-
« Souriez ! »
Pour un jeudi matin d’avril, la
température est glaciale. Un classique en montagne, me direz-vous. Mais la
découverte de la journée y est sûrement pour quelque chose.
L’équipe frissonne sous les sapins.
Le sous-officier Marquel manque
décidément de tac… Un trait de sa personnalité qu’on avait rapidement noté, à
son arrivée à la brigade de Tignes, il y a quelques mois. « Souriez », voilà ce qu’il trouve de mieux à dire devant
deux cadavres, des randonneurs, à en juger à leurs chaussures et leurs sacs
volumineux, posés quelques mètres plus loin. L’humour noir, son astuce pour ne
pas craquer à la vue d’un énième corps grisâtre et rigide. Il faut dire qu’il
avait été servi, entre son père, ancien militaire qui s’était explosé la
cervelle avec son arme de service dans le garage, alors qu’il avait dix ans, et
les huit ans de service à la sécurité routière, avec son lot de voitures
éventrées.
En ce jeudi matin, brume, vent de
Nord Est, il a tapé fort. Un peu trop, peut-être pour Paul, le stagiaire. Il me
lance un regard apeuré et court dans les buissons pour recracher son
petit-déjeuner.
C’est vrai qu’ils sont
particulièrement travaillés, ces cadavres… artistiques, même…
Le sourire de l’ange… En quinze ans
de service, c’est une première pour moi. Deux coupures nettes au niveau de la
commissure des lèvres, un geyser de sang qui n’a pas le temps de coaguler. Une
torture atroce qui consiste à infliger une longue souffrance à sa victime… car
c’est après que le jeu sadique commence : le bourreau fait rire sa
victime, et crac. Ça saute comme une vieille courroie de voiture.
Le sous-officier Camille Bret passe
sous le cordon de plastique, s’approche précautionneusement des dépouilles.
Avec sa combinaison, elle ressemble à une astronaute qui découvre une nouvelle
pierre lunaire. Toujours la même fascination quand elle rencontre les corps
qu’elle va étudier pendant des jours, à scruter les moindres recoins de chair,
mesurer les molécules, examiner la composition du sang …
L’équipe retient son souffle. Les
premières conclusions du médecin légistes sont toujours déterminantes.
Dans la vallée, le vent hurle.
Allongés sur le dos comme s’ils
faisaient une sieste sur l’herbe tendre du printemps … Ils ne devaient pas être
bien vieux, la trentaine, tout au plus. Les longs cheveux bruns de la femme
tombent en cascade parmi les épines. Quant à l’homme, blond, il ressemblerait
presque à un clown triste, avec son sourire dégoulinant de sang. Des
serre-joints maintiennent encore leurs poignets violacés.
On n’entend plus que les brindilles
qui craquent sous les godillots pendant que le sergent Bret dresse le
procès-verbal.
-
« Il a terminé le travail avec un tir à
bout portant. Une balle chacun dans le thorax. »
-
« Une exécution froide, ça ne
colle pas avec la torture ... »
Le sous-officier Marquel fait
crépiter le flash de l’appareil.
-
« À priori, aucune marque de
défense. Peut-être qu’ils connaissaient leur agresseur… »
Au-dessus de l’épaule de la femme,
une trace de chaussure. Du 44 ou du 45 au bas mot. J’ouvre le premier sac à
dos. Des barres de céréales, une gourde, un duvet, un portefeuille.
« Maxime Paz ». L’autre sac contient des vêtements, une carte de
randonnées, un permis de conduire au nom de Mélodie Paz. Des billets de
cinquante euros, carte Gold, un Smartphone...
Clichés sous tous les angles,
moulages d’empreintes de pas… le même déroulé, à chaque nouvelle affaire. Et le
point final : l’équipe cynophile. Aujourd’hui, c’est Max le berger
allemand qui est chargé de renifler les pistes. Il s’avance, fier, la queue en
panache, la langue pendante, et s’élance vers la vallée… Difficile de courir
avec nos godillots. La jeune recrue canine est en forme, malgré la fraîcheur.
Elle flaire quelques cailloux, une fougère, un bout de bois… et arrive au
parking où nos deux voitures estampillées « Gendarmerie Nationale »
sont garées, cinquante mètres plus bas.
*
L'homme remit sa capuche et claqua
la portière. Une aire d'autoroute déserte... Parfait. Il valait mieux éviter
d'attirer l'attention ...
Un sandwich, un expresso. Prêt à
repartir. Le vendeur l'avait regardé d'un air douteux. Il l'avait sans doute
pris pour un braqueur ou un fan de métal, voire les deux à la fois, avec son
sweat noir trop large malgré sa carrure type armoire à glace. Il soupira.
Encore quatre heures de route avant de retrouver Paris et ses rues bondées,
l'appartement triste... À moins qu’il ne fasse une halte pour discuter du
drame. C’est ce que le médecin de famille avait conseillé : parler.
Il enclencha le moteur.
Un flash.
Le petit corps qui pendait à
l'écharpe violette. Celle-là même qu'il lui avait offerte aux dernières
vacances, au bord de la mer. Quinze jours de plongée, de ballades sur les rochers.
Plus de clients qui le harcelaient. Du temps en famille, son rêve depuis des
mois. C'est lui qui l'avait détachée des barreaux de la mezzanine, qui l'avait
serrée dans ses bras en hurlant, la secouant. Impossible. Elle allait se
réveiller, elle avait la peau pâle d'habitude, ça n'était pas la rigidité
cadavérique, puisqu'elle était vivante, comment pouvait-il en être autrement ?
Il avait fallu se rendre à
l'évidence, une fois le SAMU arrivé.
Morte.
Ils avaient bien essayé le massage
cardiaque, l'électrochoc, la nuque avait cédé. Brisée net. Un pantin
désarticulé.
Il étouffa un sanglot et crispa le
volant.
*
Max s’avance vers un poteau et le
flaire d’un air douteux, puis aboie.
-
« Un mec a dû pisser pas
loin », traduit le maître-chien.
-
« Juste au-dessus d’une caméra…
pas finaud… »
Paul descend la pente prudemment,
encore blanchâtre.
-
« Pensez à un crime passionnel,
lieutenant ? »
-
« En tous les cas, ça n’est pas
un pro, pour commettre une bourde pareille. »
Avant de démarrer, je glisse un sac
plastique à Paul. Mieux vaut être prudent…
-
« Et si c’était un
rodeur ? »
-
« Ça me rappelle vaguement
quelque chose, cette histoire de sourire de l’ange… », commence Marie.
-
« Le mode opératoire d’un
serial killer ? »
-
« Plutôt un polar ou un film…
une histoire de drogue... »
L’officier fixe l’horizon d’un air
concentré. Une histoire de drogue, ici, à 2 500 mètres d’altitude ?
Pourquoi pas… la frontière italienne n’est pas loin. Un petit couple bien sous
tous rapports, qui arrondit ses fins de mois en dealant de l’herbe avec
quelques amis, ça pourrait se tenir. Et l’affaire tourne mal, ils détournent
une partie des fonds. L’un des amis se rend compte de la supercherie, les suit
jusqu’au fin fond de la vallée, les traque et… bam.
Mais ça n’explique toujours pas le
sourire de l’ange.
À l'école
de gendarmerie, on apprend à repérer les modes opératoires les plus courants et
leurs significations. Certains tueurs mutilent leurs victimes pour faire passer
un message... les cartels de drogue coupent les mains, les maris étranglent
leurs épouses pour ne plus rien entendre...
Le sourire de l'ange... la loi du
silence ?
**
L’homme à capuche attendait sous
l’auvent grisâtre du gymnase. 20h40. On lui avait dit de venir tôt, son rendez-vous
était du genre imprévisible. Michaël R. Un mètre soixante-quinze, des muscles
en fer, fuselés mais puissants, une gueule cassée à cause des combats, une
barbe fine et un regard d’acier.
Pourvu qu’il ne le rate pas…
Les premiers boxeurs sortirent un à
un sous la pluie battante. Des hommes de trente-quarante ans, costard cravate,
bien loin du stéréotype de la racaille de banlieue.
L’homme au sweat jeta un œil. Pas de
caméra à l’horizon. Il rajusta sa capuche, écrasa son mégot avec son godillot.
Soudain, une main s’abattit sur son
épaule.
Il avait dû prendre la sortie de
secours, à l’autre bout du stade. Une stratégie destinée à le déstabiliser.
Michaël ouvrit lentement son sac…
C’était la première fois qu’il en
voyait un. Pistolet automatique, fabrication allemande, silencieux et fiable. « Avec ça, tu ne rateras pas ta
cible », lui avait assuré Ben, un ex taulard du quartier.
Quelques billets verts atterrirent
parmi les gants de boxe. L’homme fit glisser l’arme dans sa poche ventrale.
Aucun doute, il allait réussir. Il était plutôt doué, aux jeux vidéos. De toute
façon, il n’avait pas le choix. Il FALLAIT que ça marche, que le pistolet fasse
son œuvre.
Il ne s’arrêterait pas avant d’avoir
atteint sa cible.
**
Paul se ronge les ongles, observe
les moindres recoins de l’écran. On dirait moi à mon premier stage aux enquêtes
criminelles, il y a vingt ans. La même précision, la même détermination,
l’estomac fragile en moins. Avec sa persévérance, il pourrait rester assis
pendant des heures à regarder des heures d’enregistrement. Ça tombe bien, on
vient tout juste de recevoir ceux du parking du téléphérique.
Il attend, le stylo levé, prêt à
prendre des notes, à dresser un rapport détaillé des images un peu floues, à
cause de l’encrassement de l’objectif. Fichus oiseaux.
Je m’installe à côté et commence à
éplucher la liste des criminels de la région. Un ancien militaire, un homme de
trente ans schizophrène…
-
« Y a rien à part des foutues
mottes d’herbes et de la flotte », grogne Patrick.
Je passe la
matinée à enchaîner les expressos, à me gratter la barbe et à éplucher les
affaires de crimes dans la région. Et si c'était un serial killer ? Un rodeur
qui prendrait plaisir à tuer les jeunes couples en montagne ? À Annecy,
plusieurs cadavres éventrés avaient été retrouvés l'été dernier sur des aires
de jeux, un peu à l'écart de la ville. Sait-on jamais...
Mais cette
signature... le sourire de l'ange... Un amateur de Tim Burton et de son célèbre
Mister Jack ? Un gothique tendance satanique ? Hasard du calendrier ou pas, le
2 avril tombait justement sur le renouveau lunaire...
La journée
s'écoule tristement. Avec la pluie qui commence à tomber, la route devient
glissante. Rien de bien concluant concernant le tueur. Aucune trace de lui dans
le village. « Il y avait un monsieur
louche hier soir... » commence Pierre-Yves, le boulanger. « Un homme tout petit et chauve. Il avait
l'air angoissé ».
Pas
vraiment le profil type... à croire que le sadique n'est venu que pour ses
victimes. Il avait dû les traquer depuis le matin, les suivre dans la vallée et
attendre, caché derrière un buisson ... La petite station paisible devient
aussitôt angoissante, avec ses chalets isolés et ses ruelles mal éclairées.
Du côté des
victimes, la nouvelle ne tarde pas à tomber.
La brigade
retient son souffle.
**
Il hésita quelques secondes. La
sortie « Mâcon » n’était plus qu’à quelques mètres. Sinon, il
resterait sur l’autoroute principale, celle pour Paris. Que faire ? Y
aller ? Quitte à remuer le couteau dans la plaie, à subir les
reproches ? Ou bien accélérer, foncer jusqu’à son appartement, éteindre le
téléphone, fermer la porte à double tour et attendre, jusqu’à ce qu’on
l’oublie ?
Le clignoteur égrena son
« tic-tac » intempestif.
**
-
« Tu peux m’expliquer ce qu’un
pédophile parisien fabriquait à crapahuter en montagne, près d’un centre de
vacances, avec sa chère épouse ? »
Officiers, sous-officiers, on se
regarde tous, perplexes. Un pédophile marié, ça étonne toujours. Mais bon
nombre d’entre eux parviennent à dissimuler leur perversité… à moins qu’elle
n’en soit une aussi. Le mois dernier, une enquête sordide a révélé l’existence
d’un trafic dans un foyer pour enfants.
En ce qui concerne la victime du
jour, c’est assez gratiné. Maxime Paz, ingénieur, résidant à Issy-Les-Moulineaux,
marié à Mélodie Anquel depuis le 18 mars 2010, père d’un enfant de dix-huit
mois… Condamné à deux ans de sursis pour possession de matériel audio
pédopornographique. Accessoirement consommateur de cannabis, condamné à deux
reprises pour possession de substance stupéfiante au volant.
J’en recrache mon café.
Sur mon bureau, Jules et Clothilde
me sourient depuis leur piscine à balles. Mes jumeaux de trois ans. L'espace d'un
instant, j'ai envie de dire « il n'a eu que ce qu'il méritait,
basta » et refermer l'enquête. Et puis très vite, le devoir reprend. Il
faut retrouver le tueur coûte que coûte. Qui sait... il est peut-être en train
d'encercler sa prochaine victime...
Dans le bureau attenant, ça s'agite.
-
« Lieutenant, venez
voir ! »
Paul met le film en avance rapide.
Le parking désert, le soleil qui se lève, un car scolaire vers midi, qui repart
vers 14h, après le pique-nique des gamins, des cailloux, encore et toujours.
Et soudain… une camionnette blanche,
style utilitaire. Une entaille sur la portière droite. Puis une capuche noire,
un sweat à capuche. Une silhouette d’un mètre quatre-vingt environ.
-
« Ça coïnciderait avec les
traces de pas qu’on a retrouvées. A première vue, des chaussures de sécurité,
du type godillot », annonce Patrick.
Marquel ne passe pas à côté de la
plaisanterie.
-
« Ça pourrait être un
gendarme. »
L’art de créer un silence glaçant au
milieu d’une réunion/mise en commun des données de l’enquête. Paul étouffe un
rire.
Et pourtant…
C’est vrai que les membres de
l’équipe ne sont pas disculpés d’office… à commencer par le sous-officier
Marquel, grand gaillard d’un mètre quatre-vingt, de même que Patrick, dont la
dernière affectation était justement à Paris…
Fini la
paranoïa. Jamais un gendarme ne s’amuserait à découper le sourire de ses
victimes.
Il est
temps de commencer à récolter d’éventuels témoignages.
L’office du
tourisme, la supérette de la station, les magasins de matériel de montagne… à
défaut d’avoir une piste, on commence toujours par une enquête de voisinage.
Dans un petit village où tout le monde se connaît, la présence d’un touriste au
mois d’avril, la morte saison, ne passe pas inaperçue. Vérifications faites,
capuche noire n’a pas loué de gîte... mais sa camionnette blanche n’a pas
quitté le parking de la remontée mécanique de 18h à 6h30. On appelle donc tous
les propriétaires de refuge de la vallée. Bingo. Celui des cascades a été
réservé pour une nuit… sous un faux nom. « Jo Nesbo ».
L’impasse.
Un auteur de polar suédois.
**
Il s’arrêta
dans la cour gravillonnée. Il fallait qu’il lui explique comment ça s’était
passé, qu’il n’était pas le mec lâche qu’elle pensait. Il avait essayé de la
protéger, de la tenir à l’écart de ces malades qui bousillaient la vie des
filles, qui leur enlevaient les dernières bribes d’estime d’elles-mêmes…
Il frotta ses yeux cernés et
soupira. Dire qu’ils étaient encore ensemble, il y a deux ans. Maintenant, elle
était partie au fin fond de la France avec un agent immobilier bronzé qui puait
le fromage.
Elle
l’accueillit avec un verre de vodka.
-
« C’est fait ? »
Il vida le verre d’un trait.
Au mur, des yeux bleus le fixaient.
Pauline.
**
Trois jours
déjà que les cadavres se rafraîchissent à la morgue. Dans le village, pas un
chat. Tout le monde s'enferme et suit les informations locales. Mais rien. Pas
d'élément nouveau. L'analyse des téléphones n'a rien donné, si ce n'est des
sites ignobles de petites filles et de petits garçons dénudés.
Plombier,
assureur, garagiste, podologue, amis, parents, cousins… le répertoire d’appels
est passé au crible. Peut-être des messages d’insultes, de menaces, qui
auraient déclenché toute cette boucherie sous les pins ?
Le même
travail de fourmi pour aboutir… à des suspicions. Mais est-ce qu’on peut
vraiment se fier à une ponctuation ? À la tonalité d’un texto, jugé un peu
trop sec pour certains, trop mielleux pour d’autres ? Et ce doute qui nous
terrasse chaque jour à la brigade : et si on ne suspectait pas un
innocent ? La garde à vue n’est pas une promenade enchantée, loin de là.
Même le plus costaud des gaillards en ressort brisé. Notre boulot :
remettre en cause leurs moindres faits et gestes, jusqu’à ce qu’ils craquent.
Certains avouent même des délits pour lesquels ils n’étaient pas interrogés…
L’officier
Marquel s’approche, une photo à la main.
-
« Chef, on a une piste… »
**
Ce matin,
la station s’éveille. C’est le lancement d’un trail de cinquante kilomètres.
Tous les gars de la brigade participent. Même le sous-officier Marquel est de
la partie.
Arrivés au
sommet du téléphérique, on se regarde tous. Le tueur est passé par là, il y a
une semaine… si ça se trouve, il figure même parmi les concurrents pour mieux
nous narguer, nous épier, s’assurer que sa couverture n’est pas encore
découverte…
En
descendant le long des pins, on ne peut pas s’empêcher de ralentir. La zone a
été ratissée par les collègues, chaque caillou scruté, à la recherche de la
moindre gouttelette de sang… Mais quelque chose nous a peut-être échappé ? Un
détail insignifiant qui ferait basculer l’enquête ?
**
David enleva la capuche et ouvrit sa
valise.
Voilà, c’était fait.
Elle lui sourit sur la table basse.
Pauline.
Les larmes, encore et toujours. Il
s’effondra sur le canapé, vidé.
Elle avait voulu s’acheter un
téléphone portable, comme toutes les filles de sa classe de cinquième. Alors
elle avait répondu à une annonce de baby-sitting. « Jeune couple cherche adolescente sérieuse pour s'occuper d'un
nourrisson de dix-huit mois ». David était du genre papa poule, le
père divorcé qui se plie en quatre pour sa fille. Il l'avait déposée devant le
grand pavillon blanc à la belle pelouse. Aucun souci, il était déjà venu chez
eux réparer le chauffe-eau, il y a quelques mois. Des gens bien, s'était-il
persuadé en essuyant ses pieds sur le paillasson « welcome ». Ils
étaient souriants, très souriants. Trop souriants, à bien y repenser. C'est ce
sourire qui lui avait inspiré confiance et qui l'avait fait partir l'esprit
tranquille à sa soirée amis, bières et rugby. « On la déposera chez vous en voiture dès qu'on rentrera du
théâtre », avaient assuré les jeunes parents d'une voix presque douce.
Et ils avaient tenu parole.
La fois d'après, Pauline avait dit
qu'elle ne supportait plus les enfants, qu'elle allait plutôt faire du ménage
chez sa grand-mère. Elle paraissait triste, pleurait souvent. L'adolescence,
s'était dit David. Alors il en était resté là, n'avait pas cherché à en savoir
davantage. Après tout, elle avait droit à ses secrets. Une histoire de garçon
ou de meilleure amie qui l'avait lâchée, sûrement. Il ne se doutait pas qu'elle
avait été violée dans la cave, sous la menace. « Si tu parles, on balancera ton père aux flics ». Le
scénario de la fausse escroquerie avait été redoutablement efficace. Il n’avait
suffi que de quelques phrases pour la persuader qu’ils allaient porter plainte
contre son père, lui faire croire qu’il arnaquait ses clients. Ils avaient un
excellent avocat, son père devrait vendre la maison pour prendre les services
d'un avocat à bas prix, il perdrait son emploi, sa réputation. Est-ce qu'elle
se rendait bien compte des conséquences ?
C'est en lisant la lettre d'adieu demi-brûlée
qu’il avait compris. Des monstres... il avait aussitôt sauté dans sa
camionnette, s'était retrouvé devant le pavillon à deux heures du matin. Sur la
banquette arrière, une clé anglaise...
**
-
« La plaque minéralogique a été
truquée, mais le logo Île de France suggère que le tueur habite près de
Paris ».
Paul expose fièrement ses
trouvailles.
-
« Et on a recherché toutes les
camionnettes blanches qui sont passées au péage de Chambéry le jour du
meurtre… »
**
Des preuves. Il fallait des preuves.
Il avait attendu jusqu'à huit heures
du matin, avait prétendu une révision annuelle. Un risque de défaut de
fabrication sur la chaudière, il fallait qu'il vérifie. « Pas de souci, passez dans l'après-midi », avait-elle
répondu doucement. C'était elle qui lui avait ouvert la porte. Elle était
seule, le bébé dans les mains. David était descendu à la cave, avait ouvert les
vannes, simulé une inondation. Et la femme avait déposé le bébé dans son parc
avant de prévenir le pavillon d’à côté.
À côté de l'étagère à conserves, les
ratatouilles et les fruits confits...
Une porte cachée. Une pièce insonorisée. Une caméra.
David avait hurlé d’horreur.
« J'espère
que la fuite sera bientôt réparée, on part en vacances à la montagne la semaine
prochaine », avait-il dit lorsqu’il était
remonté de la cave.
Il n'entendit pas les pas lourds qui
montaient l'escalier.
-
« Gendarmerie ! Ouvrez ! »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire