« Devine qui j’ai vu mourir hier soir. Devine qui j’ai pris plaisir
à torturer dans la nuit et qui a survécu ce matin. Devine qui je suis et qui je
tuerai demain. Devine bien et devine vite ! Parce que le sang continuera de
couler... »
Clara-Belle entendait les deux
jumelles, d’environs huit ans, chanter cette étrange comptine tout en se
balançant sur une balançoire à bascule. Elles bougeaient au ralenti et elles
lui souriaient en disant ces vers atroces, seules dans le parc. Elle n’arrivait
pas à comprendre comment elle était venue en cet endroit lugubre, mais elle
tentait de s’en éloigner, sans succès. La comptine qui résonnait en boucle,
sans jamais s’arrêter. Les fillettes qui lui souriaient en la fixant d’un
étrange regard. L’isolement dans lequel elles se trouvaient…
Tout cela s’avérait bien
mystérieux et inquiétant. Elle devait absolument comprendre ce qu’elle faisait
à cet endroit ! C’est à ce moment qu’elle remarqua l’épaisse brume qui était
présente dans le parc. Cette brume semblait monter du sol pour envahir les
alentours. Tout à coup, Clara-Belle ne vit plus les deux fillettes. Elles
avaient quitté leur balançoire à bascule, mais elle ne pouvait discerner où
elles étaient allées, sûrement cachées par le brouillard. Elle avait beau se
promener dans tous les coins et recoins du parc, elle ne les apercevait nulle
part…
Pourtant, elle entendait
toujours la comptine macabre, « Devine
qui j’ai vu mourir hier soir… », chanter en boucle par ces
angoissantes fillettes, mais le son semblait émaner de partout, comme s’il se répercutait
par des montagnes, toutefois il n’y en avait aucune dans les environs. Des
rires d’enfant vinrent se mêler à la litanie, ajoutant encore plus d’horreur à
l’ambiance déjà en place. Alors qu’elle faisait, une fois de plus, le tour du
parc, elle entendit le ricanement déformé et grave dont la source demeurait un
mystère, mais qui lui glaça littéralement le sang dans les veines…
Paralysée d’effroi, Clara-Belle
chercha frénétiquement les deux jumelles afin de les protéger de l’homme d’où
émanait ce rire guttural et terrifiant. Mais plus elle fouillait l’endroit des
yeux, plus elle avait l’impression de s’enfoncer dans cette ambiance digne des
meilleurs films d’horreur, se retrouvant bientôt entourée que d’une brume
épaisse et glauque. Le parc avait disparu, les rigolades des fillettes et
d’autres plus inquiétantes se mêlaient à la comptine, ce qui eut pour effet de
la mener à la limite de la folie. Tentant de maîtriser son angoisse, elle essaya
de comprendre où elle se trouvait et la raison de sa présence en ces lieux…
Toutefois, malgré tous ses
efforts, elle finit par ne plus être en mesure de se contrôler, complètement
terrifiée, et se mit soudainement à courir en hurlant, pour s’éloigner de cette
chanson macabre chanter en une boucle infinie, des fillettes fantomatiques et
effrayantes, de ces rires à glacer le sang et de cette brume enveloppante qui
lui donnait la chair de poule. Cependant, elle avait beau se hâter et galoper,
elle n’arrivait pas à savoir si elle avançait ou si elle demeurait sur place
tant le brouillard l’empêchait de voir quoi que ce soit…
« Devine qui j’ai vu mourir hier soir. Devine qui j’ai pris plaisir
à torturer dans la nuit et qui a survécu ce matin. Devine qui je suis et qui je
tuerai demain. Devine bien et devine vite ! Parce que le sang continuera de
couler... »
Elle s’arrêta donc après
quelque temps, épuisée et tremblante. Elle se sentait piégée dans cet endroit
maudit, ressentant l’oppression presque physique de l’atmosphère lourde et
sinistre dans laquelle elle évoluait depuis son arrivée en ces lieux.
Découragée, elle s’assit à même le sol afin de réfléchir à ce qu’elle vivait.
Premièrement, comment avait-elle atterri ici ? Puis, pourquoi devait-elle se
trouver en ce parc abandonné ? Lorsqu’elle aurait découvert les réponses à ces questions,
elle était convaincue qu’elle pourrait enfin s’expliquer le reste…
Elle se concentra donc pendant
un long moment afin de tenter de provoquer un quelconque souvenir. Un flash
passa alors en son esprit, une image nette de l’instant où elle avait quitté
son emploi et se rendait à sa voiture. Elle se rappelait avoir travaillé la
veille, ou plus tôt dans la journée, puis qu’il lui était impossible d’évaluer
à quel moment elle s’était retrouvée ici. Elle sentait qu’avec toutes les
perturbations incompréhensibles qui se passaient en ces lieux, le fait qu’il
faisait sombre ne permettait pas pour autant d’affirmer que c’était la nuit…
Par conséquent, Clara-Belle ne
pouvait avoir aucun indice de temps, mais si elle arrivait à ressortir tous ses
souvenirs depuis celui où elle se rendait à sa voiture, elle finirait par
savoir pourquoi et comment elle s’était retrouvée en ces lieux. Subitement, les
jumelles surgirent de la brume tout près d’elle, lui souriant en la fixant du
regard et poursuivant leur petite ritournelle, avant de disparaître à nouveau.
Qui était ces fillettes ? Que faisaient-elles dans un endroit aussi lugubre ?
Pourquoi étaient-elles seules ? Pourquoi sont-elles si étranges ? Un millier de
questions sans réponses…
Elle avait donc terminé son
travail et s’était rendue à sa voiture. Mais que s’était-il passé par la suite
? Elle avait beau se creuser la tête et retourner les informations qu’elle connaissait
dans tous les sens, elle n’arrivait pas à faire ressurgir de nouveaux
souvenirs. Quelques minutes plus tard, alors qu’elle se concentrait, les yeux
fermés, elle vit le visage d’un homme qu’elle ne connaissait pas. Était-ce un
kidnappeur ? Elle n’en savait rien, mais c’était la première fois qu’elle
envisageait de ne pas être venu dans ces lieux par elle-même et contre son gré…
À la lumière de cette nouvelle
découverte, elle se demanda pour quelle raison cet homme aurait eu avantage à
l’emmener jusqu’à cet endroit pour l’y abandonner. Et quel rôle tenaient les
jumelles dans tout cela ? À nouveau, elle tenta de quitter ce parc infernal,
s’éloigner de ces chants lancinants et obsédants, « … le sang continuera de couler... », et essayer de se
protéger de l’être démoniaque qui ricanait d’une façon lugubre avec les enfants,
mais en vain. Épuisée et ennuyée devant toutes ces questions sans réponses,
elle se trouva un endroit confortable et se coucha afin de sommeiller au moins
quelques heures…
Outre un peu de fatigue rattrapée,
dormir ne lui permit pas le moindre moment de répit puisque ses rêves furent peuplés
de fillettes chantant la comptine, d’ombre noire et terrifiante, de brouillard
et de quelque chose qui courait après elle, sans vraiment savoir de quoi il
s’agissait. Elle s’éveilla donc subitement, sans avoir pu calmer les conflits intérieurs
et la folie qui semblaient vouloir s’emparer d’elle. Une fois complètement
remise, elle se leva et tenta à nouveau de quitter ce parc de jeux maléfique.
Elle marcha ainsi des heures, des jours, des semaines, des mois ou peut-être
même des années…
Toujours plongée dans le noir,
il lui était impossible de savoir s’il faisait jour ou s’il faisait nuit, ou de
compter le temps qui passe, mais Clara-Belle se sentait comme si cela faisait
des siècles. Elle continuait de voir les deux fillettes s’amuser dans le parc,
sauter à la corde à danser ou tout simplement se tenant par la main sans que
leur comptine ne s’arrête qu’un seul instant. Ces dernières demeuraient
toujours tout sourire et la transperçaient d’un regard intense et
déstabilisant. Elle ne comprenait pas encore leur implication dans tout ceci,
mais elle savait qu’elle en était des acteurs majeurs…
« Devine qui j’ai vu mourir hier soir. Devine qui j’ai pris plaisir
à torturer dans la nuit et qui a survécu ce matin. Devine qui je suis et qui je
tuerai demain. Devine bien et devine vite ! Parce que le sang continuera de
couler... »
Le rire guttural semblant
venir d’outre-tombe ou des entrailles de l’enfer se fit de plus en plus régulier,
contribuant ainsi au sentiment d’urgence et de danger qui la taraudait depuis
déjà un moment. La brume, toujours aussi opaque, demeurait présente, parfois
épaisse et compacte et occasionnellement effilochée comme le font quelquefois
certains nuages. Le ciel, où aucune étoile, aucun nuage, ni aucune lune n’était
visible, demeurait sombre en tout temps. La température subsistait, pour sa
part, complètement neutre. Aucun froid, aucune chaleur, aucune pluie, aucun
vent, une inertie totale…
Puis, tandis qu’elle perdait
de plus en plus la raison, elle eut de plus en plus de difficulté à séparer les
songes de la réalité. C’est ainsi qu’alors qu’elle s’éveillait, ou peut-être
l’avait-elle rêvée, elle se retrouva solidement liée sur une croix de bois,
posée en forme de x. Les jumelles se trouvaient devant elle et sautaient à la
corde. Regardant plus attentivement, elle réalisa que la corde à danser semblait
étrange, différente. Elles utilisaient des intestins !
Penchant la tête, Clara-Belle
vit son corps complètement éventré et les mètres de ses tripes sortir du creux
de son ventre pour courir sur le sol jusqu’aux fillettes. Elle contemplait
l’amas de ses chairs et organes écroulé sur le sol tout en se faisant la
remarque qu’il était étrange qu’elle ne ressente aucune douleur. Les jumelles
se tournèrent alors vers elle, d’un même mouvement, le regard fou, le sourire
aux lèvres. Puis, avançant lentement jusqu’à elle, elles entonnèrent doucement leur
comptine habituelle, en incluant désormais son nom…
« Devine qui j’ai vu mourir hier soir. Devine qui je prendrai
plaisir à torturer dans le noir. Clara-Belle périra cette nuit, devine qui je
tuerai demain. Devine vite, devine bien ! Parce que ton sang continuera de
couler... »
Elles la martyrisèrent une
éternité, la faisant hurler d’une terreur sans nom. Une forme sombre se dessina
derrière les fillettes, riant aux éclats de sa voix démoniaque. À ce moment,
tout s’éclaira et elle atteignit une lucidité dont elle n’avait jamais fait
preuve : elle se trouvait en enfer ! Enfin, elle ressentait la sérénité
d’avoir obtenue les réponses à ses trop nombreuses questions, elle se laissa
sombrer dans l’inconscience…
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« Devine qui j’ai vu mourir hier soir. Devine qui j’ai pris plaisir
à torturer dans la nuit et qui a survécu ce matin. Devine qui je suis et qui je
tuerai demain. Devine bien et devine vite ! Parce que le sang continuera de
couler... »
Sarah entendait les deux
jumelles, d’environs huit ans, chanter cette étrange comptine tout en se
balançant sur une balançoire à bascule. Elles bougeaient au ralenti et elles
lui souriaient en disant ces vers atroces, seules dans le parc. Elle n’arrivait
pas à comprendre comment elle était venue en cet endroit lugubre…
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