mardi 4 juin 2013

Dona Maria

-                 « Non ! qu’est-ce que cette photo fait là ? 
-                 Qu’avez-vous encore trouvé, zia[1] Graziella ?
-                 Je l’avais oubliée … il y a si longtemps ! regarde.
      Au milieu d’une pile de draps brodés, autrefois pièces principales du trousseau des jeunes filles à marier, tante Graziella, découvrait, les larmes aux yeux, l’image vieillie, couleur sépia délavée, d’un homme déjà âgé.
        « C’est  la photo de l’amoureux que vous avez laissé là-bas ?!
    -      Oh, non ! Ti sbagli, carina mia[2]. Regarde bien, tu devrais deviner. »
   Quand elle s’adressait à nous, les petits, elle mêlait les langues des pays où elle avait vécu. Tante Graziella, l’aînée de mes tantes, avait enfin trouvé le courage de rouvrir la chambre où sa mère avait passé un demi-siècle de sa vie.
     Sa mère, ma Nona[3] Maria, nous avait quittés depuis un an déjà. Pressentant sa mort prochaine, elle avait réuni ses six filles autour de son lit : « Ne croyez pas que je vais vous parler d’héritage; je ne possède plus rien là-bas. Après tant d’années, mon frère Aurelio,  puis ses enfants ont acquis le droit de propriété, et ce n’est que justice car ils nous ont toujours aidés. J’ai passé cinquante ans de ma vie en exil, vivant dans le mensonge,  n’osant plus aborder le monde, mais je veux,  à ma mort,  un enterrement comme je l’aurais eu  là-bas, une cérémonie digne d’une princesse, avec une chanteuse lyrique pour interpréter l’Ave Maria ».
      Elle avait eu tout cela.
   Les petits n’étaient pas autorisés à suivre l’office. J’avais huit ans et, avec mes sœurs, cousins et cousines, nous devions rester dans la Grande Maison. Loin de nous l’idée habituelle d’organiser un jeu, pas de marelle tracée à la craie de couleur sur le sol en marbre blanc du grand patio, pas de parties de cache-cache endiablées à travers l’enfilade des chambres qui donnaient sur la galerie supérieure. Nous étions tétanisés. Un silence pesant emplissait la demeure où nous découvrions peu à peu un sinistre décor : miroirs et tableaux cachés sous un voile noir; noirs aussi,  les lourds rideaux accrochés au portail de l’entrée, le corbillard orné de lugubres pompons dressés vers le ciel, les chevaux qui s’avançaient difficilement sur les pavés glissants de la ruelle, les parents qui se préparaient à suivre le cercueil déjà fermé où Nona reposait.
   Jamais, plus jamais je ne frapperai à sa porte : « Nona, sono io ! »[4]. Sa vue baissait; elle reconnaissait ma voix et du fond de son fauteuil, elle souriait déjà, tendait les bras, tâtonnant à la rencontre de mon visage : « Vieni, amore mio, un baccio ? Non un baccio, UN BACCIONE ! [5]» Et ses mains diaphanes sur mes joues, je me sentais l’espace d’un instant, si délicieusement aimée, « mia più amata »[6] disait-elle, mais je n’étais pas dupe, la scène se répèterait avec ses autres petits-enfants !
   Elle avait 92 ans, âge rarement atteint alors. Elle quittait sa Grande Maison de la vieille ville par une chaude journée du mois d’août. Cinquante ans auparavant, un 15 août 1896, elle avait fui son beau là-bas, sur l’autre rive de la Méditerranée.
       «   Alora,  piccina mia, non trovi[7] ? Tu ne vois aucune ressemblance?  me secoue tante Graziella.
         -   Oh, pardon zia,  je pensais à Nona… Je crois deviner. Il me semble retrouver le même regard que celui de ma mère, ses mêmes petits yeux noirs, si vifs. Est-ce que je me trompe si je dis que c’est votre père ?
-          Si, è mio padre, tuo Nono Antonio[8].
-          Mais alors, je ne comprends plus rien ! Vous nous avez toujours expliqué que Nona était veuve, que grand-père était mort jeune, que vous aviez quitté l’île juste après sa mort et là, je viens de découvrir un grand-père déjà âgé et qui plus est…en y regardant de plus près…mais c’est étrange, il n’a plus qu’une moitié de moustache comme si l’autre moitié avait été méchamment griffée! Zia, vous savez pourquoi ?
-          Si.
-          Alors ?
-          Non oggi, sono molto stanca[9].
      En effet, cette journée de rangements où les souvenirs affluaient par bouffées chargées  de sanglots contenus, l’avait brisée. Mais Tante Graziella avait promis… …plus tard. « E poi, sei piccolina per capire certe cose »[10] avait-elle ajouté.
    Plus tard, beaucoup plus tard, à la fin des années 50, un grand bouleversement  avait dispersé les familles aux quatre coins du monde. Il nous fallait partir : les colonies avaient fait leur temps.
    Avec un immense chagrin, tante Graziella préparait son rapatriement vers sa ville natale.  Pourtant, c’était toujours d’une voix pleine de nostalgie qu’elle évoquait  « la belle Erice, accrochée à son rocher, vertigineux balcon entre ciel et mer bleus.  Du bleu partout ; tous les tons de bleu le jour, somptueux bleu de nuit quand les milliers d’étoiles au ciel profond se mêlent à l’horizon, aux milliers de lumières de la cité portuaire située à ses pieds ». Elle était intarissable sur l’histoire de sa ville, depuis sa fondation par la reine phénicienne Astarté jusqu’à l’épopée garibaldienne : « Et surtout, n’oubliez pas que Vénus mit au monde sur notre rocher, un fils nommé Erix, d’où le nom de Erice; c’est Virgile qui le raconte, lisez donc l’Enéide ! », nous répétait-elle souvent.
    « Zia Graziella, nous allons nous quitter et je suis aussi très malheureuse ! Nous viendrons vous voir à Erice, c’est promis. Pas un seul jour sans penser à vous. Comment oublier tout ce que vous avez été pour la famille. Ma mère savait ce qu’elle faisait en choisissant de continuer à vivre dans la Grande Maison. Vous n’avez pas eu d’enfants, mais nous avons été vos enfants ; les lambeaux de tendresse que nous accordait maman quand il lui restait un peu de temps, vous les avez largement  comblés. Vous nous avez  appris votre pays, son histoire, sa musique, ses grands hommes, sa cuisine même… Vous nous avez offert la chance extraordinaire de pouvoir accéder à votre culture, celle de dire aussi bien, par exemple…les poèmes de Gabriele d’Annunzio que ceux de Victor Hugo !            
      Zia, regardez autour de nous : l’atelier de ma mère n’existe déjà plus ; ouvrières, clientes, enfants, voisins, amis… cette vie joyeuse, bourdonnante que nous avons partagée dans notre Grande Maison, est un passé révolu.  A court terme,  nous partirons tous…
      -         Oui, nous partirons tous, en laissant nos morts, ma mère, ton père, mon père…
-              Votre père ?!...Zia, j’ai bien entendu ? Ah ! ces non-dits sur votre père, vont-ils durer encore ? Vous vous souvenez du jour où vous aviez trouvé sa photo griffonnée, vous m’aviez promis la vérité. Plus tard…m’aviez-vous dit. »      
        Ici commença  son récit, qui ne se déroula pas d’un seul trait. Elle ne se faisait plus prier pour le reprendre, persuadée, à présent, que j’étais en droit de connaître ce passé et que notre temps était compté.
     «  Vois-tu, toutes les six, nous sommes nées dans la bâtisse moyenâgeuse en aplomb sur la mer dont je t’ai souvent parlé. Avec une orangeraie à l’intérieur des terres, elle était la propriété de ma mère. Jeune-fille belle et bien dotée, elle ne manquait pas de prétendants. Tous furent remerciés par ses parents qui lui choisirent pour époux, le seul homme capable de continuer à entretenir et à mettre en valeur les biens de la future épouse.
      De onze ans son aîné, mon père avait déjà fait ses preuves et était connu pour son sens aigu des affaires.  Il fit prospérer tant et si bien la propriété de ma mère, que ses oranges se vendaient non seulement sur l’île, mais aussi sur le continent. Il s’absentait souvent – de plus en plus souvent – pour aller voir ses clients et à son retour, il nous comblait de cadeaux : jouets, chapeaux, robes souliers, bijoux … introuvables au pays et c’étaient des cris de joie, de  surprise en surprise! Nous le remerciions, l’embrassions, lui sautions au cou : il était le plus adorable des pères.
       Ma mère, tout à l’éducation de ses six filles et à ses bonnes œuvres, se désintéressait de ce commerce. Elle n’aimait pas parler d’argent, ne l’écoutait plus quand il voulait lui rendre  compte des dernières ventes fructueuses qu’il avait réalisées. Quels liens les unissaient ? Mon père était généreux, drôle, plein d’humour, charmeur ! Il respirait  la joie de vivre,  comment ne pas s’y attacher !
        Le 15 Août 1896 nous fêtions la première communion de mes deux plus jeunes sœurs. Mon père leur avait acheté de ravissantes robes en organdi blanc délicatement  festonnées au col  et aux manches, avec une ceinture en satin bleu. «Mes petits anges! Vous serez  les plus jolies !» les avait complimentées maman. 
      L’Assomption est la grande fête patronale à Erice. Elle est célébrée, aujourd’hui encore avec autant de faste. Tout commence par la cérémonie religieuse avec grandes orgues, chorales, homélie pompeuse prononcée par l’Evêque en personne. Puis, en procession, on    promène la statue de la Vierge Marie, sur un brancard débordant de fleurs porté par quatre marins-pêcheurs. On l’a richement vêtue et parée de bijoux en or, en argent, en corail qui est abondant dans les fonds sous-marins alentours.
     On traverse les ruelles de la ville haute, puis on descend lentement vers la mer, on suit le rivage, les pieds dans l’eau et les chants n’en finissent pas de retentir en écho sur les collines,  priant la Sainte Mère de protéger les marins-pêcheurs et leurs familles. Vient enfin, le moment tant attendu du banquet dressé sur la place du village et la fête se prolonge jusqu’au soir avec guitares, chants et danses folkloriques. »
   Je l’interromps : «  Mais, zia  Graziella, nous connaissons tous, cela. Parlez-moi de Nona          «    -   Oui, oui… donc le 15 août 1896 … Oh ! J’ai revisité maintes et maintes fois les détails de cette journée. Imagine l’ambiance festive, les cloches de la Chiesa Matrice[11] carillonnant gaiement dans la douce fraîcheur matinale, conviant  tout le village à la Grand Messe. Chacun avait pris grand soin de sa toilette : les jolies robes d’été fleuries, les chapeaux  parfois extravagants, les costumes neufs étaient de mise… et les cœurs à la fête !
       Je n’ai d’yeux que pour ma mère. Elle a fière allure, sobrement élégante, elle paraît jeune malgré la quarantaine. Sur le parvis de l’Eglise, elle fait une pause, comme de coutume. Elle prend des nouvelles des uns, des autres…
       Ses deux petites dernières,Anna et Clara la quittent et courent prendre place devant l’autel avec  les autres communiantes.
    On salue Dona Maria. On la remercie pour sa générosité auprès des petits orphelins. On la félicite per le quattro signorine[12] qui grandissent  en sagesse et en beauté, déjà courtisées semble-t-il.   On l’interroge sur le retour de son époux…  
  Suivie de ses  filles aînées, maintenant, elle s’avance dans la nef principale. D’un joli geste de la tête, elle sourit, saluant à droite, à gauche, d’autres visages familiers. Elle se laisse porter par le bonheur d’être reconnue, estimée … jusqu’au moment où son regard se fige, sidéré, ne répondant plus qu’à une seule vision, mais laquelle ? Je cherche à comprendre, à suivre la trajectoire  de son regard. Je ne vois rien qui explique la lueur assassine que j’ai vue passer dans ses yeux. Mais déjà, elle soupire, ferme un instant les yeux, se reprend, gagne sa place et reste pétrifiée jusqu’à la fin de la messe.
  C’est le moment de la communion et, je comprends… lorsque, non pas deux, mais cinq fillettes s’agenouillent pieusement devant l’autel   - ravissantes, toutes vêtues d’une robe en organdi blanc, délicatement festonnées au col et aux manches avec une ceinture en satin     bleu-
                        Tableau angélique tournant au déshonneur public.
    « Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous ! » chante le curé de la paroisse,  mais sa voix semble mal assurée… Lui aussi a compris. Il sait.  Les curés de village savent bien des secrets. Il sait que les langues iront bon train aujourd’hui et pour longtemps encore ! Quels mots trouver qui apaiseront Dona Maria, qui la mèneront à pardonner cette infamie ?
      Pour l’instant, elle ne réagit pas. On ne bouge pas. On attendra la fin de l’office. Pour nous, l’heure n’est plus à la fête. Les bancs se vident. « Ave, ave, ave Mariaaaaaaaa ». La procession est en marche. Elle s’éloigne. Nous quittons l’église par la petite porte latérale. La rue est déserte. A la maison, elle retirera les petites robes en organdi blanc, et devant nos yeux incrédules, calmement, méthodiquement, elle les mettra en pièces et jettera le tout  par terre.
       Son frère, Aurelio, bouleversé par la trahison d’Antonio, son ami, son beau-frère, délaissera les festivités et accourra à la maison. Alors, elle n’y tient plus. Devant lui, elle déverse violemment son amertume «… Et c’est avec la veuve Valentina qu’il est allé se compromettre, ce traître, avec cette gourgandine ! Veuve…a-t-on jamais su de qui ?  Je ne supporterai pas d’avoir à croiser un seul regard témoin de mon humiliation…e lui, non voglio più rivederlo![13] »
    Et, sur un ton péremptoire : « Il faut que tu m’aides à partir. Maintenant. »
     Elle craignait moins les aléas de l’exil que sa condition de femme trompée. Avec une ferme détermination, elle a détourné les trajectoires de nos vies jusqu’ici si clairement tracées et du même coup, elle ruinait à jamais celle de notre père. » 
      Tante Graziella arrêta là son récit. Nous restions un moment, pensives. Je respectais son silence plein d’émotion. J’imaginais un instant leur départ dont je connaissais certains détails, départ si précipité qu’elles n’avaient pas eu le temps de réaliser l’importance du moment. Confiantes dans la présence de leur mère et de leur oncle qui se soucierait des lendemains, elles rêvaient de cette Afrique mystérieuse qui s’approchait et contemplaient le spectacle féérique  que leur offrait cette nuit d’août où les étoiles filantes venaient mourir dans une mer étale.
    Puis j’osais : « Zia,  vous n’êtes pas restées sans nouvelles de votre père ?
         Carina mia, ta mère t’en dira plus que moi. C’est à elle qu’il écrivait… »
       Je sentais qu’elle n’irait pas plus loin.
      Interroger ma mère ?… Je craignais sa réaction, elle, toujours inquiète de notre devenir. Je m’entendrais dire certainement : «Oh, mais pourquoi remuer le passé! Vous n’étiez même pas nés… Je ne vois vraiment pas l’utilité de remplir vos têtes de nos vieilles histoires ! »
       Pourtant, maman m’a donné les lettres jaunies de son père : « Quand tu en auras lu une, tu les auras lues toutes! Tu verras, il répète toujours la même chose : il n’a plus envie d’entreprendre quoi que ce soit, il ne vit que dans l’attente d’avoir de nos nouvelles, il espère nous retrouver un jour…
-          Et toi, que lui écrivais-tu ?
-          Je lui racontais notre Grande Maison, nos journées heureuses et laborieuses : mon atelier de couture qui prenait de l’importance, mon bonheur d’arriver à réaliser les  robes de soirée d’après les modèles de Jean Patou, Jacques Fath, Pierre Balmain …Je lui parlais des cours de piano que donnait Graziella, des études de mes jeunes sœurs…
-          Et vos veillées, maman, tu les lui racontais ? Etaient-elles, alors, différentes de celles que nous avons connues ? »…
                                                                                                                                                   Aujourd’hui encore, je ne puis penser à mes jeunes années dans la Grande Maison, sans que remonte du fond de ma mémoire, les heureux moments passés, après diner, dans le vaste patio aux dalles de marbre blanc, aux murs carrelés de frais azulejos bleus. Les soirs d’été, (l’été durait la moitié de l’année et peut-être même davantage!) nous avions l’habitude de nous réunir là. Heures délicieuses, alors que la chaleur s’estompait peu à peu et qu’au dessus de nos têtes, le ciel s’obscurcissait lentement pour s’habiller d’étoiles ! Nous nous attardions jusqu’à une heure avancée de la nuit, racontant notre journée, rappelant des souvenirs, rêvant de projets toujours extraordinaires…
   Si des parents ou des amis venaient se joindre à notre cercle, la conversation prenait l’allure d’une gazette : on s’inquiétait des dernières nouvelles, plus menaçantes de jour en jour, on commentait les évènements familiaux, on discutait affaires, achats, ventes… on n’échappait même pas à la météo, par ailleurs invariable : « Il va encore faire chaud demain… ». D’autres soirs, s’organisaient des jeux de société, des parties de belote qui n’avaient rien à envier à celles de Marcel Pagnol : longtemps après, j’ai su pourquoi mes jeunes tantes gagnaient tous les tournois  elles avaient convenu d’une chanson par figure et quand l’une avait le valet et le 9 d’atout, sûre de gagner la partie, on l’entendait claironner Volare, oh, oh cantare, oh, oh, oh…
    Les soirs de coupures de courant dues aux restrictions, étaient mes soirées préférées quand tante Graziella se mettait au piano et que nous essayions maladroitement de danser : valse de Johan Strauss, rarement à trois temps, tango argentin qui n’avait rien d’argentin pas plus que de tango d’ailleurs,  paso doble transformé en une joyeuse cavalcade, Olé !
     Cependant maman m’expliquait: «Pour Nona Maria, la veillée a toujours été un moment sacré, la trêve de la journée à respecter. C’est en partie grâce à de telles soirées  où elle était visiblement heureuse, que son cœur en miettes a fini de se réparer. Non, je ne racontais rien de cela à mon père. Je le mettais cependant au courant des nombreux évènements familiaux : fiançailles, mariages, naissances…  Pour ces grandes fêtes, son absence était toujours douloureusement vécue par nous toutes, y compris par ma mère, même si c’était pour d’autres raisons.                                                                                                       
-          Je suppose que c’est dans un de ces moments là, qu’elle s’est déchargée de son trop plein de ressentiment sur la photo de grand-père!
-          Tu as tout compris, ma fille.
-          Maman, je sais par zia Graziella,  qu’il a terminé sa vie parmi vous. Nona Maria l’a donc accepté.
-          Accepté … c’est bien vite dit. L’oncle Aurelio, depuis Erice, avait fini par nous apprendre, que mon père s’affaiblissait, qu’il était malade et que nous devions insister auprès de notre mère pour qu’elle accepte des retrouvailles et que nous, ses six filles, avions tout de même le droit d’en décider, maintenant.
-          « Sarà il vostro problema. Per me, fa d’assai che non esiste più[14].», nous avait-elle répondu fièrement.
       Il est venu et n’a plus trouvé la force de s’en retourner.
       Les premiers temps, elle l’ignorait complètement. Peu à peu, elle a commencé à s’impliquer dans ses soins, puis à se hasarder sur le seuil de sa chambre, à entrer pour lui apporter ses médicaments, se tenir à son chevet, s’asseoir un petit moment, moments de plus en plus longs…jusqu’au jour où elle a pris sa main dans la sienne et ne l’a plus quitté. Que se sont-ils dit ? Le mal qu’ils s’étaient fait mutuellement ? Le temps à jamais perdu ? 
 Qui sait ?  Mais ils avaient retrouvé leur lumière intérieure. Le pardon, petit à petit, avait fait son chemin, même s’il arrivait tard, hélas !  Nous l’avions si longtemps attendu… »



[1] Tante
[2] Tu te trompes, ma petite chérie
[3] Ma grand-mère
[4] Grand-mère, c’est moi.   
[5] Viens, mon amour, un baiser ? Non un baiser un gros baiser.
[6] Ma préférée.
[7] Alors, ma petite,  tu ne trouves pas.
[8] Oui, c’est mon père, ton grand père Antonio.                                                           
[9] Pas aujourd’hui, je suis très fatiguée.
[10] Et puis tu es trop petite pour comprendre certaines choses.
[11] L’Eglise Mère.                                       
[12] pour ses quatre demoiselles.
[13] et lui, je ne veux plus le revoir.

[14] Ce sera votre problème car pour moi, voilà bien longtemps qu’il n’existe plus.


MUZY Carmen (St Maurice MontCouronne)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire