samedi 5 mai 2018

Là-haut sur la montagne


-           « Souriez ! »
Pour un jeudi matin d’avril, la température est glaciale. Un classique en montagne, me direz-vous. Mais la découverte de la journée y est sûrement pour quelque chose.
L’équipe frissonne sous les sapins.
Le sous-officier Marquel manque décidément de tac… Un trait de sa personnalité qu’on avait rapidement noté, à son arrivée à la brigade de Tignes, il y a quelques mois. « Souriez », voilà ce qu’il trouve de mieux à dire devant deux cadavres, des randonneurs, à en juger à leurs chaussures et leurs sacs volumineux, posés quelques mètres plus loin. L’humour noir, son astuce pour ne pas craquer à la vue d’un énième corps grisâtre et rigide. Il faut dire qu’il avait été servi, entre son père, ancien militaire qui s’était explosé la cervelle avec son arme de service dans le garage, alors qu’il avait dix ans, et les huit ans de service à la sécurité routière, avec son lot de voitures éventrées.
En ce jeudi matin, brume, vent de Nord Est, il a tapé fort. Un peu trop, peut-être pour Paul, le stagiaire. Il me lance un regard apeuré et court dans les buissons pour recracher son petit-déjeuner.
C’est vrai qu’ils sont particulièrement travaillés, ces cadavres… artistiques, même…
Le sourire de l’ange… En quinze ans de service, c’est une première pour moi. Deux coupures nettes au niveau de la commissure des lèvres, un geyser de sang qui n’a pas le temps de coaguler. Une torture atroce qui consiste à infliger une longue souffrance à sa victime… car c’est après que le jeu sadique commence : le bourreau fait rire sa victime, et crac. Ça saute comme une vieille courroie de voiture.
Le sous-officier Camille Bret passe sous le cordon de plastique, s’approche précautionneusement des dépouilles. Avec sa combinaison, elle ressemble à une astronaute qui découvre une nouvelle pierre lunaire. Toujours la même fascination quand elle rencontre les corps qu’elle va étudier pendant des jours, à scruter les moindres recoins de chair, mesurer les molécules, examiner la composition du sang …
L’équipe retient son souffle. Les premières conclusions du médecin légistes sont toujours déterminantes.
Dans la vallée, le vent hurle.
Allongés sur le dos comme s’ils faisaient une sieste sur l’herbe tendre du printemps … Ils ne devaient pas être bien vieux, la trentaine, tout au plus. Les longs cheveux bruns de la femme tombent en cascade parmi les épines. Quant à l’homme, blond, il ressemblerait presque à un clown triste, avec son sourire dégoulinant de sang. Des serre-joints maintiennent encore leurs poignets violacés.
On n’entend plus que les brindilles qui craquent sous les godillots pendant que le sergent Bret dresse le procès-verbal. 
-           « Il a terminé le travail avec un tir à bout portant. Une balle chacun dans le thorax. »
-          « Une exécution froide, ça ne colle pas avec la torture ... »
Le sous-officier Marquel fait crépiter le flash de l’appareil.
-          « À priori, aucune marque de défense. Peut-être qu’ils connaissaient leur agresseur… »
Au-dessus de l’épaule de la femme, une trace de chaussure. Du 44 ou du 45 au bas mot. J’ouvre le premier sac à dos. Des barres de céréales, une gourde, un duvet, un portefeuille. « Maxime Paz ». L’autre sac contient des vêtements, une carte de randonnées, un permis de conduire au nom de Mélodie Paz. Des billets de cinquante euros, carte Gold, un Smartphone...
Clichés sous tous les angles, moulages d’empreintes de pas… le même déroulé, à chaque nouvelle affaire. Et le point final : l’équipe cynophile. Aujourd’hui, c’est Max le berger allemand qui est chargé de renifler les pistes. Il s’avance, fier, la queue en panache, la langue pendante, et s’élance vers la vallée… Difficile de courir avec nos godillots. La jeune recrue canine est en forme, malgré la fraîcheur. Elle flaire quelques cailloux, une fougère, un bout de bois… et arrive au parking où nos deux voitures estampillées « Gendarmerie Nationale » sont garées, cinquante mètres plus bas.
*
L'homme remit sa capuche et claqua la portière. Une aire d'autoroute déserte... Parfait. Il valait mieux éviter d'attirer l'attention ...
Un sandwich, un expresso. Prêt à repartir. Le vendeur l'avait regardé d'un air douteux. Il l'avait sans doute pris pour un braqueur ou un fan de métal, voire les deux à la fois, avec son sweat noir trop large malgré sa carrure type armoire à glace. Il soupira. Encore quatre heures de route avant de retrouver Paris et ses rues bondées, l'appartement triste... À moins qu’il ne fasse une halte pour discuter du drame. C’est ce que le médecin de famille avait conseillé : parler.
Il enclencha le moteur.
Un flash.
Le petit corps qui pendait à l'écharpe violette. Celle-là même qu'il lui avait offerte aux dernières vacances, au bord de la mer. Quinze jours de plongée, de ballades sur les rochers. Plus de clients qui le harcelaient. Du temps en famille, son rêve depuis des mois. C'est lui qui l'avait détachée des barreaux de la mezzanine, qui l'avait serrée dans ses bras en hurlant, la secouant. Impossible. Elle allait se réveiller, elle avait la peau pâle d'habitude, ça n'était pas la rigidité cadavérique, puisqu'elle était vivante, comment pouvait-il en être autrement ?
Il avait fallu se rendre à l'évidence, une fois le SAMU arrivé.
Morte.
Ils avaient bien essayé le massage cardiaque, l'électrochoc, la nuque avait cédé. Brisée net. Un pantin désarticulé.
Il étouffa un sanglot et crispa le volant.
*
Max s’avance vers un poteau et le flaire d’un air douteux, puis aboie.
-          « Un mec a dû pisser pas loin », traduit le maître-chien.
-          « Juste au-dessus d’une caméra… pas finaud… »
Paul descend la pente prudemment, encore blanchâtre.
-          « Pensez à un crime passionnel, lieutenant ? »
-          « En tous les cas, ça n’est pas un pro, pour commettre une bourde pareille. »
Avant de démarrer, je glisse un sac plastique à Paul. Mieux vaut être prudent…
-          « Et si c’était un rodeur ? »
-          « Ça me rappelle vaguement quelque chose, cette histoire de sourire de l’ange… », commence Marie.
-          « Le mode opératoire d’un serial killer ? »
-          « Plutôt un polar ou un film… une histoire de drogue... »
L’officier fixe l’horizon d’un air concentré. Une histoire de drogue, ici, à 2 500 mètres d’altitude ? Pourquoi pas… la frontière italienne n’est pas loin. Un petit couple bien sous tous rapports, qui arrondit ses fins de mois en dealant de l’herbe avec quelques amis, ça pourrait se tenir. Et l’affaire tourne mal, ils détournent une partie des fonds. L’un des amis se rend compte de la supercherie, les suit jusqu’au fin fond de la vallée, les traque et… bam.
Mais ça n’explique toujours pas le sourire de l’ange.
            À l'école de gendarmerie, on apprend à repérer les modes opératoires les plus courants et leurs significations. Certains tueurs mutilent leurs victimes pour faire passer un message... les cartels de drogue coupent les mains, les maris étranglent leurs épouses pour ne plus rien entendre...
Le sourire de l'ange... la loi du silence ?
**
L’homme à capuche attendait sous l’auvent grisâtre du gymnase. 20h40. On lui avait dit de venir tôt, son rendez-vous était du genre imprévisible. Michaël R. Un mètre soixante-quinze, des muscles en fer, fuselés mais puissants, une gueule cassée à cause des combats, une barbe fine et un regard d’acier.
Pourvu qu’il ne le rate pas…
Les premiers boxeurs sortirent un à un sous la pluie battante. Des hommes de trente-quarante ans, costard cravate, bien loin du stéréotype de la racaille de banlieue.
L’homme au sweat jeta un œil. Pas de caméra à l’horizon. Il rajusta sa capuche, écrasa son mégot avec son godillot.
Soudain, une main s’abattit sur son épaule.
Il avait dû prendre la sortie de secours, à l’autre bout du stade. Une stratégie destinée à le déstabiliser.
Michaël ouvrit lentement son sac…
C’était la première fois qu’il en voyait un. Pistolet automatique, fabrication allemande, silencieux et fiable. « Avec ça, tu ne rateras pas ta cible », lui avait assuré Ben, un ex taulard du quartier.
Quelques billets verts atterrirent parmi les gants de boxe. L’homme fit glisser l’arme dans sa poche ventrale. Aucun doute, il allait réussir. Il était plutôt doué, aux jeux vidéos. De toute façon, il n’avait pas le choix. Il FALLAIT que ça marche, que le pistolet fasse son œuvre.
Il ne s’arrêterait pas avant d’avoir atteint sa cible.

**
Paul se ronge les ongles, observe les moindres recoins de l’écran. On dirait moi à mon premier stage aux enquêtes criminelles, il y a vingt ans. La même précision, la même détermination, l’estomac fragile en moins. Avec sa persévérance, il pourrait rester assis pendant des heures à regarder des heures d’enregistrement. Ça tombe bien, on vient tout juste de recevoir ceux du parking du téléphérique.
Il attend, le stylo levé, prêt à prendre des notes, à dresser un rapport détaillé des images un peu floues, à cause de l’encrassement de l’objectif. Fichus oiseaux.
Je m’installe à côté et commence à éplucher la liste des criminels de la région. Un ancien militaire, un homme de trente ans schizophrène…
-          « Y a rien à part des foutues mottes d’herbes et de la flotte », grogne Patrick.
            Je passe la matinée à enchaîner les expressos, à me gratter la barbe et à éplucher les affaires de crimes dans la région. Et si c'était un serial killer ? Un rodeur qui prendrait plaisir à tuer les jeunes couples en montagne ? À Annecy, plusieurs cadavres éventrés avaient été retrouvés l'été dernier sur des aires de jeux, un peu à l'écart de la ville. Sait-on jamais...
            Mais cette signature... le sourire de l'ange... Un amateur de Tim Burton et de son célèbre Mister Jack ? Un gothique tendance satanique ? Hasard du calendrier ou pas, le 2 avril tombait justement sur le renouveau lunaire...
            La journée s'écoule tristement. Avec la pluie qui commence à tomber, la route devient glissante. Rien de bien concluant concernant le tueur. Aucune trace de lui dans le village. « Il y avait un monsieur louche hier soir... » commence Pierre-Yves, le boulanger. « Un homme tout petit et chauve. Il avait l'air angoissé ».
            Pas vraiment le profil type... à croire que le sadique n'est venu que pour ses victimes. Il avait dû les traquer depuis le matin, les suivre dans la vallée et attendre, caché derrière un buisson ... La petite station paisible devient aussitôt angoissante, avec ses chalets isolés et ses ruelles mal éclairées.
            Du côté des victimes, la nouvelle ne tarde pas à tomber.
            La brigade retient son souffle.
**
Il hésita quelques secondes. La sortie « Mâcon » n’était plus qu’à quelques mètres. Sinon, il resterait sur l’autoroute principale, celle pour Paris. Que faire ? Y aller ? Quitte à remuer le couteau dans la plaie, à subir les reproches ? Ou bien accélérer, foncer jusqu’à son appartement, éteindre le téléphone, fermer la porte à double tour et attendre, jusqu’à ce qu’on l’oublie ?
Le clignoteur égrena son « tic-tac » intempestif.
**
-          « Tu peux m’expliquer ce qu’un pédophile parisien fabriquait à crapahuter en montagne, près d’un centre de vacances, avec sa chère épouse ? »
Officiers, sous-officiers, on se regarde tous, perplexes. Un pédophile marié, ça étonne toujours. Mais bon nombre d’entre eux parviennent à dissimuler leur perversité… à moins qu’elle n’en soit une aussi. Le mois dernier, une enquête sordide a révélé l’existence d’un trafic dans un foyer pour enfants.
En ce qui concerne la victime du jour, c’est assez gratiné. Maxime Paz, ingénieur, résidant à Issy-Les-Moulineaux, marié à Mélodie Anquel depuis le 18 mars 2010, père d’un enfant de dix-huit mois… Condamné à deux ans de sursis pour possession de matériel audio pédopornographique. Accessoirement consommateur de cannabis, condamné à deux reprises pour possession de substance stupéfiante au volant.
J’en recrache mon café.
Sur mon bureau, Jules et Clothilde me sourient depuis leur piscine à balles. Mes jumeaux de trois ans. L'espace d'un instant, j'ai envie de dire « il n'a eu que ce qu'il méritait, basta » et refermer l'enquête. Et puis très vite, le devoir reprend. Il faut retrouver le tueur coûte que coûte. Qui sait... il est peut-être en train d'encercler sa prochaine victime...
Dans le bureau attenant, ça s'agite.
-          « Lieutenant, venez voir ! »
Paul met le film en avance rapide. Le parking désert, le soleil qui se lève, un car scolaire vers midi, qui repart vers 14h, après le pique-nique des gamins, des cailloux, encore et toujours.
Et soudain… une camionnette blanche, style utilitaire. Une entaille sur la portière droite. Puis une capuche noire, un sweat à capuche. Une silhouette d’un mètre quatre-vingt environ.
-          « Ça coïnciderait avec les traces de pas qu’on a retrouvées. A première vue, des chaussures de sécurité, du type godillot », annonce Patrick.
Marquel ne passe pas à côté de la plaisanterie.
-          « Ça pourrait être un gendarme. »
L’art de créer un silence glaçant au milieu d’une réunion/mise en commun des données de l’enquête. Paul étouffe un rire.
Et pourtant…
C’est vrai que les membres de l’équipe ne sont pas disculpés d’office… à commencer par le sous-officier Marquel, grand gaillard d’un mètre quatre-vingt, de même que Patrick, dont la dernière affectation était justement à Paris…
            Fini la paranoïa. Jamais un gendarme ne s’amuserait à découper le sourire de ses victimes.
            Il est temps de commencer à récolter d’éventuels témoignages.
            L’office du tourisme, la supérette de la station, les magasins de matériel de montagne… à défaut d’avoir une piste, on commence toujours par une enquête de voisinage. Dans un petit village où tout le monde se connaît, la présence d’un touriste au mois d’avril, la morte saison, ne passe pas inaperçue. Vérifications faites, capuche noire n’a pas loué de gîte... mais sa camionnette blanche n’a pas quitté le parking de la remontée mécanique de 18h à 6h30. On appelle donc tous les propriétaires de refuge de la vallée. Bingo. Celui des cascades a été réservé pour une nuit… sous un faux nom. « Jo Nesbo ».
L’impasse.
Un auteur de polar suédois.
**
            Il s’arrêta dans la cour gravillonnée. Il fallait qu’il lui explique comment ça s’était passé, qu’il n’était pas le mec lâche qu’elle pensait. Il avait essayé de la protéger, de la tenir à l’écart de ces malades qui bousillaient la vie des filles, qui leur enlevaient les dernières bribes d’estime d’elles-mêmes…
Il frotta ses yeux cernés et soupira. Dire qu’ils étaient encore ensemble, il y a deux ans. Maintenant, elle était partie au fin fond de la France avec un agent immobilier bronzé qui puait le fromage.
            Elle l’accueillit avec un verre de vodka.
-          « C’est fait ? »
Il vida le verre d’un trait.
Au mur, des yeux bleus le fixaient.
Pauline.
**
            Trois jours déjà que les cadavres se rafraîchissent à la morgue. Dans le village, pas un chat. Tout le monde s'enferme et suit les informations locales. Mais rien. Pas d'élément nouveau. L'analyse des téléphones n'a rien donné, si ce n'est des sites ignobles de petites filles et de petits garçons dénudés.
            Plombier, assureur, garagiste, podologue, amis, parents, cousins… le répertoire d’appels est passé au crible. Peut-être des messages d’insultes, de menaces, qui auraient déclenché toute cette boucherie sous les pins ?
            Le même travail de fourmi pour aboutir… à des suspicions. Mais est-ce qu’on peut vraiment se fier à une ponctuation ? À la tonalité d’un texto, jugé un peu trop sec pour certains, trop mielleux pour d’autres ? Et ce doute qui nous terrasse chaque jour à la brigade : et si on ne suspectait pas un innocent ? La garde à vue n’est pas une promenade enchantée, loin de là. Même le plus costaud des gaillards en ressort brisé. Notre boulot : remettre en cause leurs moindres faits et gestes, jusqu’à ce qu’ils craquent. Certains avouent même des délits pour lesquels ils n’étaient pas interrogés…
            L’officier Marquel s’approche, une photo à la main.
-          « Chef, on a une piste… »
**
            Ce matin, la station s’éveille. C’est le lancement d’un trail de cinquante kilomètres. Tous les gars de la brigade participent. Même le sous-officier Marquel est de la partie.
            Arrivés au sommet du téléphérique, on se regarde tous. Le tueur est passé par là, il y a une semaine… si ça se trouve, il figure même parmi les concurrents pour mieux nous narguer, nous épier, s’assurer que sa couverture n’est pas encore découverte…
            En descendant le long des pins, on ne peut pas s’empêcher de ralentir. La zone a été ratissée par les collègues, chaque caillou scruté, à la recherche de la moindre gouttelette de sang… Mais quelque chose nous a peut-être échappé ? Un détail insignifiant qui ferait basculer l’enquête ?
**
David enleva la capuche et ouvrit sa valise.
Voilà, c’était fait.
Elle lui sourit sur la table basse.
Pauline.
Les larmes, encore et toujours. Il s’effondra sur le canapé, vidé.
Elle avait voulu s’acheter un téléphone portable, comme toutes les filles de sa classe de cinquième. Alors elle avait répondu à une annonce de baby-sitting. « Jeune couple cherche adolescente sérieuse pour s'occuper d'un nourrisson de dix-huit mois ». David était du genre papa poule, le père divorcé qui se plie en quatre pour sa fille. Il l'avait déposée devant le grand pavillon blanc à la belle pelouse. Aucun souci, il était déjà venu chez eux réparer le chauffe-eau, il y a quelques mois. Des gens bien, s'était-il persuadé en essuyant ses pieds sur le paillasson « welcome ». Ils étaient souriants, très souriants. Trop souriants, à bien y repenser. C'est ce sourire qui lui avait inspiré confiance et qui l'avait fait partir l'esprit tranquille à sa soirée amis, bières et rugby. « On la déposera chez vous en voiture dès qu'on rentrera du théâtre », avaient assuré les jeunes parents d'une voix presque douce. Et ils avaient tenu parole.
La fois d'après, Pauline avait dit qu'elle ne supportait plus les enfants, qu'elle allait plutôt faire du ménage chez sa grand-mère. Elle paraissait triste, pleurait souvent. L'adolescence, s'était dit David. Alors il en était resté là, n'avait pas cherché à en savoir davantage. Après tout, elle avait droit à ses secrets. Une histoire de garçon ou de meilleure amie qui l'avait lâchée, sûrement. Il ne se doutait pas qu'elle avait été violée dans la cave, sous la menace. « Si tu parles, on balancera ton père aux flics ». Le scénario de la fausse escroquerie avait été redoutablement efficace. Il n’avait suffi que de quelques phrases pour la persuader qu’ils allaient porter plainte contre son père, lui faire croire qu’il arnaquait ses clients. Ils avaient un excellent avocat, son père devrait vendre la maison pour prendre les services d'un avocat à bas prix, il perdrait son emploi, sa réputation. Est-ce qu'elle se rendait bien compte des conséquences ?
C'est en lisant la lettre d'adieu demi-brûlée qu’il avait compris. Des monstres... il avait aussitôt sauté dans sa camionnette, s'était retrouvé devant le pavillon à deux heures du matin. Sur la banquette arrière, une clé anglaise...
**
-          « La plaque minéralogique a été truquée, mais le logo Île de France suggère que le tueur habite près de Paris ».
Paul expose fièrement ses trouvailles.
-          « Et on a recherché toutes les camionnettes blanches qui sont passées au péage de Chambéry le jour du meurtre… »
**
Des preuves. Il fallait des preuves.
Il avait attendu jusqu'à huit heures du matin, avait prétendu une révision annuelle. Un risque de défaut de fabrication sur la chaudière, il fallait qu'il vérifie. « Pas de souci, passez dans l'après-midi », avait-elle répondu doucement. C'était elle qui lui avait ouvert la porte. Elle était seule, le bébé dans les mains. David était descendu à la cave, avait ouvert les vannes, simulé une inondation. Et la femme avait déposé le bébé dans son parc avant de prévenir le pavillon d’à côté.
À côté de l'étagère à conserves, les ratatouilles et les fruits confits...
Une porte cachée. Une pièce insonorisée. Une caméra.
David avait hurlé d’horreur.
« J'espère que la fuite sera bientôt réparée, on part en vacances à la montagne la semaine prochaine », avait-il dit lorsqu’il était remonté de la cave.
Il n'entendit pas les pas lourds qui montaient l'escalier.
-          « Gendarmerie ! Ouvrez ! »


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