Il y a plus de mille ans, à cette époque insolite,
pétrie de contes et de légendes, que l’on a nommé le Moyen Âge ; la ville
de Breuillet, où se situe notre histoire, n’était qu’un tout petit village
entouré de champs et de forêts.
Dans ce faubourg prospère vivaient de nombreuses
familles. Parmi elles, celle de la jeune Charlotte, qui aidait du mieux qu’elle
pouvait son père veuf, monsieur Tatin, à la boulangerie.
Charlotte ne possédait pour ainsi dire rien, hormis
un cheval nommé Mille-feuilles, qu’elle chérissait.
Charlotte apportait régulièrement des pâtisseries de
la boulangerie à Mille-feuilles, mais elle veillait aussi à sa bonne santé. Elle
le faisait, pour cela, galoper de longues heures à travers champs pour leur
plus grand bonheur à tout les deux !
Les habitants du village de Breuillet obéissaient au
comte Crumble, qui administrait depuis plusieurs génération un domaine bien
plus vaste, allant, disait-on, jusqu’aux portes de Paris.
Le comte Crumble, qui habitait un immense château,
aimait afficher sa richesse, il organisait notamment de grands banquets en
toutes occasions.
Quand son propre fils, le prince Adrien fût en âge
de se marier, le comte Crumble organisa, dans la cours de son château, un
banquet d’une ampleur encore inégalée, même par lui-même ; qui rassembla
une foule immense, pendant plusieurs jours.
Tous voulaient marier leur fille à l’unique fils
héritier du comte, le prince Adrien qui, malgré son apparence angélique, avait
la réputation de traiter cruellement ses semblables.
Le père de Charlotte en avait eu vent mais cette
rumeur ne l’inquiétait pas.
Attiré par la prestigieuse fortune du comte, monsieur
Tatin était convaincu, tout comme les autres pères du village, que sa fille
Charlotte ne pourrait pas trouver de meilleur mari, et qu’elle devrait donc
tout faire pour s’attirer la préférence du prince Adrien.
Lors du banquet, au moment du dessert, le comte prit
la parole pour annoncer à tous qu’il n’offrirait son fils en mariage qu’à la
jeune femme la plus méritante.
Pour avoir l’honneur d’être désignée, la future
fiancée devrait pour cela triompher de ses concurrentes légitimes à l’issue de
trois épreuves.
On installa un tableau d’inscription pour le
concours à côté de la table du comte Crumble. Tout comme monsieur Tatin, les autres
parents, tels que monsieur Crêpe, monsieur Financier et monsieur Beignet, ne
tardèrent guère à ajouter le prénom de leur jeune fille sur la liste des candidates.
Charlotte jouait de son côté dans la cours du
château, lorsqu’elle perçut, au pied de l’un des arbres alignés devant elle, un
petit bruissement.
Charlotte se rapprocha de l’arbre et vit à son pied
une colombe, nommée Meringue, dont la patte s’était coincée dans une racine.
Sans hésiter, Charlotte libéra la colombe Meringue, qui s’envola dans le ciel,
sous le regard bienveillant de Charlotte.
Le père de Charlotte, monsieur Tatin, qui la
cherchait partout depuis qu’il l’avait inscrite sur la liste des prétendantes, vint
la trouver près de l’arbre pour lui dire que le concours commençait. Il la
gronda car elle avait sali sa robe en libérant la colombe Meringue. Charlotte
n’était pas très contente.
Pour la première épreuve, les jeunes filles furent
invitées à danser avec le prince Adrien à tour de rôle. Certaines filles, comme
Isabelle, la fille du père Gaufre, lui marchèrent sur les pieds. D’autres,
telle que Sandrine, la fille du père Fraisier, ne savaient pas du tout danser.
D’autres encore, comme la fille du père Macaron, d’émotion, s’évanouirent dans
ses bras.
Charlotte ne savait pas particulièrement bien
danser, mais elle ne commit aucune maladresse, si bien qu’elle fut sélectionnée
pour la seconde épreuve, ainsi que dix autres jeunes filles.
Pour la seconde épreuve, les jeunes prétendantes
devaient préparer un gâteau pour le prince. Bien sûr, certains gâteaux étaient
trop cuits, comme celui de la fille Nougat. D’autres encore étaient trop
sucrés, à l’instar de celui de la jeune demoiselle Brioche. D’autres enfin, à
l’image du gâteau de la fille Profiterole, contenaient beaucoup trop de
chocolat.
Charlotte, qui avait l’habitude de faire des
pâtisseries dans sa boulangerie, conçue un excellent gâteau au citron qui ravit
le prince et le comte.
Le prince Adrien désigna Charlotte ainsi que deux
autres jeunes filles émérites pour la troisième et dernière épreuve, la plus
difficile.
Il leur révéla qu’elles devraient monter à cheval et
partir dans la forêt ramener un renard au comte Crumble, car ce dernier souhaitait
étoffer sa collection de trophées de chasse.
Charlotte et son cheval Mille-feuilles partirent au
nord de la ville à la recherche du renard, ses deux concurrentes, au sud et à
l’est.
Après une longue marche, Charlotte trottait dans la
forêt noire lorsqu’elle entendit un bruit qui ressemblait à des pleurs.
En écartant quelques branches pour s’approcher elle
découvrit sur un tas de feuilles un renard, nommé Pain d’Epice, dont la patte était
prise dans un piège de chasseur. Le renard Pain d’Epice, qui larmoyait de
douleur, essayait de retirer le piège mais il n’y arrivait pas tout seul.
Emue par ce pauvre renard en proie à la difficulté,
Charlotte aida Pain d’Epice à se détacher. Ce dernier se proposa, en gage de
reconnaissance, de l’aider en retour.
Le renard suggéra un plan à Charlotte : puisque
le comte voulait un renard, elle n’avait qu’à le lui remettre, le renard
pourrait toujours s’échapper ensuite, pendant les fiançailles, quand tous les
yeux seraient rivés sur les mariés. C’est ce qu’ils firent.
Charlotte revint avec le renard, elle fut mariée au
prince Adrien comme l’avait promis le comte Crumble. Le renard profita de la
fête des fiançailles pour s’enfuir en toute discrétion du château.
Tout alla pour le mieux entre Charlotte et Adrien
pendant un temps, mais quelques mois à peine après leur union, le prince Adrien
ne tarda pas à montrer son vrai visage : celui de la cruauté.
La rumeur disait vraie, le prince Adrien était sous ses
faux airs de gentilhomme un personnage malveillant. Malgré les protestations du
père Tatin et de sa fille, le prince
Adrien enferma Charlotte dans le château. Il la cacha dans la plus haute tour !
La malheureuse Charlotte y passa des jours et des
jours, scrutant du haut de la tour, la vie de son village, dont elle se sentit
abandonnée ; lorsqu’un après-midi, un oiseau vint se poser sur l’un des
créneaux de la tour. L’oiseau n’était autre que la belle et douce colombe Meringue,
sauvée par Charlotte, dans la cours du château quelques temps plus tôt.
Charlotte demanda à la colombe de révéler au renard
Pain d’Epice, à son cheval Mille-feuilles ainsi qu’à son son père, monsieur
Tatin, où le prince Adrien la tenait secrètement prisonnière. Ce qui fit la colombe.
En apprenant la nouvelle de la bouche de la colombe
Meringue, le renard Pain d’Epice, qui était retourné dans sa renardière,
retourna au château de Breuillet et se déguisa en garde afin de passer
inaperçu.
Le renard Pain d’Epice observa les lieux puis,
profitant de la tranquillité de la nuit, parvint à libérer Charlotte sans
réveiller les gardes endormis.
Le cheval de Charlotte, Mille-feuilles, et son père,
monsieur Tatin, les attendaient cachés dans l’écurie avoisinante.
Dès qu’il la vit, le père de Charlotte embrassa sa
fille avec tendresse et lui présenta des excuses sincères pour ne pas avoir su
la protéger d’avantage. Les retrouvailles ne furent que de courtes durées car
les hennissements du cheval Mille-feuilles, qui était très vraiment joyeux de
revoir Charlotte, réveillèrent tout le château !
Le père de Charlotte ordonna à sa fille de partir
tandis qu’il tenterait de ralentir les gardes. Il ne les laisserait pas la lui
prendre cette fois encore !
Charlotte, Mille-feuilles et Pain d’Epices, tous
trois s’enfuirent au galop sous la cloche retentissante du château sonnant
l’alarme ; bientôt suivit par le prince Adrien furieux et sa horde de
chevaliers, que le père de Charlotte ne put pas retenir bien longtemps.
De son court affrontement avec les chevaliers,
monsieur Tatin sortit blessé à l’épaule, mais vivant. Il fût immédiatement
ramené au château du comte Crumble.
Charlotte, elle, se cramponnait à Mille-feuilles,
qui filait à toute allure, le plus loin possible du château. Elle était suivie
de près par un nuage de poussière, soulevé par les sabots des chevaux de la
troupe du prince Adrien.
Le nuage se rapprochait de plus en plus de
Charlotte, toujours un peu plus, jusqu’à ce que le prince Adrien parvienne à se
rapprocher de Charlotte au point de la saisir et de la remette sur son cheval.
Mais le renard Pain d’Epices, qui s’agrippait aux
épaules de Charlotte, se jeta sur lui en pleine course et lui fit perdre le
contrôle de sa monture.
Le prince Adrien se fit très mal au dos en tombant
de son cheval. Le gros de la troupe des chevaliers s’arrêta alors pour le ramener
au château, tandis que le renard Pain d’Epices disparaissait dans les fourrés,
sain et sauf.
Charlotte, toujours poursuivie par quelques
chevaliers, sentit une seconde fois le souffle de la monture de l’un deux dans
son dos tant il était proche de l’attraper lui aussi.
Par chance, le chevalier trébucha sur une pierre.
Lui et les autres chevaliers ne purent que se résoudre à cesser la poursuite,
leurs chevaux étant à bout de souffle.
Quant à Charlotte et Mille-feuilles, ils galopèrent
jusqu’à l’épuisement, jusqu’à tomber à leur tour de fatigue, inconscients.
Lorsque Charlotte se réveilla, elle était couchée
sur un lit dans une chaumière. Un vieil homme assit sur une chaise devant elle
lui adressait des sourires accueillant, elle lui raconta son histoire.
Le vieil homme s’occupa si bien de Charlotte pendant
sa convalescence qu’elle fût rapidement rétablie de son aventure. Charlotte confia
alors au vieil homme qu’elle serait très heureuse de lui offrir son aide dans les
tâches quotidiennes, en retour de l’hospitalité qu’elle avait reçue de
lui ; mais qu’elle souhaitait d’abord savoir ce qui était arrivé à son
père, pour qui elle se faisait beaucoup souci.
Il lui était peut être arrivé quelque chose !
Le vieil homme, qui avec sa longue barbe blanche,
ressemblait à un magicien, siffla, et la colombe Meringue ainsi que le renard Pain
d’Epice apparurent.
Le vieil homme leur demanda d’aller voir au château
ce qu’il était advenu de monsieur Tatin.
Meringue et Pain d’Epice s’exécutèrent.
A leur retour, ils apprirent à Charlotte et au vieil
homme, la bonne nouvelle : le comte Crumble, trop occupé à gérer son
royaume, ignorait que son fils le prince Adrien avait enfermé Charlotte.
Quand monsieur Tatin fut amené, blessé, à son
château, il fit appeler son docteur personnel, le docteur Eclaire au Chocolat,
pour le soigner. Le père de Charlotte, monsieur Tatin, lui raconta toute
l’histoire.
Le comte Crumble fit également soigner son fils, le
prince Adrien, qui arriva au château peu après monsieur Tatin, avec un mal de
dos qui dura des mois. C’était son fils après tout.
Le comte Crumble, qui au demeurant était un homme de
bien, juste et bon, présenta ses plus plates excuses à monsieur Tatin pour le
mauvais traitement infligé à lui et à sa fille, et il gronda son fils pour son
mauvais comportement.
Le mariage fut annulé et le prince Adrien fut privé
de dessert pendant deux semaines, ce qui, en définitif, s’apparente à une
sanction bien faible, si nous la comparons au préjudice causé.
Charlotte put enfin revenir dans sa chère ville de
Breuillet.
Une saison passa, Charlotte ne manquait pas de
visiter régulièrement le vieil homme, auquel elle offrait toute sorte de
viennoiseries préparées par ses propres soins.
Un beau jour, alors qu’elle s’était rendue chez le
vieil homme, un jeune homme se présenta à eux, c’était le fils du vieil homme,
qui revenait d’un long voyage dans un pays lointain.
Le jeune homme et Charlotte tombèrent fous amoureux.
Le vieil homme était-il vraiment magicien ? Et aurait-il fait boire un
filtre d’amour aux deux jeunes gens ? Voilà ce qu’une rumeur colporta,
pour ceux qui voulurent y prêter attention.
Il est vrai en revanche, que Charlotte et son beau jeune
homme se marièrent peu de temps après ; et que le père Tatin, aidé du
comte Crumble, organisèrent, à cette occasion, une très belle fête, à laquelle
le prince Adrien ne fut pas invité.
Enfin réunis dans cette belle ville de Breuillet,
auprès du père Tatin, de Mille-Feuilles, de Meringue et de Pain d’Epice, Charlotte
et son mari vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.
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