensoleillé, alors que la malheureuse Nadine  était assise dans la chambre, son fils, âgé de treize ans,  lui demanda : 

-  Pourquoi es-tu divorcée avec mon père ?».

Elle lui raconta toute l’histoire dès le début, puis elle conclut en insinuant à avoir pitié d’elle : 

-  Tu n’es pas comme les autres, n’est-ce- pas ? Tu es fier de ta mère malgré la maladie !  

-  Oui …oui,  bien sûr !  Mais, c’est entre nous deux, ce secret ! Et pour votre réunion, demain, je préfère en parler à mon père, tu sais que tu es malade et … »  

-    Oui, interrompit-elle,  j’ai compris !  Tu as raison, appelle  ton père ».

Des jours et des semaines passèrent, toutes les négociations tombèrent à l’eau.

Un matin, Sanae  entra à la maison et demanda à Nadine de lui parler.    Cette vieille mère, elle même ne savait à quel saint se vouer  pour consoler sa fille dans sa vie.  Elle devint très fragile ;  son dos courbée. Chaque fois qu’elle la voyait, elle sentait un fardeau lui peser sur le cœur et l’âme. Son dos était tellement  ankylosé qu’il l’empêchait de se mettre debout.

Pour la soulager, Nadine, les yeux humides, lui dit :                                                   

-  Oh ! Maman ! C’est le destin ! C’est une épreuve divine ! Il faut savoir encaisser ! Notre vie est pré-décidée là-haut, on n’y peut rien !»                      

-   Mais, ce n’est pas ça !  Le docteur Enassab qui avait statué sur ta maladie n’est pas un docteur, c’est un charlatan ! »

-  Mais que dis-tu, maman?  C’est de la folie ! »         

-  Voyons ma chérie, c’est ma copine qui m’a  dit ce matin-même qu’il était jeté en prison !  Ce soir,  on va voir un spécialiste  ».

Vers les coups de quatre heures de l’après midi, elles se rendirent dans le cabinet d’un docteur spécialiste. Après une consultation subtile, Monsieur Echafi, louant Dieu, lui dit :

-  Mais, tu es saine et sauve,  madame ! »

-  Mais, répondit-elle, dès la consultation du docteur Enassab,  j’ai maintenant trente ans,  je n’ai cessé de   nourrir les symptômes de l’autisme.  Et cela fait trente ans que je broie du noir ! ».

-  Madame, rassura le docteur,  ce que vous avez, ce sont des troubles d’apprentissage; en plus, c’était seulement une simple hypocondrie   et pas ce soi-disant méchant autisme! Quant à ce docteur, comme son nom l’indique, c’est un manipulateur, il est de votre droit d’en saisir la Justice ! »



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