C’était
la saison de la mousson et nous étions quatre dans cette pirogue à moteur. Il y
avait une bâche pour nous abriter du vent et de la pluie, si nécessaire. Nos
valises étaient entassées au fond du bateau. Elles y étaient par erreur, car elles
auraient dû suivre par la route, dans un minibus. Il y avait aussi avec nous un
militaire sensé nous protéger contre une éventuelle attaque de bandits. Nous
n’étions pas loin du Triangle d’Or, plaque tournante du trafic d’opium. Il
était donc en alerte, son fusil pointé sur l’horizon.
Nous
naviguions sur le Mekong, en Thailande, entre Chang Maï et Chang Raï pour visiter les différentes
ethnies établies le long du fleuve. Ce fut donc après une escale, nous étions déjà
remontés dans la pirogue, que le moteur refusa de démarrer. Il faut préciser
qu’il n’y avait pas de rames à bord. Notre batelier fit des efforts désespérés,
en vain, et il perdit le contrôle de la pirogue qui se cassa en deux, en
heurtant des rochers et des branchages au milieu du fleuve. Nous sommes tous
tombés à l’eau, les valises aussi. Le militaire nagea vers le bord, tenant son
fusil au dessus de sa tête, suivi de l’un d’autre nous qu’il désigna comme
assistant. Il devait chercher du secours et il fallait que quelqu’un d’autre
tienne le fusil toujours pointé sur le Triangle d’Or. Nous étions restés trois,
accrochés à l’épave, battus par le courant qui tournoyait autour des rochers et
branchages. Quant à moi, j’avais les jambes entravées par les branches, je ne
pouvais plus bouger. Le temps s’étirait à l’infini – nous étions seuls, sans
espoir. Il y avait des mots qui m’arrivaient de part et d’autre de mes
compagnons de détresse « tiens bon, courage ». D’un coup, ne pouvant
plus, je lâchais prise et je partis en arrière, la tête sous l’eau, les yeux
grands ouverts, et je ne sais par quel miracle, n’avalant pas d’eau, ni par le
nez ni par la bouche. J’étais d’un calme incroyable, sereine, résignée à
mourir. Persuadée de vivre mes derniers instants, j’ai eu une pensée pour ma
mère et mes enfants qui auraient eu encore besoin de moi. Soudain, une main ma
saisit par le col de ma chemise et me tira vers le haut. On me hissa dans une
embarcation venue à notre secours. Au passage, dans la manœuvre, j’au eu trois
côtes fêlées. Nous étions tous sauvés et le militaire sauta à l’eau malgré mes
protestations pour repêcher nos valises.
On
nous conduisit à Chang Raï, dans le bel hôtel où nous avions réservé des
chambres. Il y avait un couloir interminable de l’entrée à l’accueil que notre
petite troupe franchit difficilement. Nous étions trempés et misérables. Les
gens, massés des deus côtés, nous regardaient yeux écarquillés, et le rire
s’élevait, incontrôlable. Nous avons passés la nuit à sécher nos affaires avec
un sèche-cheveux : passeports, billets d’avion, dollars etc . L’étape
suivante devait être la rivière Kwaï, là
où avait été tourné le film « LE PONT DE LA RIVIERE KWAÏ ». Nous y
avons renoncé bien sûr.
Le
Consulat de France a été contacté, nous demandions à être rapatriés. On nous opposa
un refus, on ne rapatriait que les cadavres. Nous avons patienté pour reprendre
l’avion à la date prévue.
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