La pirogue glissait lentement sur l’onde, orientée
de temps en temps par le discret battement de rame de Bamba qui, de son côté se
laissait porter par le charme du lieu.
De son écrin de verdure, elle surgissait : la
maison, les pieds dans l’eau, entourée de grands arbres protecteurs ; elle
existait ici comme le témoin d’une nécessaire présence humaine, de la
cohabitation tranquille entre les hommes et l’environnement.
Elle était le symbole d’une alliance entre les
éléments tous nécessaires à l’harmonie de la terre et des habitants, Bamba le pensait
vraiment.
Chaque jour, il ralentissait l’allant de son
embarcation, il s’accordait un instant
de répit et découvrait maints détails : la toiture de tuiles -pas
habituelles ici- les piloris bien agencés, équilibrant le port de la maison, sa
façade de bois où il ne voyait que des
ouvertures à claires-voies qui invitaient à regarder à l’intérieur.
Bamba s’interrogeait parfois : « quelle était cette
volonté qui avait incité un autochtone ou un résidant à braver les obstacles, à
installer ici une bâtisse ? » Il
appréciait toute la persévérance, la volonté et l’admiration que sa réalisation
avait nécessitées.
La formidable palette de couleurs : la variété
de verts, aux différents tons de brun parsemés d’éclats de jaune ; sur la
transparence de l’eau, un lumineux miroir aveuglant où le soleil jouait son
meilleur rôle de Narcisse. Cette conjugaison de nuances embellissait un cadre
que Bamba abordait quotidiennement comme un endroit exclusif, à lui, pour lui.
Il était là comme un chercheur d’or avec un trésor
qu’il considérait comme sa propre conquête ; Bamba trouvait un fabuleux
terreau pour y élaborer sa propre richesse : il récoltait des pépites de
vie.
Dans cet
environnement, ses tensions s’apaisaient, il entrait dans un lieu
générateur de tranquillité qui le transcendait, lui vidait l’esprit de toutes
pensées parasites ; cette vacuité mentale le libérait.
Il savourait ce moment, la maison lui renvoyait une
impression de paix et de légèreté : Bamba ne voulait à aucun moment rompre
le charme qui l’envahissait et sur son embarcation un instant immobilisée, il
respirait la force de l’instant.
Le clapotis de la vague le ramenait peu à peu à son quotidien,
il s’éloignait emporté par le courant, vers son labeur.
De cette partie du voyage il retirait un souffle
vivifiant, une énergie bénéfique qui allégeaient le reste de ses dures journées
de travail sur le chantier.
Ses collègues s’étonnaient de la bonne humeur
constante et de la vitalité de Bamba, il ne disait rien de ce qui embellissait
ses journées, il ne souhaitait pas non plus partager la vraie source de son
entrain.
La maison plantée au bord de l’eau lui envoyait
comme un espace de liberté, l’aidait à vivre calmement son quotidien, il y
voyait un signe précieux de son grand-père dont il se rappelait les
paroles : «Garde tes yeux ouverts sur le monde, et comprends que tu es de
ce monde !» « Ton cœur doit cultiver la bienveillance, elle te sera
rendu ! »
Ces sages paroles résonnaient en lui et un baume
réconfortant et indicible embrasait son cœur ; la maison lui rappelait
tous les moments chaleureux de son enfance.
Avec le temps, il était parvenu dans ce décor à
créer, juste pour lui, un espace de bien-être, un ilot d’oxygène … il
approchait parfois de la maison avec crainte
et espoir … crainte que l’ambiance bénéfique ne se soit dissipée, espoir
que celle-ci soit toujours bien présente.
La maison
rassurait Bamba, lui apportait la promesse d’un jour heureux, et
poursuivant son voyage il réalisait qu’elle restait un signe bienveillant,
qu’il avait trouvé là une source de bonheur, un lieu secret propice à éloigner
toute tristesse.
Personne ne pouvait mieux que lui respirer et
ressentir le puissant magnétisme de cette bâtisse sertie dans son décor
verdoyant, baignée de soleil. Il comprenait que cette découverte le plaçait
comme un privilégié, il était seul à apprécier cette atmosphère particulière
insaisissable et tellement bienfaisante.
Il connaissait la valeur gratifiante de ce site, il
n’ignorait pas le bruit d’ailleurs : les cris des hommes, la souffrance,
le chaos du monde, ne lui étaient pas épargnés car de retour au village, la
télévision et la radio ramenaient avec elles le bruit et la fureur de
l’univers.
Retrouver cette ‘maison’ ? retrouver une
‘maison’ ? percevoir le présage stimulant d’une maison d’un lieu, d’un
site … porteur du meilleur pour vivre au mieux le quotidien ! Bamba, est un guide, la recherche s’engage, c’est le choix du
chemin qui reste l’inconnu !!
Et quel inconnu, dans un monde où les événements
suscitent notre perplexité et notre incompréhension, l'homme a besoin de
retrouver des repères, du sens et des valeurs. Créer
une indispensable alliance entre une réflexion sur l'extérieur et la perception
de la réalité intérieure, afin de supprimer le clivage artificiel qui sépare
l'univers objectif de l'univers subjectif, le travail commence, il n’aura pas
de cesse…
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