mardi 28 mai 2013

Pourquoi garder toutes ces reliques ?



Pourquoi garder toutes ces reliques qui bloquent le tiroir de ma table de nuit ?


Des cartes de visites qui ne t’évoquent plus rien. Ni personne. D’autres, des commerciales, conçues depuis des lustres, boutiques fermées ou transformées en succursales de banques, de kebabs ou de marchands de biens. Biens acquis à l’époque par des voisins disparus aujourd’hui. A qui tu rendais souvent visite. Jadis. 

« Tiens un ancien portefeuille, tout racorni ? ». Plus grand chose d’important, encore moins d’actualité, à l’intérieur. Sous plastique à l’origine transparent, une photo conservée. « Que fait-elle encore là ? ».
Elle représente mon jeune frère de 65 ans aujourd’hui. Qu’avait-il, "au compteur", à l’époque sur ce cliché instantané, passé, qui commence à jaunir par outrages du passé ? La trentaine ? Un peu moins certainement ? Sur la photo il est allongé sur son lit, béat, ravi. Nu. Prise du bout des pieds, elle en dresse un « portrait » élogieux certainement pris par sa compagne de l’époque. Qu’est ce que cette photo intime fait dans cette pochette grisée par les frottements et l’usure de l’âge ? Sur l’autre moitié du précieux objet transporté dans la poche intérieure mais, vue sa courbure, plus souvent dans celle du pantalon, dite « revolver » : une vieille carte professionnelle de représentant, périmée. Photo du professionnel, heureux de cet accréditement. Qui fait le pendant à l’autre face proposée lors de son ouverture en éventail.
Osée n’étant pas, en l’occurrence, hors de propos.

Ah ! Ca y’est. L’anecdote refait surface. J’en souris suavement d’un humour potache retrouvé. L’époque ou les chèques impayés commençaient à rendre le commerçant inquiet sinon fébrile donc suspicieux et ses caissières missionnées contrôleuses d’identité obligatoire. En plus. Sous peine de sanction pécuniaire.
« Bien mis, lotionné de la dernière marque de « l’homme moderne », costume 3 pièces, cravate – pochette assortie », nouvel habitant dans une résidence « avec port de loisirs », mon honnêteté mise en doute m’énervait au plus au point lors des premières interpellations. «  Auriez-vous, s’il vous plaît, Monsieur, une pièce d’identité à me présenter ? ».
Un soir j’ai dérobé ou plutôt eut le dessein de seulement emprunter cette photo parmi d’autres laissées dans un bouquin que je feuilletais dans la bibliothèque de mon frangin, attendant qu’il sorte verres, glaçons et biscuits apéritifs.

Ma première victime, dans un des nouveaux hypermarchés, fût une hôtesse de caisse antillaise qui demanda la certification de mon identité face aux emplettes de mon chariot. Qui (entre parenthèses) couinait et tirait ma trajectoire vers la gauche. Portefeuille ouvert lui proposant les 2 côtés à son libre choix, l’a fait sourire : « ça ira comme ça, merci Monsieur ! ».
J’ai connu d’autres réactions plus imprévues.
Des imperturbables, des surprises ne se souvenant pas du pourquoi, du comment. Des grimaces, des sourires enjôleurs me prenant pour le photographié. Quelques temps plus tard, mon épouse officiant dans une banque privée, de prestige sinon de légendes, j’étais doté d’un chéquier familial de prince qu’on sort. Et du précieux carnet de chèques qu’un élu de « l’élite » n’hésite pas à sortir.
A exhiber, même, pour un parvenu qui s'affiche. Plus de soupçonneux ou presque ne s’inquiétait de mon identité afin de ne pas vexer « la » personnalité détentrice d’un tel « sauf conduit ». Les restaurants n’acceptant plus ce type de paiement, à leur grand regret, s’honoraient du mien et offraient même le digestif à notre table. Courbettes à la sortie. Carte commerciale remise. Trop.
Je ne lui rendrai pas ce vieux document. Bon souvenir pour moi, plaisantin à l’époque, rigolo déphasé maintenant, nostalgie d’un amour envolé, pour lui.

(histoire rigoureusement authentique).

LEGER Michel (Breuillet)

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