Alexandre Gouzou a proposé de nombreux jeux d'écriture aux participants pendant les trois ateliers. Et en voici quelques exemples :
Je me souviens d’avoir été réveillée par le rire des enfants.
Je me souviens de la tempête brisant la vitre du salon.
Je me souviens d’avoir eu pendant mon enfance la peur du vide.
Je me souviens de la pendule qui marquait toujours 30 minutes d’avance.
Je me souviens de la radio que j’écoutais chaque matin.
Je me souviens d’avoir eu des souvenirs.
Je me souviens de toi sans moi.
Je me souviens du papier peint à grosses fleurs jaunes jaunie par endroit.
Je me souviens du parasol abandonné sur une terrasse en plein hiver.
Je me souviens du lavabo remplit de cheveux bruns, blonds après le passage de toutes ces têtes décoiffées.
Je me souviens de l'orage arrivant par surprise.
Je me souviens des vagues gigantesques prises d'assaut par trois courageux baigneurs.
Je me souviens de mes pieds enfoncés dans le sable mouillé.
Je me souviens du portail toujours ouvert.
Je me souviens des volets qui claquent au beau milieu de la nuit.
Je me souviens de cette maison en bord de mer.
Elsa
Je me souviens de l'odeur du café qui passe, tandis que je suis au chaud dans la chambre.
Je me souviens de la musique des cocotiers, bercés par le vent.
Je me souviens de la splendeur lumineuse, pailletée, éblouissante de la mer, de l'eau et des méandres que fait l'eau qui se retire comme autant de rivières, de fleuves, de lacs, de barrages, revenant vers sa mer-mère.
Je me souviens que le vélo grinçait.
Je me souviens de la pluie sur les carreaux.
Je me souviens que la nuit était claire.
Je me souviens de l'odeur du chien fraîchement lavé.
Je me souviens qu'on riait, riait, riait, à n'en plus pouvoir s'arrêter.
Je me souviens que le train n'est plus passé par là.
Je me souviens de la sirène du bateau arrivant au Havre, la fin de l'enfance, et l'arrivée dans l'inconnu.
Je me souviens de l'odeur du crayon, et des cahiers.
Le même exercice avec "je regrette" en début de phrase :
Je regrette mes yeux d’enfant.
Je regrette mon indécision.
Je regrette d’avoir vendu mon Pétrof, ce piano acajou que j’aimais tant.
Je regrette d’avoir mangé la part de gâteau de ma sœur.
Je regrette d’avancer comme une tortue.
Je regrette le temps perdu.
Je regrette les batailles de coussins avec mon frère, où nous finissions épuisés, et heureux.
Je regrette de ne pas pouvoir venir, mais ...
Je regrette qu'il pleuve tant, nous pouvons pas aller pique-niquer.
Je regrette les longues journées sur le bateau, les nuits, la mer, les dauphins nous accompagnant, les traversées.
Je regrette que vous ne puissiez venir à la maison.
Je regrette de ne pas avoir appris le piano.
Je regrette que tu sois triste.
Je regrette de vous déranger, vous dormiez encore ?
Je regrette ce ramdam pour une chose de si peu d'importance.
Faire une liste des choses qui font naître un sentiment de tristesse et de solitude :
Se rendre à un enterrement
L’incompréhension d’autrui
La maladie qui anéantit
La pauvreté qui prive
L’indifférence qui isole
Ne pas être écoutée
Ne pas être entendue
Se morfondre dans une salle d’attente à broyer du noir
Etre emprisonné sans pouvoir s’échapper
Assister encore et encore, impuissante, à une altercation, déballage écrasant, destructeur, d'un père envers son fils.
Assister à la souffrance physique, sans pouvoir adoucir la douleur.
Un enfant arraché à son père, à sa mère.
Se retrouver sur un quai de gare, étrangère, sans savoir où aller, sans savoir pourquoi, je suis là, comment je suis arrivée là, et à qui vais-je demander mon chemin ; d'ailleurs quel est mon chemin ?
La description d'un objet du quotidien (à la manière de Francis Ponge) :
La poubelle
La poubelle, drôle de mot, quand on décompose les syllabes. La première est un pou, la deuxième est belle. Quoi de plus utile que de tout jeter à la poubelle pour tout reconstruire. De toutes les formes plus ou moins esthétiques, elle peut être utile en préservant l’environnement par le tri des déchets ou criminelle. En effet, on y met tant de choses : ses détritus, des corps démantelés, ses secrets déchirés en morceaux…
Le téléphone
Aaah ... Le téléphone, un objet qui, au XXIème siècle, tout le monde se voit obligé d'en avoir un. Allant du petit téléphone à clapet au téléphone tactile hyper sophistiqué; mais les gens perdent de vue le vrai rôle d'un téléphone : téléphoner, puis, à la rigueur, envoyer des messages car à quoi bon dépenser une fortune pour avoir des jeux, la télé, des livres, des films sur son téléphone puisque l'on peut avoir tout ça chez soi ? Prenons un exemple : la télévision. Personnellement je préfère regarder la télé en famille dans le canapé, à la maison, que tout seul, sur un banc, avec mon téléphone. Pensez ce que vous voulez, mais, admettons que le téléphone est quand même une formidable invention.
Lucas
La cigarette
La cigarette, un tube pas très grand, remplit de tabac. Elle n'a l'air de rien ... C'est un moyen de mieux tromper son adversaire, qui ne peut s'empêcher de la saisir et de l'alimenter à l'aide d'une allumette.
Le Jeu commence.
La cigarette n'a que faire des classes sociales, elle se trouve aussi bien dans la bouche d'un sans-abri que dans celle d'un riche patron. Mais elle exerce le même pouvoir sur chacun d'eux, elle hypnotise son utilisateur. Le feu la consume pour l'aider à détruire son utilisateur.
Même si elle finit réduite à un mégot, jeté sur un trottoir, à la fin du jeu, c'est toujours elle qui gagne la partie.
Elsa
Le balai
Au bout d'un bâton, rond en général, un bouquet de genêts secs, ou alors une rangée de poils drus ou soyeux, courts ou longs, noirs, blonds ou de toutes les couleurs. Dans son placard, la pelle, la brosse, la serpillière, le seau, lui tiennent compagnie, en attendant d'en sortir, de prendre l'air. Samedi, c'est le grand jour ! La danse commence; il fait valser la poussière et les miettes, les rassemble en tas, la renvoie plus loin, fait fuir le chat, attrape les moutons, pour finir épuisé contre un meuble. Son camarade brosse prend le relais, énergiquement avec sa copine la serpillière. Lui glisse sur le sol, en tango sensuel, virevolte puis rejoint son collègue. Retour au placard, repos bien mérité, tête haute.
Ecrire une nouvelle avec une phrase de début imposée "Gabriel, avait attendu ce moment avec impatience toute la semaine." :
Gabriel avait attendu ce moment avec impatience, toute la semaine. L'attente avait été insoutenable. Depuis que ses parents lui avaient annoncés la nouvelle, il n'avait pas arrêté de penser à cet instant. Ce week-end tant attendu. Toute la semaine il avait demandé à ses parents : "C'est vrai ? On y va vraiment ? Son père souriait face à l'impatience et la joie de l'enfant pendant que sa mère lui répondait : "Oui Gabriel, c'est vrai" Il en avait parlé à tout ses amis à l'école : "devinez où je vais ce week-end ?" Même sa maîtresse y avait eu droit. Tous les soirs, avant de s'endormir, Gabriel y pensait, souriait, et se mettait à rêver. Rêver. Il y avait de quoi. Car après tout, c'est le rêve de tous les enfants. Et oui ! Ce week-end, ses parents emmènent Gabriel à Disneyland !
Gabriel avait attendu ce moment avec impatience, toute la semaine.
Pourtant, il s'était levé le lundi matin comme à son habitude, la maison silencieuse, la pâle lumière du jour naissant se montrait aux fenêtres. Il a fait sa toilette, est descendu, a pris son petit déjeuner. Le lait a débordé. Il faudra nettoyer la plaque, tant pis. "Tu pourrais faire chauffer au micro-onde, ce serait si simple", entend-il une petite voix lui dire. Cette voix, il l'a si souvent entendue. Elle est en mémoire, en écho dans ses pensées.
Macha, la chienne, guette à la porte, voudrait entrer, lui faire la fête, qu'attend-il ? Mais Gabriel est pensif, absent, en buvant son thé bienfaisant du matin, chaleur qui descend dans sa gorge, le réveille enfin. Macha, oh, il l'oubliait. Cette chienne est sa joie du matin pourtant. Et ensuite, il part travailler, laissant une radio allumée pour égayer le silence de la maison, gardée par l'animal.
Voilà, tous les jours se ressemblent, tous les matins sont les mêmes. Les journées se suivent et se remplissent de leurs rencontres, joies, fatigues, labeur ou paresse, etc.
Cinq jours ainsi passèrent. Une voiture s'arrêta dans la rue, klaxonna gaiement. Une volée de quatre étourneaux en sortirent. La maison bruissa de tout côté.
Gabriel avait attendu ce moment avec impatience, toute la semaine. Passant chaque jour devant la pâtisserie qu’il affectionnait en promenant son chien, occupation qui meublait ses jours depuis qu’il avait pris sa retraite. Se léchant les babines à l’idée même qu’il pourrait, comme chaque dimanche, savourer un délicieux fondant au chocolat ou bien encore une religieuse au café. Et ce dimanche arriva. Bouche bée, il scruta l’écriteau accroché à la devanture de la pâtisserie. Ouverture de la nouvelle boulangerie… Il sut par la suite que le pâtissier avait mis la clé sous la porte car son seul chiffre d’affaires se limitait aux week-ends. Il ne vendait pas assez pour vivre de son savoir-faire. Gabriel regretta, à ce moment–là d’avoir attendu, toute une semaine,une miche de pain. La semaine suivante, il évita de passer devant la boulangerie. Quelques mois après, il s’inscrivit à des cours de pâtisserie. Plus de frustration ni d’impatience. Il pouvait enfin manger à sa guise : forêt noire, fraisier, éclairs au chocolat… il en avait enfin plein les babines !
Faire une nouvelle avec une phrase de fin imposée : "Une fois encore, elle a raison." :
Comme tous les matins, je me lève très tôt. Ma femme et mes enfants sont encore couché. Je me lave, je vais prendre mon petit déjeuner, je laisse un petit mot sur la table à l'attention de ma famille, et je m'en vais. La maisonnée est toujours en train de dormir. Je vais à mon travail. Il n'a rien de très intéressant, mais il paye très bien. C'est l'essentiel.
Comme tous les soirs, je rentre très tard. Ma femme et mes enfants à moitié endormi sont en train de finir de manger. Lorsque je rentre, le visage jusque là souriant de ma femme se referme quand elle me voit. Ça m'adresser un seul mot elle finit de préparer les petits. Ils viennent me faire un bisou puis ils vont se coucher. Une fois fait, je vois ma femme venir à ma rencontre. Vu son visage tendu, ça va encore crier.
- Tu pars on est encore en train de dormir, tu reviens tes enfants vont se coucher. Ils ne te voient que quelques minutes par jour. Ils me demandent tous les jours où tu es, si c'est parce que tu ne les aimes pas que tu ne passes pas du temps avec eux. Tu veux que je réponde quoi ? Même le week-end tu n'es pas là !
Je m'attendais à ce qu'elle crie, mais visiblement elle est bien trop fatiguée et triste pour s'énerver.
- Je sais, lui répondis-je, mon travail me prend trop de temps en semaine. Je vais essayer de libérer au moins mes week-end pour vous.
- Tu nous le promets tout le temps, et tu ne le fais jamais.
Je ne peux rien répondre car une fois encore, elle a raison.
Faire une nouvelle comprenant des dialogues à partir d'une situation (tirée des Nouvelles de Salinger) : Un homme et une femme sont au lit, c'est la nuit, le téléphone sonne, l'homme prend le téléphone. C'est le mari de la femme qui est dans le lit à l'autre bout du fil.
Un homme et une femme sont au lit, c’est la nuit. Le téléphone sonne. L’homme se saisit du téléphone et à l’autre bout du fil le mari de sa maîtresse.
Quand le téléphone sonna, Fred, machinalement, décrocha, se croyant chez lui.
Silence. La personne au bout du fil raccrocha. Fred se sentait épuisé encore un mauvais numéro.
Le téléphone sonna à nouveau. Fred saisit encore une fois le téléphone.
Silence au bout du fil…..
Fred regarda par la fenêtre la lueur de la lune dessinant des formes inquiétantes dans la chambre devenue silencieuse. Fred se rendormit.
Puis, la sonnerie du téléphone se fit entendre une troisième fois. Fred répondit agacé d’une voix endormi : Allô, qui êtes-vous ?
Une forme ténébreuse se détacha de la fenêtre avec un téléphone à la main, Fred eut juste le temps d’entendre « Ton Assassin » puis le déclic de l’arme qui retentit dans la chambre obscure…
La Lumière du salon qui était restée allumée , passait par la porte entrouverte de la chambre. Sabine s'était endormi enlacée dans ses bras, ses cheveux épais, sur son visage paisible, serein. Le téléphone qu'il a laissé à côté, sonne, et sonne à nouveau avec persistance. Il se dégage en douceur; ce doit être important, il répond.
- Allô !
- Pierre, c'est Charles ! (C'est Charles, son ami, il est inquiet, anxieux) Désolé de te réveiller, il est tard mais il n'y a que toi que je pouvais déranger à cette heure. Je suis inquiet, Sabine est partie ce matin et n'est pas rentrée ce soir. Je n'arrive pas à la joindre. Que lui est-il arrivée ? Je suis tellement inquiet.
- Charles, calme toi, raconte-moi. Elle ne t'a rien dit ? ... Peut-être qu'elle est au théâtre, qu'elle n'a plus de batterie.
- Tout de même, il y a bien quelqu'un qui a un téléphone avec elle, et pourrait m'appeler. Elle peut-être eu un accident, que sais-je. A peine quelques heures de retard ... elle me manque.
- Elle a dû te laisser un mot sur la table qui a dû s'envoler. Ce n'est pas son genre de s'absenter sans prévenir.
- Mais si, justement, je trouve qu'elle a de plus en plus de réunions, ou dîner avec des copines.
La conversation continua ainsi, l'un lâche et faisant l'ami sincère cherchant à apaiser son ami, l'autre peu à peu moins inquiet.
Demain Sabine retrouvera son mari et tout s'arrangera.