-
Devine qui j’ai vu, ce matin ?
-
J’en sais rien. T’es prête ? On y
va ?
-
Presque.
-
Comme d’hab, on va arriver les derniers.
Qu’est-ce que t’es lente ma parole !
-
…
-
Elle n’est pas trop décolletée cette
robe ? Tu voudrais pas mettre la bleue, plutôt ?
-
J’ai déjà mis la bleue la dernière
fois ! Et elle me boudine.
-
La bleue te va très bien. Avec celle-là,
t’a les nénés à l’air ! Tu sais comment est, Laura, elle va pas se priver
de bavasser derrière notre dos.
-
Et alors ?
-
Et bien j’aime que l’on respecte ma femme,
tiens !
-
C’est bien toi qui me l’a acheté cette
robe, c’est pour que je la mette, non ?
-
Oui, mais pour moi, pas pour que mes potes
se rincent l’œil.
-
…
-
Mets la bleue, va…
-
Tu n’as pas dit qu’on allait être en
retard ?
-
Il ne te faut pas des plombes pour changer
de robe, si ?
-
…
-
Voilà, c’est mieux. En moins de cinq
minutes en plus ! Tu vois quand tu veux.
-
…
-
J’appelle l’ascenseur, ferme la porte.
-
…
-
Il est énorme ton sac à main. Qu’est-ce
que tu peux trimballer d’inutile pour sortir dîner !
-
…
-
Qu’est-ce qu’il fait cet ascenseur ?
C’est encore le môme du troisième qui joue avec, ou le couple du quatrième qui
monte des meubles pour la vingtième fois.
-
Ils emménagent, c’est normal. Ils sont
gentils comme tout.
-
Avec toi, tout le monde est gentil.
-
Mais non…
-
Là quand même c’est abuser ! Ils
monopolisent l’ascenseur. Je vais demander à ce qu’on leur augmente les charges
de copropriété à ceux-là !
-
Tiens, le voilà ton ascenseur ! Au
fait, tu n’as pas répondu : devine qui j’ai vu ce matin ?
-
…
-
Lucas, le fils de Madame Foulet.
-
La boulangère ?
-
Oui, tu sais, celui qui était parti faire
ses études en Asie.
-
Si tu le dis…
-
Mais si, une thèse de physique quantique.
-
….
-
Il est rentré depuis un mois apparemment.
-
Ah, super, super… Et alors ?
-
Et alors rien, c’était juste pour
bavarder.
-
Et bien quand tu bavardes, essaie au moins
de trouver des sujets intéressants. Allez, monte en voiture, traine pas.
-
…
-
Ne boude pas, t’es pas jolie quand tu
boudes. Ça fait ressortir tes rides du front.
-
…
-
Allume la radio plutôt.
-
…
-
…
-
Il a bien changé le petit Foulet, tu
sais ?
-
Non, je ne sais pas, non !
-
Il est devenu un homme maintenant. Ces
études à l’étranger, cela murit.
-
Ha ?
-
Madame Foulet doit être bien fière de son
fils.
-
Du moment qu’elle fait du bon pain…
-
…
-
Mais qu’est-ce que t’as à gigoter comme ça
sur ton siège, t’as des puces, ma parole !
-
Rien, c’est le cuir, ça me colle le dos.
-
T’as qu’à mettre un truc dans ton dos et
arrêter de bouger comme ça, ça me stresse. Et quand je conduis, je déteste qu’on
me dérange.
-
…
-
…
-
Tu sais de quoi il m’a parlé Lucas ?
-
Qui s’est Lucas ?
-
Le fils Foulet !
-
Non, ça je ne sais pas non !
-
Il m’a parlé de l’Asie. De tous les
endroits qu’il a visités. Il en a vu des choses…
-
Qu’est-ce qu’il t’a fourré dans la tête,
celui-là ! Quel besoin tu avais de perdre ton temps avec le fils de la
boulangère !
-
J’ai pas perdu mon temps !
-
La preuve que si, puisque tu m’emmerdes
depuis tout à l’heure avec tes histoires. T’as rien de mieux à faire de tes
journées ?
-
Je l’ai rencontré par hasard…
-
Et tu n’avais qu’à passer ton chemin, de
toute manière je n’aime pas quand tu parles à des inconnus.
-
C’était le fils de Mme Foulet, pas un
inconnu.
-
Et alors ? Je t’interdis de lui
parler à nouveau.
-
Mais pourquoi ?
-
Parce que nous on n’est pas de ce monde.
On est des gens du peuple. On ne fait pas de physique machin-chose, on ne va
pas en Asie. Attrape le CD dans la boite à gants, y’a rien à cette fichue
radio.
-
Je n’aime pas trop ce CD…
-
Tu aimes, tu n’aimes pas… Tu changes
d’avis tout le temps de toute manière, quelle importance.
-
…
-
…
-
Justin. Je me disais qu’on aurait pu voyager
un peu…
-
Putain. Encore cette histoire d’Asie. Ça
t’a tourné la tête ma parole.
-
On aurait pu voir un peu de pays nous
aussi, se faire plaisir…
-
Mais t’es maboule ou quoi ? Tu crois
que je peux arrêter de bosser pour aller me promener à travers le monde ?
Comme ça, parce ce que j’en aurais envie ?
-
Non, mais…
-
Tu crois que j’ai pas des responsabilités
envers le patron ?
-
Si mais…
-
C’est ça que tu penses, hein, que mon
boulot n’a pas d’importance parce que moi, j’ai pas fait d’études de
physique-je-ne-sais-quoi ?
-
Non !
-
Et c’est qui qui va les payer tes jolies
petites robes, hein ? Pas toi, c’est sûr !
-
C’est toi qui m’as demandé d’arrêter mon
travail après notre mariage.
-
Tu crois que j’allais te laisser aller
tous les jours te pavaner devant tes collègues plutôt que de m’attendre
gentiment quand je rentre le soir. Allez, tu es mieux à la maison qu’à ce
travail minable.
-
J’aimais bien. Je pourrai reprendre un
emploi.
-
Tu ne sais rien faire. Qui voudrait de
toi ? Monte le son, je l’adore celle-là !
-
…
-
…
-
Tu étais plus gentil avant qu’on se marie,
tu me disais que j’aurai la belle vie.
-
Encore à te plaindre, la rengaine
habituelle ! T’es chiante, c’est pour ça que j’ai pas envie d’être
gentil !
-
…
-
…
-
Je m’ennuie, Justin.
-
Tu t’ennuies, c’est la meilleure
celle-là ! Je me casse le cul 15h par jour pour lui assurer une vie de
princesse et elle s’ennuie !
-
Mais depuis 3 ans qu’on est marié, on ne
fait jamais rien.
-
Une petite ingrate, voilà ce que tu
es !
-
Tu bosses, tu bosses, et je ne sors
jamais.
-
Je te sors ce soir !
-
Chez tes potes !
-
Et bien quoi, ils sont très bien mes
potes.
-
…
-
Lucas m’a parlé de plein d’endroits à
visiter.
-
Il me court sur le système ton
« Lucas ».
-
Ahhhh, attention !
-
…
-
Le feu était rouge.
-
T’as eu la trouille, hein ?
-
Regarde la route, s’il te plait.
-
Tu vois, tu me mets en colère, tu m’obliges
à faire m’importe quoi.
-
On a failli rentrer dans le camion.
-
Il assure ton Justin, t’angoisse pas.
-
Je n’aime pas quand tu conduis comme ça,
ça me fait peur, tu le sais.
-
Il ne fallait pas me mettre en
colère ! C’est ta faute ! Arrête de me chercher, sinon…
-
Ahhhh !
-
Tu vois, je peux en griller plein des
feux, si t’es pas bien gentille avec moi.
-
Moins vite s’il te plait.
-
T’as peur hein ? C’est bien fait, ça
te fera réfléchir à ta conduite. Ne me met plus en colère et laisse-moi écouter
la musique.
-
…
-
…
-
Justin, à propos de Lucas.
-
Encore ! T’as pas compris que tu
devais la fermer, on est presque arrivé. Je vais être en rogne avec mes potes.
-
Arrête-toi !
-
Qu’est-ce qu’il te prend ? Leur
maison, c’est la rue d’après.
-
Arrête-toi, je te dis.
-
Ne me dis pas que tu vas être malade et
gerber sur mes sièges en cuir !
-
ARRETE-TOI !
-
Ok, ok, ne salis pas la moquette. Là,
vas-y sors !
-
Tu vois cet immeuble, là ?
-
Oui !
-
C’est là que Lucas habite, il m’attend, je
te quitte Justin.
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