Devine qui j’ai vu
… ?.
Perdu sa trace depuis plus
de 20 ans j’appréhendais qu’il le soit « corps et âme », égaré pour
toujours, le « perdreau ».
Une « figure »,
un personnage hors du commun d’une commune extraordinaire.
« Versaïaïaiaïlles »
prononçait il toujours, la bouche en cul de poule.
L’homme ne manquait pas de
classe, son manteau en poils de chameau sur les épaules, porté comme une cape
royale. Son logis à côté des grilles dorées, datait de l’époque du château,
pièces étroites, très hautes de plafond. Tout le confort dehors, dans le
couloir.
Son compagnon était un
chien de race improbable qui bavait beaucoup plus que ses congénères à face
écrasée, suite à un accident , passé, petit, au travers du pare-brise.
Il était de tous ses
déplacements au grand dam de ses relations qui l’invitaient ou qui partageaient
sa table.
Apercevoir « le
trésor à son papa » qui arrivait, en dodelinant, des stalactites de bave,
tremblotantes, comme des guirlandes de sapin de noël, sous les bourrasques, au
museau, puis qui passait, placide, sous la table pour en ressortir les
alentours des babines et la « truffe », sèches, faisait se reculer
d’un bond brusque l’ensemble des convives.
Oui, pour constater
« l’heureux élu » récolteur, sur ses bas de pantalon.
« Ne vous inquiétez
pas ! » rassurait notre homme avec une placide bonhommie, « ça
ne tache pas ! ».
Maigre consolation.
Une variante, le facétieux
canin par ailleurs câlin, parfois s’ébrouait violemment. Ses « ornements
baveux » décrivaient un gracieux périple dans les airs pour atterrir,
souvent, au revers d’une veste, sur une épaule, une cravate. Ruban scintillant
comme en portent encore les huissiers introducteurs.
Il perdait aussi,
beaucoup, beaucoup, ses poils.
Le siège passager de la
voiture de notre ami était sa place attitrée. Chasse gardée. Annexe de sa
« niniche ».
Un directeur suisse, en
inspection, doit reprendre son avion. De passage au bureau, notre camarade est
hélé, réquisitionné pour jouer « Jo le taxi ». Vêtu d’un blazer de
tailleur réputé, bleu marine, impeccable, voir s’éloigner ce haut cadre de
direction, attaché-case en main, vers les portes de « Départ » de
l’aéroport d’Orly, avec le dos gris, duveteux comme doublé de laine angora ou
les épaules d’un gorille vieux mâle dominant, n’était pas sans un certain
charme.
Une fois, avec un autre
passager de sa hiérarchie professionnelle …
Le chien frustré d’être
contraint de coucher à l’arrière, s’obstinait à poser sa tête sur l’épaule de
l’impudent imprudent intrus, usurpateur de siège. Inutile de chercher à s’en
débarrasser, se retourner pour le repousser ajoutait le risque d’un lumbago.
Pour rien. Oui, l’épaule choisie pour y poser sa mâchoire était
spongieuse-gluante, à l’arrivée.
Place reprise aussitôt par
son légitime occupant, dans la foulée, avec force soupirs, grognements
jubilatoires de soulagement.
Le fauteuil chaud appelant
à une sieste réparatrice sinon consolatrice. Roulé en boule. Béat.
Le plat accepté pour ses
repas se composait uniquement de steak haché frais et de tagliatelles larges
tièdes. De vulgaires nouilles ou des spaghettis voyaient après un instant
d’inspection stricte, se faire refouler hors gamelle, une patte dedans pour
l’immobiliser, le museau repoussant l’ensemble sur le tapis ou la moquette.
Un tantinet énervé, pour
montrer une désapprobation exacerbée, un autre coup de maître longuement
peaufiné : une frappe sèche de la patte sur le rebord du récipient qui se
retournait alors, sur le sol.
Un esthète, gastronome
habitué, tête de mule pour tête de Turc.
Partager leur chambre
était une expérience passionnante pour un diéséliste ou un ethnologue. L’homme
et la bête ronflaient à contre temps, pas dans la même tonalité, ni sur le même
tempo. Un bruit chaotique par saccades et vibratos, continu. Fortissimo.
Coucher dans la chambre mitoyenne dans sa résidence de Normandie te
garantissait les mêmes insomnies. Pas de compagne connue, il partageait son
appartement avec un ami gérant d’une boutique de fleurs. De mauvaises langues
se faisaient, la mine gourmande, les auteurs de plaisanteries gaillardes sous
entendant des amours « hors norme » pour l’époque. Cette rumeur ne
l’inquiétait pas. Mieux, le laissait de marbre comme celui de Carrare. Un cas
rare, sinon particulier comme certains amours.
Ils fréquentaient
« la comtesse » surnom donné à une richissime veuve, esseulée, de
leur connaissance.
Une vaste propriété en
lisière de forêt domaniale. Pas de domestiques qu’elle ne savait conserver du
fait d’un caractère tyrannique. Un peu cleptomane, non par manque de moyens
mais par vice, occupation, brin de piment dans son quotidien tristounet. Les
commerçants habituels laissaient faire et nos compères revenaient plus tard
dédommager, discrètement en se faisant une « marge » lors du remboursement,
négocié âprement.
Une phrase que j’adorais
car elle mettait en rage, le partenaire de mon copain quand ils arrivaient chez
elle. L’ami portait sa blouse grise, de travail. « André ! vous
déposerez votre manteau au vestiaire s’il vous plaît » afin de le contraindre
à retourner se débarrasser de cette tenue « plébéienne » pour le
moins incongrue, en ces lieux plus que « bourgeois », chez elle.
Par plaisir du scandale,
au restaurant ou nous dînions à quatre, invités, elle ne commandait qu’une ½
bouteille de vin, d’un excellent cru. Au bout d’un moment, le plus assoiffé
d’entre nous s’autorisait la réclamation d’un autre flacon, souvent un 3ème
. A la fin du repas, l’addition présentée … l’examen de la « maîtresse
femme » … un silence pesant puis un ordre crié, indiscutable, « appelez-moi
la direction ! ». Affolement du personnel, un chef de rang ou le
maître d’hôtel accourait pour se faire morigéner de belle manière :
« je n’ai commandé qu’une seule bouteille et vous osez m’en facturer
trois ! ».
Un grand classique semant
l’émoi dans les restaurants huppés de la ville royale.
Même scandale quand un
client passant dans notre allée, osait négligemment, par mégarde, écraser sa
cigarette dans notre cendrier en bout de table. Hurlements de protestations,
réprimandes pour l’intrus profanateur, « sans la moindre éducation »,
exigence immédiate du remplacement du réceptacle à mégots de nos propres
cigares.
Ne pouvant conserver un
personnel tyrannisé qui se vengeait en la volant, elle payait une relation
« fauchée », comme chauffeur pour visiter sa mère très, très âgée,
qui s’étiolait en province lointaine. Certainement en « maison »
moins onéreuse que dans le département des Yvelines.
A cette occasion nous
avions gardé sa demeure un week end afin de nous occuper des chiens et de
dissuader les voleurs. Notre défraiement investi dans la pâté pour les toutous
dont les menus étaient plus onéreux que l’enveloppe prévue à cet effet. Des
titres, des chèques, des actions traînaient sur la table du salon fermé par des
grilles mais accessible aux intimes.
Provocation ou mise à
l’épreuve ?. J’oserai « négligence » … pure et simple.
Dans ses rangements des
dizaines de paires de chaussures souvent neuves de même pour ses fourrures, à
même de rhabiller tout un zoo tondu.
Un soir, invité à dîner
chez nos compères, la « Comtesse » s’était mise sur son
« 31 ». Parée de (presque) tous ses bijoux, tout du moins ceux qui
pouvaient encore « trouver place ». A un moment ou la conversation
flottait un peu, elle pose la question en tendant son bras décharné :
« savez-vous pour combien d’argent il y a … là ? ».
Silence … Elle annonce une
« fourchette » de prix qui fait tâter du pouce l’affût des couteaux à
viande des convives peu habitués à faire leur shopping chez les joailliers de
la place Vendôme.
Une bague s’est un jour
perdue dans le « foutoir » du véhicule-break du
« collègue », son chevalier servant. Retrouvée tardivement et
restituée, par notre ami. Non ?. Si !.
Notre homme venait par ce
fait de se voir promettre l’héritage d’un paquet d’actions d’une marque de
bière connue. Elle n’avait pas d’héritier à part l’Etat.
A sa mort il a attendu des
jours la convocation chez le notaire. Il doit l’attendre toujours …
Retrouvé par pur hasard
dans le centre commercial « Parly II », hélé … Il n’a pas daigné être
reconnu ... J’aurais pourtant aimé savoir s’il avait repris un autre
compagnon ? … Un ami ? non, un chien.
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