J'ai une bonne nouvelle. Ça
commençait toujours comme ça. Généralement, il fallait se méfier quand elle
commençait par « j'ai une bonne nouvelle. »
Évidemment ça n'avait rien de bon.
C'était simplement le moyen de se donner du courage.
Alors elle reprenait, avec son
sourire, et son tailleur noir.
«J'ai une bonne nouvelle Monsieur
Boisson ! J'ai trouvé quelque chose pour vous.
- Formidable…
On avait toujours quelque chose
à lui proposer. Quelque chose d'inédit, oh bien sûr, ça ne répondait bien
souvent pas aux attentes, mais, Madame insistait, en précisant que c'était une
« opportunité idéale».
Jean continuait à la regarder, amusé
de son embarras, de l'espèce de timidité juvénile qui l'a trahissait dans
chacune de ses phrases.
« Un poste d'animateur dans une
grande surface. Une très bonne rémunération ! des horaires agréables. Même
si c'est provisoire, je pense que ça vous correspond, vous avez trois ans
d'expérience en vente, plus votre poste de directeur, sur votre CV vous
mentionnez même que vous avez pratiqué le théâtre. Vous êtes fait pour le
contact humain. »
Effectivement, Jean avait pratiqué
le théâtre jusqu'à ses 20 ans. Il était maintenant difficile de le nier, et
puis à quoi bon démentir, essayer de s'échapper. Il ressentait incidemment une
certaine tendresse pour cette femme. Il aurait encore une fois essayé d'être
malhonnête, de dévier la conversation pour se sortir de cette impasse. Et puis
il connaissait la règle-il ne pouvait plus refuser maintenant…
« Vous savez pour votre
chômage ?»
Oui, il savait pour son chômage.
Trois refus et puis...il commencerait lundi. Animateur. Dans quelle
connerie il s'embarquait...
Sur le parking il y avait beaucoup
d'agitation. Deux voitures s'étaient rentrées dedans. Le ton montait, on allait
se battre sans doute.
Un des types hurlait dans une langue
inconnue. Il se déplaçait d'avant en arrière en désignant l'arrière de son
véhicule. Une légère rayure, rien de dramatique.
Un homme obèse l'écoutait, il
devenait de plus en plus rouge.
« Elle a rien ta caisse le
nègre ! Tu vas la fermer ta grande gueule ! ». Les deux types
finirent
pas s'empoigner. Et puis des coups.
L'obèse s'agitait avec une espèce de frénésie mystique.
Pendant que Jean observait la scène,
un individu était venu se placer à côté de lui. Des yeux globuleux, injectés de
Ganja.
« La misère humaine man…. Ces
types vivent dans la colère. »
L'homme était à peine discernable
derrière le nuage de fumée qui l'entourait. Il continuait à parler, inaudible.
« Pardon Monsieur ?
-T'es au chôm' toi aussi ?
- Oui...c'est important ?
- Non, c'est juste que t'as pas trop le profil…
- Ah bon ?
- Ouais, les mecs en blazer comme
toi, les anciens patrons, ils viennent pas ici, ils ont trop honte. »
Effectivement, maintenant qu'il y
songeait, Jean s'apercevait combien sa présence apportait quelque chose
d'exotique au tableau.
On lui avait donné rendez-vous le
lundi suivant, à 7h30. On l’avait prévenu, il y aurait un rapide briefing
et puis il se lancerait, il ne fallait pas perdre de temps.
Le garçon au téléphone s'était
montré assez évasif sur la nature de l'animation.
« C'est pour le stand DOM-TOM».
En fait, il s'agissait d'un remplacement, l'animateur martiniquais s'était
blessé. Bien sûr il n'y avait rien à apporter, on lui fournirait les costumes.
La présentation se faisait dans le
bureau du sous-directeur; un homme extrêmement nerveux, qui parlait avec un
cheveu sur la langue mais ne semblait pas s'en rendre compte.
« Voilà voilà, installez vous!
Catherine tu as le déguisement ?
Une femme arriva en courant avec un
chapeau de paille et une chemise à fleur.
«Voilà Jean, vous aurez ça sur la
tête durant la durée de l'animation. »
Jean se retourna vers le miroir. Le chapeau était énorme, grotesque.
« Magnifique » lança le
sous-directeur, « Du plus bel effet ! »
du plus bel effet ? ma
main dans ta gueule, c'est du plus bel effet aussi ? Jean avait pensé ça avec
une rage folle, vengeresse.
Les consignes étaient maintenant
claires, il s'agissait de présenter un stand « produits tropicaux » avec
fruits des îles et Rhum arrangé. Le sous-directeur avait été impératif. On
allait le peinturlurer de noir, pour
faire « plus réaliste. »
« Vous êtes sûr patron ? le peindre
en noir ? » L'assemblée demeurait perplexe.
- Oui oui, il faut faire exotique,
il faut qu'il soit noir ! Vous danserez aussi avec un accent créole. Vous
savez prendre l'accent créole ?
Jean tenta de bafouiller quelques
mots. On se regardait étrangement dans la salle de réunion.
Qu'est-ce que c'était que cette
connerie ? Ils n'auraient pas pu prendre un vrai noir ?
« Voilà comme ça très bien : « Rwom
et Cacaoo...» « Biscuit et GWenade». Allongez bien les consonnes et
arrondissez-les». Le sous-directeur était hilare, visiblement très fier de son
idée.
Jean se mit à arrondir sa bouche
avec exagération. Les sons sortaient ; dissonants, improbables.
« Wo wo wo Mesdames et Messieurs,
Wenez sentirrrre le Pafum exotique de nos îles. »
La secrétaire décida de ce moment
pour lancer la musique.
Jean commenca la chorégraphie, en
rythme avec les danseuses. Le patron voulait quelque chose de très festif, de
très coloré, avec des lancers de chapeaux et des saute-mouton.
Le final serait un remake des
serviettes de Patrick Sébastian. Jean était chargé de tournoyer en agitant ses
tongs autour de sa tête.
Au moment du troisième pas, le
refrain commencait :
« C'est moi Cyprien le Martiniquais
Venez goûter mes petits produits
Mon tendre rhum et mon petit lait
Pour délecter vos papilles ».
Jean avait signé. Il relisait
doucement le document, assis derrière son bureau. Etait-il possible
qu'il ait signé pour ça ?
En faisant le calcul, ça faisait
3000 euros pour la saison, c'est-à-dire Juillet Août. Il allait pouvoir
rembourser une partie de la dette.
Après, il resterait les frais, toujours ces frais.
La dernière fois, le banquier
s'était montré pressant. La situation devenait, selon ses mots,
« délicate» voir même « dangereuse ». Il avait
rapidement compris le message, il n'était plus un client ni désiré, ni
supportable.
Et toujours cette bonne nouvelle.
Combien de fois lui avait-elle dit ça ? « j'ai une bonne nouvelle pour vous.»
Et Jean le rapportait au banquier en espérant que cela aurait un effet
psychologique.
« Figurez-vous… une bonne nouvelle…
un salaire stable !»
Et alors les mots : Salaire,
Stable, Emploi, éclairaient le regard du banquier. Et puis, l'air embarrassé
revenait. Non, ça n'avait été qu'un espoir...
« Vous m'aviez pourtant assuré
Monsieur ….» « C'est délicat pour moi… votre situation est précaire. »
Le banquier faisait toujours ce
mouvement étrange des lèvres pour signifier son embarras.
Maintenant, son visage semblait
avoir imprimer ce mouvement. Il ouvrait sa porte à Jean et
ne souriait même plus, il plissait
immédiatement les lèvres, en secouant la tête avec un air inquiet.
Évidemment, les informations
n'avaient pas fuité. Jean n'avait pas l'intention de d'exposer fièrement sur
Facebook déguisé en barman créole.
Il avait rapidement détourné la
conversation, quand Léa lui avait demandé où il en était.
Drôle de question d'ailleurs. Où
j'en suis. Il avait envie d’être désagréable devant ce vide existentiel.
Breton même était moins pragmatique quand il demandait « Qui
suis-je ? ». Oui, savoir « Qui suis-je » ou « Qui je
hante ?» ça, ça avait du sens, mais « Où j'en suis ? »…. Quelle
dérision. J'en suis à la moitié du chemin. Après il y aura la vieillesse, puis
la mort. Oui, j'en suis à peu près là. C'était ça qu'il pensait.
Non, il n'avait pas de travail. Non,
il n'avait rien trouvé. Même pour la saison. Évidemment, quand
tout sera fini, il aura peut-être le
courage de revenir là-dessus, d'en parler. « J'ai fait ça pendant deux mois,
pour gagner ma vie. » Quand tout sera fini. Mais là non, après sa vie,
après ce qu'il avait fait, on ne pouvait pas se salir comme ça, souiller son
honneur de cette manière.
Fabrice l'avait appelé pour essayer
de le réconforter. Il abordait toujours des questions compliquées
et, à vrai dire, assez obscures.
« Mais tout cela c'est Politique »
lui disait-il. « Le problème c'est que le système ne fonctionne plus » «
Il faut changer notre système ». Il avait bon dos le système.
Alors tout de suite après, Jean
décrochait. Fabrice s'emportait. C'était une mauvaise gestion du capital. Et
avec un président comme ça aussi, Le monde du travail est saturé!
C'étaient encore des complications,
des affaires politiques auxquelles Jean était totalement hermétique. Il n'avait
jamais envisagé qu'on puisse être militant de quoi que ce soit.
Ces cris, ces sursauts, c'était du trompe-la-mort
comme il disait, une manière d'oublier qu'a la fin, c'est le trou qui nous
attend.
Fabrice continuait, on ne pouvait
plus l'arrêter. Il avait la solution, forcément. Ça passait par une
«rénovation sociale » et
surtout, donner le travail à ceux qui le méritent !
C'était agréable ce soutien amical.
Mais jean comprenait le décalage. Il fallait s'en sortir seul.
Les autes, c'était le débat, les
affaires, la vie continuait pour eux.
A peu près au milieu du mois du
Juillet, Jean fut pris pour la première fois de cette envie de se foutre en
l'air. Mais voilà, peut-être Dieu, peut-être la chance, on le rappelait
toujours au bon moment. Il y avait toujours une « bonne nouvelle » à
accueillir. Quelque chose qui l’empêchait
de se tirer définitivement.
Il croisa Maître Matthieu un peu par
hasard, dans les rues de C…
Il aimait bien se balader à C…parce
qu’il y avait toujours de jolies filles avec de magnifiques chevelures. Il
attachait une grande importance à la chevelure. Et déjà, même avant d'avoir lu
Baudelaire, c'est ce qu'il regardait en premier chez une femme.
Maître Matthieu l'avait interrompu
brutalement sur un trottoir. Il était radieux, bronzé, insupportable.
Naturellement, tout lui réussissait. Il n'y avait pas de maladies, ni de
chômage dans sa famille. Il devait sans doute digérer parfaitement ses huîtres
et présenter un bilan hépatique exemplaire...
« J'ai une bonne nouvelle Monsieur
Boisson !
Encore ça ! L'avocat attendait
une réaction à ce qui lui semblait être une « Surprise ».
- Ah oui ?
- Oui, les négociations avancent, la
première offre de pension était injustifiable !
- Combien ?
- Étant donné votre chômage, il est
évident que vous ne pouvez plus assurer les frais de scolarité de votre enfant.
L'avocat commençait à s'investir
dans l'affaire. Le divorce de Jean devenait SON divorce. SON combat. Il mit
soudain une rage improbable dans son expression.
« Non mais attendez, pour qui
elles se prennent ces gonzesses, méfiez vous Monsieur Boisson !
Je connais mon métier, si vous
n’êtes pas ferme, elle vous bouffera. Vous vous ferez piétiner. Le système ne
vous est pas favorable.
- Oui…merci... Jean s'étonnait de
cet engagement soudain. L'avocat devenait de plus en plus violent.
- C'est une vengeance du sexe
féminin ! C'est un sexe faible, vicieux. Elles sont dévorées par cette
honte originelle de ne pas avoir de Pénis, alors se vengent. Il y a des choses
très intéressantes à lire là-dessus ! »
Sans doute. Qu'est-ce qu'il fallait penser de
ce discours ? dans sa situation, Jean aurait naturellement était disposé à
acquiescer, à adhérer sans réserve à cette analyse. Mais, il éprouvait une
indifférence, voir même un mépris, pour cette vindicte odieuse.
Présenté différemment, il aurait
sans doute étudié la question, concédant qu'effectivement,
le sexe masculin, après 10 000 ans de domination s'effondrait soudain sous
la tyrannie sanglante de ces ogresses à chignons.
Mais l'avocat était
effrayant,écœurant. Il nourrissait dans son regard la flamme de l'illumination.
C'étaient encore des combats partisans que Jean ne désirait pas mener.
Il ne serait pas mort, lui, pour
défendre les prolétaires, ou la flamme Républicaine. Il y avait d'autres morts
souhaitables, d'autre morts honorables. Mais pas celles-ci. Pas pour des
idées.
Avant de partir, l'avocat évoqua
quand même ce qu'il appelait les « formalités ». Il s'agissait
de payer bien sûr, de cracher.
C'était les honoraires, il fallait voir ça avec la secrétaire. Enfin il
abordait ça avec un ton tout à fait détaché, comme il aurait parlé de ses slips
sales.
« Vous verrez la somme… mais ce
n'est pas pressé hein ». Non Non bla bla bla, Pas pressé, avec une bouche en
cul de poule ridicule.
Il était à baffer. Le type devait
chier des billets assurément. Évidemment grand con, c'est formel
tout ça. Et Jean pensait avec rage à
ce qu'il était devenu, pensait que, pour lui aussi, tout avait été formel.
Et que maintenant, maintenant que c'était la chienlit, tout devenait
déterminant.
Tout devenait, essentiel.
Le 8 Août était le grand jour, le jour
de la nouvelle « démo». Évidemment, les journées passant, jean avait
progressivement pris en assurance, il était plus fluide, plus jovial.
Il commençait à se persuader qu'il
était le créole, qu'il était Cyprien le Martiniquais descendant
des peuplades de l'Ogooué. Les gens
affluaient, se précipitaient, surexcités, sur le stand de dégustation. De ce
côté là, la direction était ravie. Mais on avait mis en garde l'équipe :
« Aujourd’hui c'est le rush.
Gros jour. On carbure. Jean à la démo- Sylvie et Manon aux cocktails.
On prévoit beaucoup de monde avec
les vacances. »
L'attaché marketing parlait
toujours très rapidement, par Onomatopées, comme un coach d'équipe de foot.
Enfin les plans étaient dessinés. C'était le jour réduc, on tombait bien, Jean
aurait des assistants, moins de travail donc...
Encore une bonne nouvelle
évidemment. Il fallait se réjouir, sourire, applaudir les efforts de la
direction. « Merci ! c'est très aimable.»
Le stand était effectivement envahi
par la population. Jean s’agitait de table en table au milieu des vastes
enceintes qui diffusaient continuellement le « Zouk». Un cuisinier était là
pour améliorer le show. Il élaborait de savants mélanges à base de coco et
d'acras.
L'assemblée était émerveillée. Les
ménagères se pressaient avec leur cadis pour venir se goinfrer
de beignets goyave. On criait, on
applaudissait.
Jean était survolté, méconnaissable
au milieu de la foule.
« Venez venez messieurs dames,
venez, Le wom pour les adultes évidemment». Avec toujours l'accent. L'assistant
stagiaire avait augmenté le son de la musique pour faire « chauffer
l'ambiance. » L'adolescent hurlait dans le magasin.
« Allez Allez on se bouge, On vient
faire la fête ». Il était écarlate, probablement ivre.
La scène devenait désolante, jean
s'en rendait bien compte.
Dans le publique aussi l’agitation
devenait excessive. On se poussait pour mieux y voir. Les enfants
couraient sous les chaises,
s’emplâtraient contre les rayons.
Au stand des confiseries, un mère
secouait son enfant par le bras, en faisant de grands gestes avec l'autre main.
« Touche pas à ça Yanis! J'ai dit
quoi ? j'ai dit quoi ? ». Elle continuait cet interrogatoire
avec un ton sec, une voix suraigu. L'enfant demeurait interloqué, visiblement
très inquiet.
Et puis les maris gueulaient
derrière. Non, il ne s'agissait pas de sortir du pognon pour «ces
merdes ». L'un d'eux eût même une crise de nerf- il s'indignait contre un
ennemi inconnu, promettait que, lui vivant, il ne payerait pas pour ces
conneries !
« Mais ils nous prennent pour des
cons ! Tu vas te faire pigeonner !
- Quel radin ! sa femme prenait
à témoin le publique. Regardez-le, non mais regardez-le ? »
La moment tournait au drame. Il y
avait matière à divorce.
Jean n'avait pas vu le coup venir.
Il aurait sous doute dû y songer. On n'était qu'à dix kilomètres après
tout...Et puis c'était naturel, elle, ici, avec des amis.
Pendant que l'assemblée d'hommes en
colère bandait les muscles, il avait cru voir ça, comme un mirage. La
tête qui apparaissait à vingt mètres de là...presque loin, presque invisible.
Après quelques secondes, évidemment,
il n'y a plus de doute. Un visage familier, dans une foule,
Il vous revient, il vous dit.
Jean l'avait reconnue. Elle était
là, radieuse, belle comme sa mère. Trois garçons et deux filles l'entouraient.
Le groupe s'approcha, pour voir.
Et puis évidemment rien ne pouvait
être évité. Les jeunes étaient tous très amusés, on avait des sourires
moqueurs, des sourires cruels.
Les jeunes s’agglutinaient
maintenant à deux pas de jean. Les ados beuglaient en secouant frénétiquement
les épaules, comme pris d'un fou rire mécanique.
Ils sautaient avec hystérie en
pointant du doigt l'animation.
« Regarde-moi ce
tocard ! » « Ah ah les guignols. Un clown ce type. »
On en était là, un clown. Jean n'y avait
à vrai dire jamais pensé, mais l'étiquette était parfaite.
C'était ça, il était devenu aux yeux
de sa fille un clown. Parce qu'évidemment, elle l'avait tout de suite reconnu.
Derrière cette singerie, ce carnaval. Et bien sûr, elle n'avait rien dit à ses
amis. Elle l'avait vu, puis s'était éclipsée. « je dois prendre quelque
chose ».
Elle pleurait. Ce n'était pas
tellement ce rôle, cette comédie. Après tout, saltimbanque, elle n'y voyait
rien de dégradant, elle aurait même pu éprouver une fierté devant cette
vocation artistique. Mais c'était le mensonge, la honte de son père qui l'a
rongeait soudain. Qu'il ait menti, qu'il ait choisi le silence, c'était ça
l'insupportable.
Alors tout revenait, un peu
aléatoirement, avec des chocs et sursauts dans son esprit. Lui aussi, Jean,
s'était montré Fier, plus que tout, Fier. Lui aussi revoyait, lui aussi
cogitait soudain.
Il se souvint alors qu'il avait eu
le même enthousiasme. « J'ai une bonne nouvelle les enfants. »
As-tu retrouvé un travail ?
C'était ça, le niveau de sa misère humaine, une course monotone qui
l'entraînait d'espoirs en espoirs, de désillusions en désillusions. Mais
c'était plus ça, c'était plus l'espérance. Les autres d'accord, ils mentaient,
l'avocat mentait, la conseillère du pôle emploi mentait.
Mais maintenant, c'était lui qui se
persuadait de ces mensonges. Il n'y avait pas, il n'y avait plus de
« bonne nouvelle ». D’Évangile. C'était ça la nudité. Jean était
revenu à poil.
Quand il croisa le regard de sa
fille, il sentit combien il avait perdu sa coquille. Il pouvait rester là,
comme un grand con, à assurer que tout irait bien, il avait du moins perdu
toute protection.
Il était Homme.
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