mercredi 29 mai 2013

Le Chat d'Alice

Son prénom en grec signifie « tête couronnée », oui sûrement mais pas d’une auréole juste de cheveux poivre et sel…

Je l’ai aimé, je l’aime et l’aimerai à l’infini comme si un lien du sang coulait entre nos veines, un torrent, une cascade vertigineuse comme un virus qui sommeille il est là me taraude, cellule par cellule…

Parfois, mon corps me rappelle sa présence : c’est le souvenir de son parfum entêtant qui bouscule mon univers, ma chair s’anime, vibre, résonne, je ne suis que molécules, chimie des sens, tout bascule vers lui tout est happé par son odeur, il m’imprègne, me façonne,  me pétrit et cet être minuscule que je suis quand je pense à lui n’est qu’hymne à la vie, au printemps qui éclate sa puissance, une vague qui se noie parmi tant d’autres … pas mon cœur …pas bonne nuit…

La rencontre de départ sur une photo. Son profil était presque parfait : « tendre trop tendre peut-être », on ne l’est jamais trop . Cela m’a touché profondément qu’un homme se définisse d’emblée par une émotion « féminine », introduction concise, dépouillée, sans insistance, avec un appel à la douceur, une promesse de repos.

Première photo, reconnaissance instantanée, j’ai percuté et trébuché sur ce profil.

Il n’était pas rasé de près tel un baroudeur roulant sur des rubans de bitume avalant des kilomètres dans son bolide aluminé. J’ai su après qu’il aimait passionnément les voitures anciennes, les vieilles anglaises, pas celles «d’Arsenic et vieilles dentelles » mais les descendantes des « seven », les Cat comme ils disent Cat ou chat si l’on traduit.

Sur une autre, il détournait le regard, tourné vers le sol, une photo où il était déjà en rupture sentimentale, seul à côté de ses enfants… Une plage presque déserte ou qui allait bientôt l ‘être.

Il m’a happé, il m’ a rappelé vaguement quelqu’un, était-ce déjà lui dans une promesse vers notre future rencontre ? Deux photos et les dés allaient être lancés.

Nous étions terriblement seuls, en attente…

J’ai « pris » fermement sa main, j’ai saisi, forcé ma chance, je l’ai tenaillé, serré. La sienne s’imbriquait parfaitement dans la mienne. Même pression, même mouvement.
Ce fût une rencontre photographique, physique,  épistolaire, une suite de premières fois, de dernières fois, un tourbillon aimanté et magnétique…

A cette époque, je découvrais les vertus de la musique, des groupes anglais, la
« Brit Pop », qui inondait nos ondes effet des Jeux Olympiques à Londres. J’embrassais ses goûts culinaires, musicaux, j’aimais sa passion des voitures rétro, j’aimais son quartier, grâce à lui j’aimais la terre entière, je me nourrissais de lui telle une enfant. J’explorais à quel point l’ on peut repousser les limites de notre âme, de nos habitudes, du conditionnement quotidien…

Non je ne vivais pas la même histoire d’amour que les précédentes,  c’était une de celle qui allait donner du fil à retordre, qui allait développer mon imagination comme une araignée tisse sa toile… inlassablement et obstinément  quel que soit le vent, la pluie, les pièges de la nature. Je n’avais pas envie de reproduire aveuglément une histoire qui serait fatalement stérile, au contraire j’ai misé sur l’innovation mettant en friche mes terres sentimentales. Je me suis mise en danger affectivement  jouant les amoureuses dignes des geishas, j’étais prête à tous les sacrifices.

Un objectif : être avec lui, le voir, le frôler, le toucher, m’emplir de lui jusqu’à la prochaine fois, rassasier la soif de me perdre dans un délicieux tête à tête, le perdre dans une indifférence totale, le reconquérir sans jamais savoir s’il allait céder au plaisir de nos retrouvailles.

Ma vie n’a jamais été aussi secrète qu’à cette époque, je vivais banalement en surface pour les autres et je cultivais ce jardin paradisiaque ou maléfique, sans le dévoiler à quiconque, c’était mon territoire où je n’embarquais personne. Une île qui était habitée par mes récits imaginaires qui alimentaient cet amour. Lui, renouvelait par ses visites nocturnes et épisodiques, cet havre de paix et de tourments .

  Si je n’avais pas croisé cette photo, je n’aurai jamais aimé écrire, lui écrire, mes mots n’auraient jamais eu de sens ni de consistance, je serai devenue invisible, microscopique…

Je ne cherchais pas la reconnaissance avec lui, pas au début, mais la co-naissance, celle qui fait que deux êtres sont en totale osmose sans se parler, ouvrir les yeux sur l’autre sans le juger, se laisser éblouir, tout donner, tout recevoir, créer nos repères, nos propres appels à roucoulade, nos codes et jeux amoureux parfois un peu cruels mais qui pimentaient l’effervescence du duo.

C’était comme un dîner divin, un festival de saveurs, nous aimions partager nos repas le soir, les plaisirs gustatifs comme prélude, un rituel auquel nous ne dérogions jamais, une résurrection que de se sentir désirée et aimée. Il me disait toujours qu’il aimait  les femmes qui se faisaient « belle » et qui prenaient plaisir à cuisiner pour leur amoureux, j’étais cette femme, je le suis toujours…

Je serai toujours une femme « temple » où l’on se réfugie pendant la tempête, où les prières sont exaucées, un port sans attache pour lui. Je ne sais plus rien de lui, seulement que sa mère s’appelait Alice qu’elle le câlinait sur ses genoux en lui disant : « Mon petit chat ».


Nathalie Cochet (Breuillet)

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